Dans la fin de la première partie de l’œuvre emblématique « L’étranger », Camus décrit le meurtre de l’Arabe par Meursault comme étant directement lié à la chaleur et au soleil. La chaleur intense, le soleil et la sueur sont alors présentés comme facteurs déclenchants de l’impulsivité qui s’ensuit. Ce manque de causalité rationnelle a toujours été perçu comme s’inscrivant dans la vision de l’absurde de Camus, néanmoins, les recherches actuelles laissent penser que les actions de Meursault n’étaient pas aussi absurdes que cela.

En effet, plusieurs études ont mis en évidence un lien entre les vagues de chaleur et la recrudescence des comportements agressifs. On cite une méta-analyse publiée en 2024 dans Environmental Health Perspectives qui a montré qu'une hausse de 10 °C des températures moyennes à court terme augmenterait les taux de criminalité violente de plus de 9 %.

Il est connu que l’hiver est associé à un plus grand nombre de troubles dépressifs et anxieux. Mais quand on regarde les données hospitalières et de mortalité en psychiatrie, la chaleur est encore plus nocive que la grisaille. 
Les études les plus récentes montrent que les impacts de la chaleur sur la santé mentale sont gravissimes : décompensation des troubles de l’humeur, des troubles psychotiques comme la schizophrénie et des troubles anxieux. Dans ce sens, une étude, menée à Toronto au Canada de 2002 à 2010, a montré que les admissions aux urgences en lien avec la schizophrénie, les troubles de l'humeur et les troubles anxieux ont augmenté de 29 % lors des vagues de chaleur.

Les conséquences de ces décompensations sont des plus graves : agressivité envers les autres et augmentation des taux de suicide. En France, une étude, publiée en août 2022 dans American Journal of Epidemiology, a montré une relation entre la hausse des températures et l'augmentation du risque de suicide. Les chercheurs ont croisé les données quotidiennes de mortalité, toutes régions confondues, avec les températures enregistrées depuis 1968. Leur conclusion : plus la température grimpe, plus la mortalité par suicide augmente.

Ce lien méconnu du grand public entre chaleur et troubles psychiatriques peut être expliqué par plusieurs changements physiques. Les températures élevées entraînent une déshydratation, une baisse de la pression diastolique et une réduction de la capacité du sang à transporter de l’oxygène ce qui fait que le cerveau est un peu moins bien perfusé. De plus, le sommeil en temps de grande chaleur peut ne pas être aussi réparateur, influençant directement sur le bien-être mental.

Ces effets de la chaleur sont particulièrement alarmants dans le contexte de réchauffement climatique que connaît notre planète. Les chercheurs ont montré que les troubles mentaux et comportementaux en lien avec l’élévation de température augmenteraient de 11 à 17% en 2030 et de 27.5 à 49% en 2050, dans une étude publiée en 2025 dans la revue Nature Climate Change. 

En conclusion , il est important de noter que les changements psychiques s’observent de trois à cinq jours après le début d’un épisode de chaleur extrême pour la grande majorité des problèmes de santé mentale. La période pour agir en prévention est donc relativement courte, d’où la nécessité de mettre en place des dispositifs de soutien et d’accorder une attention particulière aux personnes souffrant de troubles mentaux, afin d’éviter le pire.