À la surprise générale, ou presque, le 12 novembre, le président Abdelmadjid Tebboune a accordé son pardon à Sansal, suite à une demande expresse du président allemand Frank-Walter Steinmeier.
L'évolution rapide du dossier fait donc suite à la médiation allemande, alors que les appels répétés de la France pour la libération de Sansal étaient restés sans effet. Le pardon est vraisemblablement présenté comme un « acte humanitaire, généreux ».
Cependant, cette libération ne peut être envisagée hors de tout enjeu géopolitique et constitue de toute évidence en filigrane, une manœuvre pour désamorcer la crise franco-algérienne, accentuée depuis quelques mois déjà. La médiation allemande s'inscrit, chacun le sait, dans un contexte tendu entre Alger et Paris.
En octobre 2024, la France a reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara marocain, provoquant une colère rouge à Alger et un refroidissement immédiat et notable des relations bilatérales. L'arrestation de Sansal, figure algérienne contestataire, a été perçue comme un levier de pression sur la France dont il porte la nationalité. Rien n'y a fait : en janvier, le Parlement européen avait condamné cette arrestation et exigé la libération de l'auteur, mais l'Algérie était restée sourde.
Qu'est-ce qui expliquerait ce rôle surprise de l'Allemagne, alors que d'autres pays auraient, paraît-il, essayé en vain de faire pince Alger ?
Le fait que le président Tebboune ait été soigné en Allemagne renforce ces liens avec l'Allemagne. Par ce canal, Alger améliore son image internationale sans céder directement à la France, ce qui atténue la perception d'une capitulation. Il faut aussi rappeler que Boualem Sansal est très apprécié et lu en Allemagne où il avait obtenu la plus prestigieuse des distinctions littéraires du pays. Cela couvre un peu cette médiation surprise.
La libération semble s'inscrire dans une stratégie algérienne de gestion des pressions internationales sans compromis direct avec Paris, préservant ainsi la face du régime. L'Allemagne, en tant qu'intermédiaire, permet d'apaiser les tensions tout en maintenant la stabilité politique intérieure algérienne.
Comme à leur habitude, les médias algériens, n'ont pas tardé à organiser des débats chantant l'humanisme et la grande sagesse du président Tebboune.
La vérité est que le contexte économique et stratégique que connaît l'Algérie ne lui permet plus de bombarder le torse. Face à un isolement diplomatique grandiose, une dépendance aux hydrocarbures et un ralentissement économique avec dévaluation historique du Dinar, le régime algérien utilise la libération de Sansal comme acte symbolique destiné à redorer son image car même ses partenaires historiques que sont les Russes et les Chinois, lui ont tourné le dos en faveur du Maroc.
On peut également faire une autre lecture et convoquer l'hypothèse des intérêts croisés. L'Allemagne a vraisemblablement servi d'intermédiaire utile, répondant aux intérêts de la France et de l'Algérie. Pour Paris, transférer la médiation à Berlin préserver une posture humanitaire crédible sans confrontation directe avec Alger. Pour Alger, répondre à une demande allemande permet d'éviter un recul symbolique face à l'ancien colonisateur.
Les perspectives et les implications sont alors plus claires. Le régime algérien conserve son cadre autoritaire ; la libération de Sansal ne constitue donc pas un signe de faiblesse. Les médias algériens cherchent même à montrer que l'affaire révèle la perte d'influence de la France, qui aurait cherché à isoler Alger.
Avec cette libération, la diplomatie algérienne serait désormais multipolaire. En réalité, le compromis était nécessaire pour limiter l'isolement diplomatique et économique de l'Algérie. Les défis structurels du pays restent importants et profonds.
Les médias algériens cherchent désespérément à montrer que la libération de Sansal par l'intermédiaire allemand témoigne d'un changement profond dans l'équilibre diplomatique régional en sa faveur.
La France aurait perdu son quasi-monopole historique sur les relations, confrontée à une Algérie souveraine et puissante qui a diversifié ses alliances européennes. Selon ces médias, cette évolution aurait affaibli symboliquement Paris et renforcé la diplomatie multipolaire de l'Algérie conquérante.
Au-delà de tel ou tel propose parfois ridicules dont le seul mais est de calmer le front interne algérien, cette libération aura un impact positif sur les relations franco-algériennes et, au-delà, sur la diplomatie allemande dans la région.
Pour l'Allemagne, ce succès diplomatique consolide son rôle géopolitique en Méditerranée et en Afrique du Nord, lui offrant de nouvelles marges de manœuvre politiques, économiques et sécuritaires. Berlin améliore sa position auprès des autorités algériennes et des pays voisins, et renforce ses partenariats stratégiques dans une région clé pour ses intérêts.
L'Allemagne, rappelons-le, s'était déjà prononcée positivement sur le projet marocain d'autodétermination au Sahara marocain.
La France atteint son objectif : libérer Boualam Sansal. Alger avait pourtant fait une affaire de dignité nationale.
PAR AZIZ DAOUDA/BLUWR.COM












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