La stratégie Maroc Digital 2030 doit s’inscrire dans cette logique : faire du Maroc un pays apprenant et souverain, où le numérique est mis au service du développement humain, de l’innovation et de la résilience territoriale. Trois leviers structurent cette ambition : les villes et régions apprenantes, laboratoires vivants d’innovation ; l’employabilité et l’entrepreneuriat numérique pour transformer la démographie jeune en atout ; et l’IA agentique qui marque le passage de l’IA-outil à l’IA-acteur.

Une ville intelligente n’existe que si elle apprend. Il ne s’agit pas d’empiler capteurs et plateformes, mais de bâtir des écosystèmes apprenants qui écoutent, corrigent et innovent.

- La médina apprenante : à titre d’exemple, à Rabat, avec Medinatech et le Cluster MedinIA, nous voyons comment la mémoire des maâlems et des habitants devient un laboratoire social, culturel et numérique. L’IA y est intégrée non pas pour imposer des modèles, mais pour apprendre des usages locaux.

- Le quartier apprenant : au-delà de la connexion, il devient un espace de citoyenneté numérique de proximité, avec des initiatives comme les jardins collectifs, la sécurité de voisinage ou l’entraide énergétique.

- La ville inclusive : à titre d’exemple, à Rabat, les AI Cafés montrent comment associer chercheurs, étudiants, décideurs et habitants pour co-construire l’avenir de l’IA urbaine.

- La région apprenante : le Maroc possède un avantage stratégique unique avec ses 12 régions et sa 13ᵉ région – la diaspora. Chaque territoire (côtier, intérieur, touristique, agricole) peut devenir un pôle sectoriel, créant un réseau d’apprentissage mutuel.

- Proposition Maroc Digital 2030 : généraliser les laboratoires d’innovation urbaine et régionale, reliés par une plateforme nationale de gouvernance systémique, afin de diffuser les apprentissages et d’éviter la fragmentation des projets.

Le Maroc connaît une situation préoccupante : 38 % de chômage chez les jeunes de 15 à 24 ans, une participation féminine limitée à 19 %, et la perte de 181 000 emplois ruraux entre 2021 et 2023. Mais cette crise peut devenir un levier de transformation si elle s’inscrit dans une logique de nouveaux métiers numériques.

- Artisanat augmenté : dans les médinas, l’assistant numérique du maâlem permet de générer des modèles de caftans via l’IA générative, de gérer les stocks et de diffuser en ligne. Cela crée des emplois hybrides (graphistes numériques, médiateurs culturels, e-commerçants).

- Emplois verts et numériques : à Ifrane, des capteurs et modèles prédictifs créent des métiers de techniciens en data environnementale et d’ingénieurs IA appliquée à l’écologie.

- Médiateurs numériques de quartier : avec l’e-dirham et MrabaData, l’accompagnement des citoyens dans leurs démarches numériques devient un métier à part entière, garantissant inclusion et souveraineté informationnelle.

- Proposition Maroc Digital 2030 : mettre en place un Programme national d’employabilité numérique visant la formation de 200 000 jeunes aux métiers émergents d’ici 2030, en partenariat avec les universités, les entreprises et les collectivités.

Le tissu entrepreneurial marocain reste dominé par des micro-entreprises, souvent informelles, et freiné par l’accès au financement. Les villes apprenantes et l’IA offrent un cadre pour structurer et moderniser cet entrepreneuriat.

- Incubateurs culturels : Medinatech et MedinIA deviennent des pépinières de startups dans l’artisanat, la réalité augmentée et la valorisation patrimoniale.

- Agri-tech : dans les régions intérieures, des coopératives utilisent drones, capteurs et IA pour optimiser irrigation et traçabilité.

- Tourisme numérique culturel : plateformes AR/VR permettant de visiter virtuellement médinas et kasbahs.

- Diaspora et entrepreneuriat transnational : startups en e-santé, fintech et edtech, cofondées par des Marocains du Monde et des équipes locales.

- Proposition Maroc Digital 2030 : créer un Fonds Maroc Digital Territoires, doté d’un capital public-privé, pour financer 5 000 startups innovantes d’ici 2030, dans les domaines de l’artisanat augmenté, de l’agriculture intelligente, du tourisme numérique et de la santé digitale.

- L’évolution de l’IA suit une trajectoire : des LLM (grands modèles de langage) au RAG (génération augmentée par récupération), jusqu’à l’IA agentique. Cette dernière est une rupture : elle n’expose pas seulement l’information, elle agit.

- Santé : un agent peut croiser dossiers médicaux, littérature scientifique et données en temps réel pour assister le médecin.

- Éducation : un tuteur numérique planifie le parcours d’apprentissage d’un étudiant et adapte les exercices.

- Administration : un agent guide le citoyen dans ses démarches, coordonne l’échange entre administrations et déclenche des procédures.

- Entreprises : interaction directe avec les ERP, prévision des stocks, automatisation des commandes.

- Proposition Maroc Digital 2030 : créer une infrastructure nationale d’agents numériques intégrés dans les services publics, les entreprises et les universités, en garantissant souveraineté informationnelle et éthique.

La réussite de Maroc Digital 2030 repose sur une approche systémique et participative. Il s’agit d’associer l’État, les collectivités, les universités, les entreprises, les citoyens et la diaspora.

- Conseils citoyens numériques régionaux : associer habitants, chercheurs et décideurs.

- Agences régionales du numérique et de l’IA : décliner la stratégie en fonction des atouts de chaque territoire.

- Plateforme diaspora : reconnaître les Marocains du Monde comme une 13ᵉ région numérique stratégique.

- Proposition Maroc Digital 2030 : institutionnaliser une gouvernance multiniveaux, combinant État, collectivités, entreprises, universités, citoyens et diaspora.

La convergence entre villes apprenantes, employabilité numérique, entrepreneuriat innovant et IA agentique trace une feuille de route claire pour Maroc Digital 2030 : 200 000 jeunes formés aux métiers numériques ; 5 000 startups soutenues dans l’artisanat, l’agriculture, le tourisme et la santé ; 13 régions connectées, apprenantes et inclusives ; des agents numériques souverains intégrés dans l’administration, l’économie et la société.

Cette vision n’est pas une utopie : elle s’appuie sur des réalisations déjà en cours comme MedinIA, l’e-dirham, MrabaData et les AI Cafés, et sur une trajectoire technologique mondiale allant des LLM aux systèmes agentiques.

Maroc Digital 2030 peut ainsi devenir un modèle original, conjuguant tradition et innovation, inclusion et souveraineté, ouverture et résilience.

Par Dr Az-Eddine Bennani