Une stratégie engagée depuis 2017
Derrière ce chiffre, un message clair : la prison avant jugement n’est plus la norme, mais l’exception. Un signal fort envoyé aux magistrats, aux avocats, mais aussi à l’opinion publique, souvent critique face à l’usage prolongé de la détention provisoire.
Cette évolution ne tombe pas du ciel. Elle est le fruit d’un travail de fond engagé depuis octobre 2017, date de l’indépendance institutionnelle de la Présidence du ministère public. Depuis, la ligne est assumée : rationaliser le recours à la détention préventive, mieux encadrer les prolongations et renforcer le contrôle des dossiers sensibles.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Après un pic en 2020, le taux recule année après année : 42,19 % en 2021, 40,85 % en 2022, 37,56 % en 2023, jusqu’à atteindre 31,79 % en 2024. Une trajectoire descendante continue, portée par des circulaires claires, un suivi rapproché et une coordination renforcée avec le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire.
Moins de détention provisoire, mais plus de détenus
Paradoxalement, cette baisse du taux de détention préventive s’accompagne d’une augmentation de la population carcérale globale. Fin 2024, les prisons marocaines comptaient 105.094 détenus, contre 74.039 en 2015. Parmi eux, 33.405 sont en détention provisoire, tandis que plus de 70.000 ont été condamnés définitivement.
Ce contraste s’explique par plusieurs facteurs : hausse du nombre de jugements définitifs, complexité accrue des affaires pénales, et forte pression judiciaire dans les grandes métropoles. Les autorités reconnaissent que la surpopulation carcérale reste un défi, appelant à des réformes complémentaires, au-delà de la seule détention préventive.
Le Maroc se rapproche des standards de l’ONU
Selon les critères des Nations unies, qui ne prennent en compte que les personnes non encore jugées en première instance, le taux marocain chute encore davantage, à 10,48 % de la population carcérale. Un niveau largement inférieur au seuil de 31 % fixé par les Objectifs de développement durable. Autrement dit, plus de neuf détenus sur dix ont déjà été jugés. Un indicateur rarement mis en avant, mais qui repositionne le Maroc dans les comparaisons internationales.
Vers une justice moins carcérale
Autre signal fort : les ordres d’incarcération ont baissé en 2024, avec 94.293 décisions, soit 5.520 de moins qu’en 2023. Une circulaire publiée en juillet 2024 a d’ailleurs mis fin aux prolongations quasi automatiques, exigeant désormais des justifications solides et individualisées. L’entrée en vigueur, prévue en août 2025, de la loi sur les peines alternatives devrait amplifier cette dynamique. Travail d’intérêt général, sanctions non privatives de liberté, suivi judiciaire renforcé : la prison n’est plus l’unique réponse pénale.
La tendance est claire, mais fragile. Le véritable test sera l’impact concret des peines alternatives sur la surpopulation carcérale et la récidive. Une chose est sûre : la justice marocaine est en train de changer de logiciel, doucement mais sûrement.












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