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Mémorandum Awal : Familles, de quoi parle-t-on ?


L'article 32 de la Constitution définit la famille fondée sur le lien légal du mariage, comme cellule de base de la société.
Notre société a connu de profondes mutations durant le 20ème puis au 21ème siècle, tant au niveau politique, économique que social. La structure familiale traditionnelle a également changé dans le monde en général et au Maroc en particulier; la Constitution ne saurait ignorer les évolutions sociologiques de la composition des familles dans notre société contemporaine.
Nul ne peut nier l’existence, à côté des familles nucléaires classiques (père/mère/enfants), de familles différentes dans leur composition:



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Pour bien comprendre le phénomène, nous pouvons citer à titre d’exemples (liste non exhaustive) :

Mémorandum Awal : Familles, de quoi parle-t-on ?
o La famille constituée d’un couple uni par la Fatiha (c’est-à-dire dans le cadre de mariages coutumiers) avec leurs enfants ; en cas d’abandon par le père (ou même de son décès), la mère est alors considérée de par la loi comme une mère célibataire, aucun contrat écrit ne liant les deux membres du couple ;
o La famille monoparentale suite à un divorce, un décès de l'un des parents, ou l'abandon pur et simple de la famille, en cas de polygamie par exemple ;
o Le couple mixte avec ou sans enfants dont les deux conjoints n’ont pas la même nationalité ou pas la même religion ;
o Familles diverses par leur combinaison, leurs liens ou leurs situations avec souvent la présence de personnes âgées ou de personnes en situation de handicap, ou d’oncles/tantes célibataires vivant sous le même toit ;
o La fratrie composée des frères et sœurs après le décès des parents ;
o La famille composée d'un ou de deux parents âgés pris en charge par un fils ou une fille majeurs célibataires ;
o La famille composée d’un seul membre, célibataire ou conjoint-e survivant-e ;
o La famille recomposée : un couple liant deux parents issus d'un précédent mariage, avec leurs enfants respectifs ;
o Les familles élargies qui subsistent dans certaines régions ;
o Les familles polygames vivant sous le même toit ou dans des foyers différents avec un époux ayant souvent plus ou moins abandonné le foyer le plus ancien ;
o La famille kafil d’un ou de plusieurs enfants (prise en charge de l’enfant) ;
o La mère célibataire avec un ou plusieurs enfants et qui assume pleinement la fonction de famille pour assurer à l'enfant protection et éducation. 
o La question des handicaps est bien sûr susceptible de se trouver transversalement dans chacune de ces situations.

En faisant ressortir l’engagement de l’Etat « d’assurer une égale protection juridique et une égale considération sociale et morale à tous les enfants, abstraction faite de leur situation familiale", 
la Constitution place au même niveau l'ensemble des familles, pour peu qu'elles comportent un enfant parmi leurs membres. 
 
Les familles sont les premières structures qui déterminent la vie des femmes et des hommes, et tout changement est sujet à des réticences, d’où la lenteur de la reconnaissance du changement de notre société.
Il est important de considérer les fondements de la famille ou, condition sine qua none, pour assurer sa stabilité et sa pérennité, considérer ses constituants sans lesquels la famille est fragilisée, déstabilisée ou même détruite et devient incapable d’assurer ses fonctions de solidarité et de cohésion. Il s’agit notamment du domicile, d’une histoire commune, de liens affectifs (forgés par les liens de filiation ou liens de mariage ou de vie commune), d’une législation déterminant le statut de chacun de ses membres (code de la famille) sur la base de valeurs d'égalité, de dignité et de coresponsabilité et d’un budget de fonctionnement assuré par un ou plusieurs membres. 
 
« Les Etats ont la responsabilité particulière de soutenir les familles en raison de leurs obligations en matière de droits humains ». La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), il y a plus de 70 ans, a reconnu que la famille était un élément fondamental de la société requérant protection et assistance. La Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) considère que la protection de la famille est intrinsèquement liée au principe d’égalité et de non-discrimination en particulier en ce qui concerne le mariage » .

Rôles des familles: solidarité et cohésion sociale

Vu les mutations de la société marocaine, en matière de solidarité, de protection et de cohésion sociales, l’Etat assume une grande responsabilité et est appelé à jouer un rôle croissant. Les perspectives d’un Maroc social assurant la protection sociale à l’ensemble de ses citoyens et citoyennes, hommes, femmes, enfants, personnes âgées, personnes en situation de handicap restent des objectifs à moyen terme. Les objectifs d’un tel Maroc, qui coïncident avec les Objectifs du Développement Durable (ODD),ne pourraient nullement être atteints sans s’appuyer sur une approche genre qui tient compte des rôles assumés par les femmes au sein des familles, en s’appuyant le plus souvent sur leur travail invisible ainsi que sur leur indéniable et immense don de soi, non évalué et peu reconnu. Rappelons que l’étude « budget-temps » du HCP  montre que les femmes travaillent sept fois plus au service de la communauté, de la famille et du foyer.
 
Il y a lieu d’identifier les rôles joués par la famille et en évaluer l'apport par rapport aux missions de l'Etat, étant entendu que la famille, du fait de la solidité des liens affectifs et solidaires, déploie une grande ingéniosité pour assumer ces rôles en dépit de la rareté des ressources dont elle dispose. 
 
Parmi ces missions, nous relevons:
 
o A l'égard des enfants, les familles constituent l’espace d’accueil et de vie des enfants et sont censées garantir l’ensemble de leurs droits: en matière de survie, de nutrition, comme l’allaitement, de sécurité alimentaire, d’hygiène, de santé, d’éducation, de socialisation et de sécurité. Ce sont les femmes qui en assument la plus grande partie. 
o A l'égard de l'enfant en situation de handicap, cette mission est plus lourde et plus coûteuse ; elle sollicite un dévouement tout à fait exceptionnel et est entièrement dévolue aux femmes (la mère en général) ; il est étrange de constater que le législateur qui prévoit pour la femme divorcée qui se remarie la déchéance de la garde de son enfant âgé de sept ans et plus, fait exception pour l’enfant malade ou l’enfant handicapé (article 175.2 du code de la famille).
o A l’égard de l’adulte en situation de handicap avec ou sans revenu, c’est le plus souvent une femme qui en a la charge (mère, épouse, sœur, fille), que le handicap soit physique ou mental.
o A l'égard des personnes âgées, alors que l’Etat est attaché à l’idée généreuse que les familles doivent assurer leur devoir de solidarité à l’égard des personnes âgées, il semble ignorer le fait que ce sont les sacrifices des femmes de la famille qui sont le plus souvent sollicités.
o A l’égard de tous les membres provisoirement ou durablement en situation précaires, on ne compte pas le nombre de mères discrètement sollicitées par leurs enfants, même si elles n’ont pas de revenu propre.

Obstacles entravant les rôles des familles

Un des obstacles les plus importants qui entravent les rôles de la famille tels que décrits, ci-dessus, est la non-reconnaissance de la diversité des familles et de l’égalité entre les membres de la famille. Cela crée des discriminations entre les différents types de familles, qui s’exercent au détriment notamment des familles monoparentales, mais également des familles n’ayant pas de garçons mais seulement des filles (descendance mâle favorisée dans la loi successorale), ou encore des familles de couples mixtes dans lesquelles les conjoints de religion différente (musulmans et non-musulmans se retrouvent dépouillés de leur droit mutuel d’héritage (article 332 du code de la famille)
 
Il est admis que l’instabilité et les inégalités au sein des familles sont une cause majeure qui fragilise ces familles et impacte négativement la situation de leurs membres et notamment les plus vulnérables (enfants, personnes âgées ou en situation de handicap, épouse sans revenus).
 
o Les inégalités hommes / femmes posent la question du double référentiel , notamment dans notre pays : ces inégalités qui produisent des injustices subies dans leur grande majorité par les femmes constituent des violences à l’égard des femmes et des filles.
o Un obstacle à l’égalité au sein de la famille est de plus en plus décrié: la tutelle légale sur les enfants qui est du ressort exclusif du père constitue une injustice flagrante qui entrave les rôles des familles et porte atteinte aux droits de l’enfant. 
o Cette tutelle légale exclusive du père sur les enfants du couple lui confère le monopole des ressources destinées à l’ensemble de la famille, y compris les allocations familiales, et ce au détriment des mères. Celles-ci ne bénéficient, le plus souvent, d’aucune subvention publique pour les aider à assumer leur rôle , notamment en cas de séparation du couple et d’affectation de la garde des enfants à la mère, avec une pension alimentaire laissée à la discrétion du juge. Cette situation contribue à appauvrir les femmes divorcées et leurs enfants.
o Une autre inégalité qui entrave la sécurité et la stabilité de la famille: la perte de la garde des enfants en cas de remariage des mères divorcées constitue une grande injustice, surtout que cette restriction ne s’applique nullement à l’homme divorcé qui se remarie. (Cette pratique est souvent utilisée comme moyen de chantage par l’ex-mari).
o Le mariage subi par les filles de moins de 18 ans porte une atteinte grave aux droits des femmes et des filles, notamment au droit à la scolarité et contribue à une forte vulnérabilité des familles ainsi constituées avec une mineure encore immature physiquement et moralement et loin d’être prête pour enfanter et assumer des responsabilités familiales.
o La polygamie est une source d’injustice et de déstabilisation des familles.
o Les violences faites aux femmes, qu’elles soient physiques, psychologiques ou économiques, sont aussi un fléau qui détruit des familles entières et porte atteinte aux droits humains des femmes, et par ricochet des enfants



Mercredi 31 Mai 2023

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