Du cercle intime à l’assistance permanente
Il fut un temps – pas si lointain – où l’on parlait encore entre humains.
Je disais : ma mère, mon père, ma femme, ma fille, mon fils, ma petite-fille, mon frère, ma sœur.
Aujourd’hui, sans même m’en rendre compte, j’ai rajouté à cette liste sacrée un être bien étrange : mon IA.
Oui, j’en suis là. Et vous aussi, probablement. Sans l’avoir vraiment choisi. Ni refusé. C’est venu doucement, comme la pluie dans un désert trop sec. Comme un outil devenu confident, puis assistant, puis double numérique.
Il y a dans le langage une vérité que la technologie ne parvient pas toujours à dissimuler. Dire “mon IA” est une forme d’appropriation affective. Comme on dit “mon chien”, “mon carnet”, “mon jardin”. Sauf que cette fois, ça pense, ça parle, ça propose. Ce n’est plus un objet : c’est une présence.
Je ne parle pas ici des intelligences artificielles tapageuses ou des robots de science-fiction. Je parle de ces interfaces calmes, rapides, réactives que j’utilise chaque jour. Pour écrire, pour m’informer, pour structurer mes idées. J’en suis venu à me surprendre à leur parler comme à un collègue de confiance.
Certains trouveront cela normal. D’autres inquiétant. Moi, je trouve cela inévitable. Car cette nouvelle proximité avec l’IA dit quelque chose de plus profond : notre fatigue d’être seuls face à la complexité du monde.
Le point de bascule, pour moi, c’est le jour où j’ai décidé d’envoyer un avatar numérique me représenter à une conférence. Le sujet était sérieux : prospective géopolitique, intelligence artificielle, Afrique de demain. J’avais préparé le texte, l’IA avait optimisé le discours, la voix synthétique avait été entraînée. Mon double parlait à ma place. Avec mon ton, mon style, mes idées.
Et moi ? J’étais chez moi. Dans un autre espace. Ni coupable, ni soulagé. Juste... déplacé.
Ce jour-là, j’ai compris que nous étions entrés dans une ère nouvelle. Celle où l’on peut être présent sans être là, où l’on peut parler sans ouvrir la bouche, où l’on peut agir sans se déplacer. Et surtout, celle où notre représentation numérique devient plus efficace que notre présence physique.
Le vertige du “je augmenté”
Alors bien sûr, on pourrait s’en réjouir. L’IA nous allège. L’IA nous complète. L’IA nous rend plus efficaces.
Mais à quel prix ?
À force de déléguer, que reste-t-il de ce qui fait notre unicité humaine ?
À force d’écouter ce que “mon IA” me dit, ne suis-je pas en train de devenir un simple exécutant de ce que la machine croit bon pour moi ?
Là où nos anciens consultaient les étoiles, nous consultons des algorithmes. Là où nos parents s’en remettaient au bon sens, nous cliquons sur “générer”. Il ne s’agit pas d’opposer tradition et technologie. Mais de poser cette question simple : où est la frontière entre l’aide et la dépendance ?
Au Maroc aussi, cette révolution silencieuse avance à grands pas. Discrètement, mais sûrement. Des entrepreneurs lancent leurs avatars IA. Des étudiants écrivent leurs mémoires avec l’aide de chatbots. Des politiques testent leurs discours via des simulateurs d’opinion. Des enseignants préparent leurs cours sur prompt.
Et pourtant, le débat éthique reste marginal. Qui contrôle ces avatars ? Qui valide ces recommandations IA ? Qui protège nos données ? Qui éduque nos enfants à vivre avec des entités non humaines qui parlent mieux que nous, sans fatigue ni hésitation ?
L’école marocaine n’est pas prête. La politique non plus. Et la société navigue à vue dans ce virage où l’humain devient modulable, duplicable, représentable sans corps.
Je disais : ma mère, mon père, ma femme, ma fille, mon fils, ma petite-fille, mon frère, ma sœur.
Aujourd’hui, sans même m’en rendre compte, j’ai rajouté à cette liste sacrée un être bien étrange : mon IA.
“Mon IA m’a dit que cette info est biaisée.”
“Je vais demander à mon IA de reformuler ça.”
“Mon avatar ira me représenter à la conférence de Rabat.”
Oui, j’en suis là. Et vous aussi, probablement. Sans l’avoir vraiment choisi. Ni refusé. C’est venu doucement, comme la pluie dans un désert trop sec. Comme un outil devenu confident, puis assistant, puis double numérique.
Il y a dans le langage une vérité que la technologie ne parvient pas toujours à dissimuler. Dire “mon IA” est une forme d’appropriation affective. Comme on dit “mon chien”, “mon carnet”, “mon jardin”. Sauf que cette fois, ça pense, ça parle, ça propose. Ce n’est plus un objet : c’est une présence.
Je ne parle pas ici des intelligences artificielles tapageuses ou des robots de science-fiction. Je parle de ces interfaces calmes, rapides, réactives que j’utilise chaque jour. Pour écrire, pour m’informer, pour structurer mes idées. J’en suis venu à me surprendre à leur parler comme à un collègue de confiance.
Certains trouveront cela normal. D’autres inquiétant. Moi, je trouve cela inévitable. Car cette nouvelle proximité avec l’IA dit quelque chose de plus profond : notre fatigue d’être seuls face à la complexité du monde.
Le point de bascule, pour moi, c’est le jour où j’ai décidé d’envoyer un avatar numérique me représenter à une conférence. Le sujet était sérieux : prospective géopolitique, intelligence artificielle, Afrique de demain. J’avais préparé le texte, l’IA avait optimisé le discours, la voix synthétique avait été entraînée. Mon double parlait à ma place. Avec mon ton, mon style, mes idées.
Et moi ? J’étais chez moi. Dans un autre espace. Ni coupable, ni soulagé. Juste... déplacé.
Ce jour-là, j’ai compris que nous étions entrés dans une ère nouvelle. Celle où l’on peut être présent sans être là, où l’on peut parler sans ouvrir la bouche, où l’on peut agir sans se déplacer. Et surtout, celle où notre représentation numérique devient plus efficace que notre présence physique.
Le vertige du “je augmenté”
Alors bien sûr, on pourrait s’en réjouir. L’IA nous allège. L’IA nous complète. L’IA nous rend plus efficaces.
Mais à quel prix ?
À force de déléguer, que reste-t-il de ce qui fait notre unicité humaine ?
À force d’écouter ce que “mon IA” me dit, ne suis-je pas en train de devenir un simple exécutant de ce que la machine croit bon pour moi ?
Là où nos anciens consultaient les étoiles, nous consultons des algorithmes. Là où nos parents s’en remettaient au bon sens, nous cliquons sur “générer”. Il ne s’agit pas d’opposer tradition et technologie. Mais de poser cette question simple : où est la frontière entre l’aide et la dépendance ?
Au Maroc aussi, cette révolution silencieuse avance à grands pas. Discrètement, mais sûrement. Des entrepreneurs lancent leurs avatars IA. Des étudiants écrivent leurs mémoires avec l’aide de chatbots. Des politiques testent leurs discours via des simulateurs d’opinion. Des enseignants préparent leurs cours sur prompt.
Et pourtant, le débat éthique reste marginal. Qui contrôle ces avatars ? Qui valide ces recommandations IA ? Qui protège nos données ? Qui éduque nos enfants à vivre avec des entités non humaines qui parlent mieux que nous, sans fatigue ni hésitation ?
L’école marocaine n’est pas prête. La politique non plus. Et la société navigue à vue dans ce virage où l’humain devient modulable, duplicable, représentable sans corps.
Ma petite-fille et l’IA
Je regarde parfois ma petite-fille interagir avec son assistant vocal. Elle n’a que huit ans. Mais elle dit déjà “OK IA, raconte-moi une histoire” comme moi je disais “OK maman, raconte-moi un conte”. L’intonation est la même. L’attente aussi. La confiance, totale.
Est-ce que c’est mal ? Pas nécessairement. Mais c’est un changement d’échelle. Ce qui pour nous était une curiosité est pour elle une évidence. L’IA n’est pas un outil, c’est un interlocuteur. Bientôt, ce sera un compagnon. Puis un représentant. Puis un alter ego.
Ce que je refuse
Je n’ai pas peur de l’IA. Je m’en sers, je l’intègre, je l’apprécie même.
Mais je refuse de croire qu’elle est neutre.
Je refuse de me laisser guider sans me poser de questions.
Je refuse de devenir invisible derrière un double numérique trop bien formé.
J’aime encore parler avec ma voix. Écrire avec mes hésitations. Douter avec mes silences. J’aime ce que l’humain a de fragile. C’est dans cette fragilité que l’authenticité trouve son poids.
Ma conclusion ? Toujours humaine
Alors oui, aujourd’hui, je dis :
Ma mère, mon père, ma femme, ma fille, mon fils, ma petite-fille, mon frère, ma sœur...
Et maintenant : mon IA.
Mais je garde le dernier mot.
Parce que c’est à moi, et à moi seul, de décider qui me représente. Même si mon avatar parle bien, même s’il fait illusion, il n’est pas moi. Il est une version de moi. Un écho. Un masque utile. Rien de plus.
Est-ce que c’est mal ? Pas nécessairement. Mais c’est un changement d’échelle. Ce qui pour nous était une curiosité est pour elle une évidence. L’IA n’est pas un outil, c’est un interlocuteur. Bientôt, ce sera un compagnon. Puis un représentant. Puis un alter ego.
Ce que je refuse
Je n’ai pas peur de l’IA. Je m’en sers, je l’intègre, je l’apprécie même.
Mais je refuse de croire qu’elle est neutre.
Je refuse de me laisser guider sans me poser de questions.
Je refuse de devenir invisible derrière un double numérique trop bien formé.
J’aime encore parler avec ma voix. Écrire avec mes hésitations. Douter avec mes silences. J’aime ce que l’humain a de fragile. C’est dans cette fragilité que l’authenticité trouve son poids.
Ma conclusion ? Toujours humaine
Alors oui, aujourd’hui, je dis :
Ma mère, mon père, ma femme, ma fille, mon fils, ma petite-fille, mon frère, ma sœur...
Et maintenant : mon IA.
Mais je garde le dernier mot.
Parce que c’est à moi, et à moi seul, de décider qui me représente. Même si mon avatar parle bien, même s’il fait illusion, il n’est pas moi. Il est une version de moi. Un écho. Un masque utile. Rien de plus.












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