Une adoption croissante des paiements digitaux mais le cash perdure
L’année 2024 a vu le nombre de cartes bancaires en circulation grimper à 22,6 millions, soit une hausse de 12 % par rapport à 2023. BAM rapporte également une forte augmentation des paiements par carte : 192,5 millions d’opérations en 2024, en hausse de 17 %, pour un montant global d’environ 63 milliards de dirhams.
Malgré cette dynamique, l’usage effectif des cartes pour les paiements reste encore faible comparé aux retraits d’espèces : 86 % des opérations effectuées avec carte sont des retraits, ce qui confirme la prééminence persistante du cash.
L’un des responsables de BAM, prenant la parole lors du salon technologique GITEX Africa à Marrakech en 2025, a souligné ce paradoxe : « le cash demeure résilient », notamment en raison de son caractère anonyme et gratuit.
Pour accentuer le virage vers le digital, BAM a lancé de nouvelles mesures : réduction des frais de transaction électronique (plafond à 0,65 %), et création d’un fonds de soutien à l’acquisition pour inciter les commerçants à accepter les paiements électroniques.
En mai 2025, le marché a vu une ouverture historique : les filiales des banques et les établissements de paiement (EDP) sont désormais autorisés à offrir des services d’acquisition, mettant fin au quasi‑monopole d’un acteur historique.
Illustration concrète : à Rabat, au souk d’Agdal, un petit commerçant témoigne qu’il hésitait à installer un terminal de paiement mais avec l’aide du fonds BAM, il a franchi le pas. « Maintenant, les clients paient avec leurs cartes, et je retire moins d’argent chaque semaine », confie-t-il.
Ces évolutions montrent un Maroc en pleine transition : les infrastructures sont là, les incitations aussi. Reste à vaincre les réflexes qui font encore du dirham liquide la norme.
Chèques en baisse, mais un passé lourd encore à digérer
Les chèques sans provision (les fameux « chèques en bois ») ont vu leurs incidents reculer en 2024 : 487 613 cas enregistrés, soit – 4,7 % par rapport à 2023, pour une valeur totale de 16,1 milliards de dirhams (– 4 %).
Mieux : la régularisation de ces incidents a explosé +50,4 % en nombre, soit 192 346 chèques assainis, pour un montant de 5,4 milliards de dirhams. Une nette amélioration souvent attribuée à l’amnistie promue par BAM en 2024, visant à encourager les débiteurs à régulariser leurs situations.
Dans le même temps, le nombre d’interdits d’émission de chèques a reculé de 3,4 %, pour s’établir à 677 000 personnes majoritairement des particuliers (83 %).
Malgré cette dynamique positive, le passé reste lourd : le volume global des chèques non régularisés reste important, ce qui continue de peser sur la confiance dans ce moyen de paiement.
Face à ce constat, l’État et les autorités financières ont franchi un pas en 2025 : le projet de réforme du Code de Commerce a été approuvé, avec l’objectif de restaurer la crédibilité des chèques. Dorénavant, le débiteur pourra régler le montant dû avec une pénalité réduite à 2 %, mettant fin aux poursuites judiciaires une mesure pensée pour encourager le paiement et désengorger les tribunaux.
Un commerçant à Fès raconte : « J’ai accepté un chèque d’un client début 2024, puis j’ai attendu. Grâce à la réforme et au message public de BAM, il a fini par venir régulariser sans procès, sans stress.
Cette réforme pourrait marquer un tournant dans l’usage des chèques et redonner confiance aux commerçants et entreprises. Mais pour l’instant, le chemin reste semé d’embûches.
Lettres de change normalisées (LCN) : le talon d’Achille du crédit commercial
tandis que les chèque semblent amorcer leur renaissance, les LCN font figure de main morte. Le nombre d'impayés a augmenté de près de 5 à 5,5% en 2024, atteignant environ 618000 cas. Plus préoccupant encore: le montant total des LCN impayées a grimpé à 39 milliards de dirhams, soit une hausse de 18% en valeur. Les régularisations, elles, stagnent comme si les petits dossiers s’éteignaient doucement, pendant que les impayés de gros montants s’accumulaient.
Selon BAM, une grande partie du risque est concentrée entre les mains de quelques acteurs professionnels, ce qui pose un problème structurel majeur pour le crédit commercial au Maroc.
Ce déséquilibre met en lumière un paradoxe : le Maroc s’équipe d’infrastructures modernes, incite à la digitalisation, ouvre le marché à la concurrence mais le comportement des acteurs économiques, lorsqu’il s’agit de gros montants, reste un talon d’Achille.
Entre vigilance accrue et prévention : le pari de la résilience
Face à ces défis, BAM ne baisse pas la garde. Outre les réformes légales et les incitations à l’e‑paiement, la banque centrale multiplie les alertes à la population sur les risques de fraude, notamment en ligne. En octobre‑novembre 2025, elle a mis en garde contre les arnaques par SMS ou appels usurpant son identité.
Le dispositif d’écoute et de traitement des réclamations est aussi à l’œuvre pour protéger les usagers — un signal fort vers plus de transparence et de confiance.
Par ailleurs, la réforme du marché des paiements fin du monopole d’un acteur historique, entrée en concurrence des filiales bancaires et EDP change la donne : des services plus compétitifs, adaptables, pensés pour répondre aux besoins des petites entreprises, des commerçants informels, des jeunes start‑ups.
Ces transformations s’inscrivent dans une vision plus large : un Maroc qui modernise ses infrastructures, favorise l’innovation, soutient l’entrepreneuriat et les initiatives locales. Une dynamique en accord avec les aspirations d’une jeunesse qui souhaite plus de fluidité, de transparence et d’équité dans l’économie.
Le Maroc, à travers BAM, s’engage sur une trajectoire ambitieuse : moderniser les paiements, réduire le recours au cash, encourager l’adoption du digital. Les cartes bancaires se multiplient, des réformes légales importantes sont adoptées, et l’ouverture du marché du paiement électronique ouvre la voie à l’innovation.
Pour autant, la route reste semée d’embûches. Les impayés lourds chèques anciens, lettres de change rappellent qu’infrastructures et lois ne suffisent pas à elles seules : ce sont les pratiques et la culture de paiement qui doivent évoluer. Sans régularisation massive et comportement responsable, le système reste vulnérable.
Le pari de BAM et du Maroc est double : bâtir des infrastructures solides et promouvoir un écosystème financier responsable, transparent et inclusif. Si les efforts se poursuivent, il y a de quoi nourrir un véritable espoir : ouvrir la voie à une économie plus stable, plus équitable, et plus adaptée aux attentes de la nouvelle génération marocaine.












L'accueil

















