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Ping pong* culturel : Lire n’est pas un loisir innocent. C’est un acte de résistance douce


Rédigé par La rédaction le Samedi 27 Décembre 2025



​Cher Rida,

Tu affirmes que lire n’est pas un loisir innocent, que c’est un acte de résistance douce lors du podcast ci-dessous. Permets-moi d’endosser, l’espace d’un texte, la robe froissée de l’avocat du diable marocain, donc nourrie de contradictions, de souks bruyants et de bibliothèques trop calmes.

D’abord, soyons honnêtes : lire n’est pas toujours un acte. C’est souvent une échappatoire. Un refuge confortable, presque bourgeois. Lire pour oublier, lire pour se soustraire au réel, lire pour différer l’engagement. Dans un pays où la rue parle fort — parfois trop fort — le livre peut devenir une chambre capitonnée. On y ferme la porte, on tire le rideau, et l’on appelle cela lucidité. Or la lucidité sans friction peut être une forme d’élégante lâcheté.

La résistance suppose un adversaire identifié. Contre quoi résiste-t-on en lisant ? Contre l’ignorance ? Certes. Mais l’ignorance n’est pas toujours une oppression : elle est parfois un choix collectif, un arrangement tacite avec le réel. Au Maroc comme ailleurs, on sait souvent ce qu’on préfère ne pas savoir. Lire dans ce contexte n’est pas résister, c’est parfois s’extraire du pacte social, refuser le commun langage, se placer au-dessus du bruit. Est-ce une résistance ou une désertion ?

Tu parles de douceur. C’est là que je m’inquiète. La douceur rassure. Elle n’effraie personne. Or le pouvoir,  politique, religieux, social, n’a jamais vraiment craint les lecteurs solitaires. Il craint les foules, les slogans, les corps debout. Le lecteur, lui, est assis. Penché. Silencieux. Il dérange rarement. Certains régimes autoritaires brûlent les livres quand ceux-ci circulent, pas quand ils dorment sur une étagère.

Et puis, lisons quoi ? Tout lire n’est pas subversif. Lire peut aussi être une parfaite intégration au système. Lire pour mieux consommer, mieux gérer, mieux réussir. Lire les livres qui confirment ce que l’on croit déjà. Lire pour renforcer ses certitudes sociales, culturelles, idéologiques. Dans ce cas, la lecture devient un instrument de reproduction, non de résistance. Une mise à jour logicielle du conformisme.

Au Maroc, la lecture a longtemps été un marqueur social. Lire, c’est parfois dire : je ne suis pas comme vous. C’est se distinguer plus que s’opposer. La bibliothèque comme frontière symbolique. Là encore, la résistance est discutable. Elle ressemble à une posture, parfois sincère, parfois narcissique. On ne renverse rien en se sentant simplement plus conscient que les autres.

Mais, car même l’avocat du diable a ses failles, je te concède un point crucial. Lire devient résistance quand elle déborde. Quand le texte fissure le lecteur. Quand il oblige à désapprendre, à douter, à perdre pied. Quand la lecture ne console pas mais inquiète. Quand elle ne ferme pas le monde mais l’ouvre dangereusement. Dans une société qui valorise l’adaptation rapide, la lecture lente est déjà une insubordination temporelle.

Lire est résistance non par nature, mais par conséquence. Quand le lecteur accepte d’en payer le prix : solitude, inconfort, décalage. Quand il sort du livre différent, moins sûr de lui, moins docile. Là, oui, la douceur devient subversive. Parce qu’elle agit en profondeur, sans slogans, sans drapeaux, sans spectacle.

Alors disons-le autrement : lire n’est pas toujours un loisir innocent. Mais ce n’est pas non plus automatiquement un acte de résistance. C’est une arme à double tranchant. Elle peut endormir ou réveiller. Tout dépend de ce qu’on lit, et surtout de ce qu’on accepte de perdre en lisant.

Et ça, cher Rida, est peut-être la forme de résistance la plus marocaine qui soit : silencieuse, ambiguë, patiente — mais jamais gratuite.

Podcast de l'auteur avec Chaib Hammadi autour de cette idée : la lecture comme liberté silencieuse, les bibliothèques comme lieux de pluralité, le langage comme refuge.


Ping-pong culturel : La contradiction n’est pas un échec : elle est le moteur.

Deux amis. Deux tempéraments. Une balle qui passe, revient, accélère, parfois frôle le filet. Ping-pong culturel n’est ni un débat académique ni un duel d’ego. C’est un échange. Libre, parfois rugueux, souvent complice. Une conversation écrite qui accepte l’imperfection, le désaccord, la digression bref, la pensée vivante.

D’un côté, Rida Lamrini, écrivain, artisan du mot précis, attentif aux silences autant qu’aux phrases. De l’autre, Adnane Benchakroun, libre penseur à ses heures perdues, curieux indiscipliné, regard oblique sur son époque. Entre eux, pas de maître ni d’élève, mais une circulation d’idées, un va-et-vient assumé entre littérature, société, culture, Maroc et monde.

Cette série naît d’un constat simple : en 2026, la parole est partout, mais le dialogue est rare. On affirme plus qu’on n’écoute. On tranche plus qu’on explore. Ping-pong culturel prend le contrepied. Ici, chaque texte appelle une réponse. Chaque certitude est renvoyée, légèrement déformée, parfois accélérée, parfois ralentie.

La contradiction n’est pas un échec : elle est le moteur.

Il ne s’agit pas de convaincre, encore moins de conclure. Il s’agit de penser à voix haute, sans posture définitive, sans camp figé. Les sujets seront sérieux ou légers, brûlants ou intemporels : lire, écrire, croire, douter, transmettre, résister, appartenir, se détacher. Toujours avec un ancrage marocain, mais sans frontières mentales. Le local comme point de départ, jamais comme plafond.

Ce ping-pong n’obéit à aucune ligne éditoriale rigide. Il assume le désaccord cordial, l’ironie bienveillante, l’esprit critique sans nihilisme. Parfois, l’un attaquera. L’autre défendra. Puis les rôles s’inverseront. Le lecteur, lui, n’est pas spectateur : il est la troisième présence autour de la table, invité à suivre l’échange, à s’agacer, à acquiescer, à relancer intérieurement la balle.

En 2026, alors que le monde accélère et que les opinions se figent, Ping-pong culturel revendique le droit à la lenteur, à l’aller-retour, à la nuance. Une conversation d’amitié mise en public. Sans vainqueur. Sans point final. Juste le plaisir sérieux de penser ensemble — et de ne pas toujours tomber d’accord.

Merci Adnane pour cette reprise et pour avoir déplacé ce propos sur ton espace.

Quand je parle de lecture comme acte de résistance douce, il ne s’agit ni d’un slogan ni d’une posture militante, mais d’une attention active portée aux mots et à ce qu’ils nous font penser, croire ou refuser.

Lire autrement, c’est préserver un espace de liberté intérieure à l’heure des récits rapides et des opinions prêtes à l’emploi. Si cela ouvre un débat sur la lecture, la presse et le numérique, alors c’est une conversation que je serais heureux de prolonger.





Samedi 27 Décembre 2025

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