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Pourquoi je n’ai rien écrit depuis 40 ans ?

Sur le Divan de l'Écriture : Mon auto-introspection nécessaire, mais peut être pas suffisante.


Bonne question. Allongé sur le divan de mon psychiatre, je me retrouve face à cette interrogation qui me hante depuis que de nombreux ami(e)s ne cessent de soulever.



A lire ou à écouter en podcast :


Ce n'est que dans le cabinet d'un psychiatre que je me suis entendu me poser cette question et mes réponses. Écrire pour écrire autant partager avec vous l'essentiel de cette confession

Je ne suis pas écrivain. Je ne suis pas journaliste non plus. Mais depuis longtemps, je tourne autour de l'écriture, la scrutant de loin, la commentant, la dévorant des yeux sans jamais oser m'y plonger.

Pourquoi cette réticence ? Quels sont ces obstacles invisibles qui m'empêchent de saisir le stylo et de laisser libre cours à ma voix intérieure ?

Mais avant d'aller plus moins, je me permet d'ouvrir une petite parenthése

Il y a quelque chose d'étrangement surréaliste à être allongé, dans le cabinet du psychiatre, enveloppé dans un silence presque tangible. En effet, avec ses interventions minimales, il se contentait souvent de me relancer par une petite question, un simple fil d'Ariane dans le labyrinthe de mes pensées.

C'est étrange, cette sensation d'entendre ma propre voix remplir l'espace, de me poser des questions et d'y répondre moi-même.C'est comme si, dans cet échange apparemment unilatéral, je devenais à la fois le questionneur et le répondant, explorant les recoins de mon esprit sous le regard silencieux mais attentif de mon thérapeute.Cette dynamique, bien que déroutante, semble ouvrir des portes intérieures que je n'aurais jamais trouvées seul, me guidant doucement vers une compréhension plus profonde de moi-même.

Je ferme la parenthése !

Je suis de formation scientifique, un Marocain qui, comme beaucoup de mes compatriotes, privilégie l'oral à l'écrit. Dans notre culture, les mots s'envolent, les écrits restent. Peut-être est-ce là une des raisons de mon blocage : la peur que mes mots gravés sur le papier deviennent un témoignage permanent de mes pensées les plus intimes.

L'écriture, pourtant, ne demande pas grand-chose : un papier, un crayon. Mais derrière cette simplicité se cache une complexité émotionnelle et psychologique. L'acte d'écrire, c'est se confronter à soi-même, à ses peurs, à ses doutes. C'est peut-être pour cela que je l'ai longtemps évitée. L'écriture est un miroir qui reflète nos vulnérabilités, nos incertitudes, et parfois, nos contradictions.

Pourtant, j'ai toujours été fasciné par les mots, par leur pouvoir de créer des mondes, de susciter des émotions, de transmettre des idées. J'ai étudié la littérature, j'ai lu des œuvres qui m'ont transporté dans des univers lointains, mais je n'ai jamais franchi le pas de devenir moi-même créateur de ces mondes. Est-ce la peur du jugement ? La crainte de ne pas être à la hauteur ? Ou simplement l'angoisse de l'exposition ?

Le confinement imposé par la pandémie de Covid-19 a été un tournant. Privé de mes interactions habituelles, confronté à l'isolement, j'ai ressenti un besoin impérieux d'exprimer ce que je vivais, ce que je ressentais. C'était comme si les circonstances m'avaient forcé à briser le mur que j'avais construit autour de l'écriture. Sans les distractions du monde extérieur, j'ai enfin pu me concentrer sur moi-même, sur mes pensées, sur mes émotions. Et j'ai commencé à écrire.

Écrire sans modération, sans peur du jugement. J'ai découvert que l'écriture pouvait être libératrice. Elle m'a permis de mettre des mots sur mes expériences, sur mes sentiments, sur mes réflexions. J'ai exploré les causes culturelles et sociales de mon blocage, j'ai sondé les profondeurs de mon âme, et j'ai trouvé une voix que je ne soupçonnais pas.

Ce voyage intérieur n'a pas été facile. Il y a eu des moments de doute, des moments où les mots ne voulaient pas venir, où les phrases semblaient vides de sens. Mais il y a eu aussi des moments de pure joie, des instants où les mots coulaient de ma plume comme s'ils avaient toujours été là, attendant simplement d'être libérés.

Aujourd'hui, je ne suis toujours pas écrivain, ni journaliste. Mais je suis quelqu'un qui écrit. J'ai appris que l'écriture n'est pas seulement un acte de création, c'est aussi un acte de courage. Le courage de se confronter à soi-même, de se dévoiler, de partager une part de son âme avec le monde.

En fin de compte, l'écriture est plus qu'un simple assemblage de mots sur une page. C'est une fenêtre ouverte sur notre être intérieur, un pont entre notre monde intime et le monde extérieur. C'est un voyage de découverte de soi, un chemin vers la compréhension et l'acceptation de qui nous sommes. Et pour moi, ce voyage ne fait que commencer.

Par Adnane Benchakroun
 

À la fin de la séance, le psychiatre a, me semble-t-il, écrit dans mon dossier : passage presque réussi d'un littéraire rentré (introverti) à un littéraire scientifique et plutôt extraverti. À suivre risque de rechute




Lundi 15 Janvier 2024

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