Depuis la pandémie de Covid-19, le tissu entrepreneurial marocain subit une pression croissante, marquée par un rythme inquiétant de dissolutions d'entreprises. Selon le rapport annuel 2024 de l’Observatoire Marocain de la Très Petite, Petite et Moyenne Entreprise (OMTPME), plus de 10 000 entreprises personnes morales actives (EPMA) ont fermé chaque année durant la période 2022-2023. Ce chiffre constitue une nette augmentation par rapport à la moyenne annuelle de 7 400 dissolutions enregistrée avant la crise sanitaire.

Cette situation alarmante soulève plusieurs interrogations. Pourquoi le nombre de dissolutions a-t-il autant augmenté, malgré la relative reprise économique post-pandémie ? Plusieurs facteurs sont à l'origine de cette tendance préoccupante. Premièrement, l'environnement économique national et international demeure instable, impacté par une forte inflation induite notamment par la guerre en Ukraine. La hausse des prix énergétiques et alimentaires a considérablement augmenté les coûts opérationnels des entreprises marocaines, fragilisant particulièrement les micro et petites entreprises.

Deuxièmement, le manque d’accès au financement bancaire reste l'un des freins majeurs pour la pérennité des TPME marocaines. Malgré les nombreux efforts institutionnels pour favoriser l'inclusion financière, les critères rigides d’octroi des crédits par les établissements financiers limitent considérablement les marges de manœuvre des entrepreneurs, confrontés à des besoins pressants de trésorerie ou d’investissements pour leur croissance ou même leur survie.

Par ailleurs, l’impact différencié selon les secteurs d'activité est aussi un point critique. Le commerce, la construction et l'industrie manufacturière, piliers de l’économie marocaine, se sont montrés particulièrement vulnérables. Ces secteurs concentrent en effet près de 72% du chiffre d'affaires global des entreprises, mais sont aussi les plus exposés aux perturbations économiques et aux fluctuations du marché. La fragilité intrinsèque des microentreprises, majoritaires dans ces secteurs, amplifie davantage les risques de fermeture.

Enfin, il convient de considérer la gestion interne de ces entreprises. Beaucoup de petites structures marocaines souffrent de déficits de gouvernance, d’absence de stratégies claires ou encore d'une faible maîtrise des outils numériques modernes, limitant leur capacité à s'adapter rapidement aux chocs économiques externes.

Cependant, bien que ces facteurs externes et internes expliquent en grande partie cette tendance, il est nécessaire de souligner un certain manque de proactivité des politiques publiques face à ces défis récurrents. Le soutien apporté aux TPME doit être davantage structuré, rapide et adapté à la diversité des profils d’entreprises.

Malgré ces explications objectives, il serait simpliste de ne considérer les dissolutions d'entreprises que comme des échecs systémiques ou structurels. Ce phénomène pourrait aussi révéler une certaine rationalisation nécessaire du marché, éliminant des entreprises structurellement non viables ou mal gérées. Toutefois, en négligeant l’accompagnement préventif et personnalisé des TPME, les pouvoirs publics portent une responsabilité dans la pérennisation de fragilités entrepreneuriales qui, en s’accumulant, contribuent directement à ce rythme inquiétant de fermetures. Une prise de conscience collective et urgente est nécessaire pour inverser durablement cette tendance préoccupante.