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Quand Gaza fait chavirer le gouvernement néerlandais

Les coups de théâtre néerlandais : petite leçon de politique internationale


Rédigé par le Dimanche 24 Août 2025

Au royaume des polders, la politique a parfois des airs de théâtre d’improvisation. Un ministre claque la porte, ses collègues le suivent, et voilà un gouvernement qui tangue au rythme des bombardements… à quatre mille kilomètres de La Haye. Si l’affaire prête à sourire de prime abord – on imagine les mouettes du port de Rotterdam hocher la tête avec perplexité – elle mérite qu’on s’y attarde, tant elle soulève des questions sur nos démocraties et sur la place des valeurs humanistes dans le jeu politicien.



Quand Gaza fait chavirer les digues néerlandaises

Premier acte : la scène se déroule le 22 août 2025 dans les couloirs du Binnenhof. Caspar Veldkamp, ancien ambassadeur à Tel‑Aviv devenu ministre des Affaires étrangères, remet sa démission en direct à la sortie d’un interminable débat parlementaire. La raison ? Ses partenaires refusent de soutenir des mesures plus audacieuses contre Israël. Imaginez un capitaine de navire qui demande à virer de bord face à la tempête, et qui se heurte à un équipage préoccupé par la couleur des voiles. Exaspéré, il saute à l’eau. Sauf que dans cette parabole maritime, la mer, c’est l’opinion publique… et elle est en ébullition.

Car les Pays‑Bas ne se réveillent pas soudainement pro‑palestiniens. Depuis des mois, les images de Gaza assiégée et l’explosion du nombre de victimes plus de soixante‑deux mille morts selon des ONG ont bouleversé la société. Des manifestations massives à La Haye, jusqu’à cent cinquante mille personnes, ont rappelé que le pays de Spinoza ne se résume pas à ses moulins et à ses tulipes.

La jeunesse d’origine marocaine, turque, indonésienne ou autochtone réclame cohérence et justice. Dans ce contexte, les demi‑mesures du gouvernement ressemblent à des emplâtres sur une jambe de bois.

La démission en cascade, un bal des égos ?

La scène suivante ne manque pas de sel : à peine Veldkamp est‑il monté dans son vélo pour rentrer chez lui que ses collègues du NSC font la queue devant le roi pour déposer, eux aussi, leur lettre. Eddie van Hijum, Judith Uitermark, Eppo Bruins, Daniëlle Jansen…

On pourrait y voir un acte de solidarité exemplaire. On y voit aussi un joli coup politique. Quitter un gouvernement moribond à deux mois des élections, c’est se donner l’image d’une conscience morale tout en évitant de porter le bilan d’un cabinet impopulaire. Un calcul classique dans les démocraties parlementaires.

Il n’empêche : leur départ plonge le cabinet dans un état de faiblesse inédit. L’Exécutif ne repose plus que sur deux partis, le VVD et le BBB, qui totalisent un tiers de la Chambre. Dick Schoof, le Premier ministre par intérim, s’est transformé en jongleur. Il confie les Affaires étrangères au ministre de la Défense, l’Intérieur à celle de la Justice, l’Éducation à la ministre du Climat… On dirait un jeu de chaises musicales sans musique, où chacun change de siège sans vraiment savoir quand la fête s’arrêtera. Pendant ce temps, le navire continue de prendre l’eau.

​Le paradoxe hollandais : commercer avec Israël et boycotter ses ministres

Le plus cocasse dans cette affaire, c’est peut‑être la schizophrénie qui traverse la classe politique. D’un côté, La Haye interdit d’entrée les ministres ultra‑nationalistes israéliens Itamar Ben‑Gvir et Bezalel Smotrich. De l’autre, elle continue d’autoriser des entreprises à livrer des composants de F‑35 utilisés par l’armée israélienne. La morale est sauve à l’aéroport, mais les navires chargés d’armements restent sous pavillon batave.

Caspar Veldkamp, qui voulait boycotter les produits des colonies et suspendre l’accord commercial UE‑Israël, s’est heurté à des collègues qui lui répondaient en souriant : « Allons, Caspar, tu ne vas pas sacrifier nos emplois pour des principes ». Chez nous, on appelle cela la realpolitik. Au Maroc aussi, on connaît ces arbitrages : nos oliviers et nos tomates se vendent à l’Union européenne, et l’on sait que la vertu doit parfois composer avec les exportations.

Mais le contexte néerlandais révèle une tension particulière. L’argument économique se heurte à une mobilisation citoyenne qui ne se contente plus de minutes de silence. Les vidéos de Gaza, la famine déclarée par l’ONU, l’écho donné par les réseaux sociaux créent une pression nouvelle. Les partis traditionnels, déjà fragilisés par la montée des populismes, redoutent une perte de voix. Dans ce jeu, le NSC a choisi sa voie : se retirer pour ne pas être éclaboussé. Le BBB et le VVD ont choisi de rester pour tenir la barre et, accessoirement, gérer les contrats du port de Rotterdam.

​Dans le rétroviseur européen, un malaise qui dépasse La Haye

Il serait tentant de ranger cet épisode au rang des péripéties néerlandaises. Pourtant, il dit quelque chose de plus vaste sur nos démocraties occidentales. L’Union européenne est-elle capable de parler d’une seule voix sur la Palestine ? Vingt pays, dont l’Espagne, l’Irlande et la Belgique, ont signé une déclaration dénonçant l’extension des colonies. D’autres, comme l’Allemagne ou la France, temporisent. Les Pays‑Bas, coincés entre leur diplomatie commerciale et leur engagement humanitaire, vacillent.

Chez nous, au Maroc, cette oscillation est scrutée avec attention. La cause palestinienne, inscrite dans notre Constitution et notre histoire, suscite l’unanimité. Voir un petit parti néerlandais mettre en péril un gouvernement pour défendre Gaza ne laisse pas indifférent.

À l’ombre du scrutin d’octobre : quels scénarios ?

Tout cela ne serait qu’une anecdote si les élections n’étaient pas si proches. Les sondages donnent toujours Geert Wilders en tête, mais en baisse. Le parti chrétien‑démocrate CDA et l’alliance écologiste‑sociale PvdA‑GroenLinks progressent. Le VVD recule. Dans ce contexte, le coup de théâtre du NSC pourrait redistribuer les cartes. Ses électeurs, sensibles à la morale, hésiteront-ils entre une gauche humaniste et un centre droit pragmatique ?

Imaginons un instant un gouvernement de centre‑gauche émergeant à l’automne. Osera‑t‑il aller plus loin que de simples interdictions de visas ? Suspendra‑t‑il l’accord commercial UE‑Israël ? Ou bien se contentera‑t‑il de gesticulations symboliques ? Rien n’est acquis. Les Pays‑Bas, comme de nombreux pays européens, sont traversés par un vieux paradoxe : prêcher la défense des droits humains tout en protégeant leurs intérêts économiques. Le jeu d’équilibriste continue.

​Morale provisoire d’une tragicomédie

Avec un brin d’ironie, on pourrait dire que cette crise rappelle à chacun que la politique est humaine, trop humaine. Les ministres démissionnent, les ego s’expriment, les calculs se font… mais au cœur de l’affaire, il y a des enfants qui meurent de faim à Gaza et des familles qui cherchent des secours. Les Néerlandais ont, pour un instant, placé cette réalité au-dessus de leurs querelles internes.

On retiendra de ce feuilleton l’image d’un diplomate expérimenté, Caspar Veldkamp, quittant la scène pour défendre une cause qu’il estime juste. On retiendra aussi l’incapacité d’une coalition hétéroclite à s’accorder sur un geste fort. Enfin, on retiendra peut‑être que les peuples peuvent faire vaciller des gouvernements lorsqu’ils se lèvent pour dénoncer l’injustice.

En cela, la leçon néerlandaise vaut d’être méditée des deux côtés de la Méditerranée. Dans quelques semaines, le rideau tombera sur cette première saison. D’autres épisodes s’annoncent. En attendant, levons notre chapeau aux mouettes de Rotterdam, témoins impassibles de cette tragicomédie.





Dimanche 24 Août 2025

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