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Quand les réseaux sociaux imposent leurs tempo au gouvernement

Qu'on le veuille ou non, cela s'appelle la démocratie aussi


Rédigé par le Vendredi 22 Août 2025



Motos saisies, décision suspendue : Le Maroc a-t-il frôlé une nouvelle crise sociale ?

En l’espace de quelques jours, une campagne de saisie de motos non conformes, lancée par l’Agence nationale de la sécurité routière (NARSA), a mis le feu aux poudres. Des centaines de vidéos ont circulé en ligne, montrant des conducteurs humiliés, des véhicules saisis par la police et un sentiment d’injustice généralisé. La contestation a rapidement pris de l’ampleur, au point que des collectifs de motocyclistes appelaient à une manifestation nationale ce dimanche.

Face à cette montée de tension, le chef du gouvernement, a pris une décision sage et radicale : suspension immédiate de l’opération, ouverture d’une période transitoire d’un an et annonce d’une révision des modalités de mise en conformité. Officiellement, il s’agit d’un geste de « sagesse » pour éviter l’escalade. Officieusement, c’est une gaffe techno-politique de l’Agence, et un signal adressé à l’opinion : le pouvoir central reste à l’écoute.

Mais derrière cette apparente maîtrise, l’affaire révèle une réalité plus troublante : un gouvernement moins serein en fin de mandant, des institutions qui s’entrechoquent et des réseaux sociaux qui, de plus en plus, imposent leurs tempos.

La NARSA, une agence trop autonome ?

La décision de lancer cette campagne ne venait pas directement du ministère du Transport. Selon plusieurs sources, elle a été initiée par la NARSA, structure autonome en apparence technique, mais au cœur des politiques de sécurité routière. Sa direction aurait décidé d’accélérer la mise en conformité des deux-roues.

En théorie, l’objectif est légitime : les motos non immatriculées ou non homologuées représentent un danger pour la circulation. Elles sont impliquées dans une part importante des accidents urbains. Mais en pratique, la méthode a été brutale : confiscation immédiate, sans concertation, ni délais suffisants.

Résultat : la mesure a surtout touché les couches les plus fragiles. Pour des milliers de jeunes, leur moto n’est pas un luxe, mais un outil de travail  pour livrer, se déplacer, transporter. Confisquer l’engin, c’est couper la source de revenu. Le symbole est lourd : l’État qui s’en prend aux plus faibles, pendant que d'autres grands dossiers semblent intouchables.

​Un ministre en colére

Abdelssamad Kayouh, ministre du Transport et de la Logistique, n’a pas caché son agacement. Depuis sa nomination, il s’efforce de donner une image d’écoute et de proximité. La décision de la NARSA l’a placé dans une position inconfortable : pris en défaut, alors même que c’est son département qui aurait dû piloter la stratégie.

Le ministre aurait alerté très tôt sur le risque social. Pour lui, il fallait d’abord lancer une campagne de sensibilisation, proposer des incitations à la régularisation et donner un délai suffisant. Mais ses recommandations ont été balayées semble-il. Pire : l’agence, soutenue par certains réseaux, a agi comme si elle pouvait imposer sa loi.

L’affaire met en lumière un vieux problème de gouvernance marocaine : les agences autonomes, créées pour « dépolitiser » certaines politiques publiques, finissent parfois par rivaliser avec les ministères eux-mêmes. Le cas de la NARSA n’est pas isolé. On l’a vu avec d’autres agences (santé, énergie, environnement) qui développent leur propre agenda, souvent sans redevabilité politique directe.

Le chef deu gouvernement en arbitre… et pompier ?

En stoppant net l’opération, le chef du gouvernement a voulu reprendre la main. Le calcul est double. D’une part, désamorcer la crise sociale : à quelques mois des élections de 2026, la coalition ne peut se permettre une mobilisation nationale qui aurait rappelé le spectre de certaines protestations précédentes toujours en mémoires chez les Marocains. D’autre part, envoyer un message à toute son administration : c’est le chef du gouvernement, et lui seul, qui tranche en dernier ressort.

Mais cette intervention soulève plusieurs interrogations. Pourquoi avoir attendu la veille d’une mobilisation nationale pour agir ? Pourquoi n’avoir pas anticipé les risques, alors que les vidéos virales circulaient depuis des jours ? En réalité, la décision traduit une forme de doute : le gouvernement n’a pas choisi, il a reculé sous la pression. C'est factuel, mais c'est tant mieux.

Cette impression d'hésitation pourrait être lourde de conséquences. Car elle nourrit un récit nihiliste et dangereux : l’État n’agit pas par conviction, mais agit par réaction ! Ce qui est évidemment faux, car personne ne peut demander à un gouvernement d'ignorer la réaction de ses citoyens. 

Les réseaux sociaux comme nouveau parlement ?

Depuis quelques années, les réseaux sociaux jouent un rôle croissant dans la fabrique des décisions publiques. Cette affaire en est l’illustration parfaite. Ce ne sont ni les débats parlementaires, ni les communiqués officiels qui ont déclenché la suspension, mais la viralité des vidéos et la menace d’une mobilisation.

Autrement dit, le pouvoir politique réagit désormais aux signaux numériques. Cela peut sembler une preuve de réactivité démocratique, mais c’est aussi une culture à banaliser : un État qui gouverne par réaction ne perd pas forcement la maîtrise de son agenda. Mais il faut absolument que La « politique du buzz » finisse par s’imposer aux stratégies de long terme.

En l’espèce, les réseaux sociaux ont rappelé une vérité simple : les classes populaires, souvent ignorées dans les grands débats, ont trouvé dans la moto un symbole de dignité. Toucher à ce symbole, c’est risquer une explosion.

​Le dilemme de la sécurité routière

Faut-il pour autant abandonner toute idée de régularisation ? Certainement pas. Le Maroc connaît un taux d’accidents de la route parmi les plus élevés de la région. Les motos non conformes en sont un facteur aggravant. Mais la solution ne peut pas être la répression aveugle.

Les experts en mobilité proposent plusieurs pistes :

des délais plus longs pour permettre la mise en conformité,
des aides financières ciblées pour les ménages modestes,
des alternatives de transport public fiables, pour réduire la dépendance à la moto,
une campagne pédagogique expliquant les enjeux de sécurité.

Ces mesures demandent de la cohérence, de la concertation et surtout du courage politique. Or, l’épisode actuel montre que le gouvernement s"est mis en situation de privilégier l’urgence à la stratégie.

Pour une certaine presse, il est difficile de ne pas lire cette affaire à travers le prisme des élections de 2026.

Chaque geste est désormais calculé en fonction de son impact électoral. Pour le guvernement, le risque était clair : laisser prospérer une mobilisation massive, c’était offrir un boulevard aux oppositions, qui auraient dénoncé un gouvernement sourd et autoritaire.

À l’inverse, en stoppant la mesure, il tente de se positionner en « protecteur » des classes populaires. Mais cette récupération politique est fragile : nombreux sont ceux qui y voient une manœuvre opportuniste, et non un changement réel de cap.

Évidement comme on pouvait s'y attendre ; les syndicats et les partis d’opposition ne ratent pas cette occasion pour dénoncer un « populisme de circonstance » qui ne résout rien sur le fond.

​Et après ?

Abdelssamad Kayouh a annoncé qu’une nouvelle note ministérielle était en préparation pour encadrer les futures mesures. En clair : le ministère veut reprendre la main sur le dossier . Les motocyclistes, eux, se méfient : beaucoup craignent que la suspension ne soit qu’un sursis, et que la répression revienne après les élections.

Au fond, cette affaire pose une question plus large : comment concilier sécurité routière, justice sociale et crédibilité politique ? Tant que ces trois dimensions ne seront pas alignées, chaque décision restera fragile, exposée à la contestation.

Qu'on le veuille ou non, cela s'appelle la démocratie

La suspension de la saisie des motos n’est pas une simple mesure technique : c’est un révélateur du système décisionnel marocain. Des agences puissantes, un ministre politique, un chef du gouvernement en pompier, les ruelles des réseaus sociaux en arbitre  : tout y est.

Ce n’est pas seulement une affaire de deux-roues, mais un miroir d’une gouvernance tiraillée entre technocratie, populisme et peur de la contestationspontanée et surdimensionée.

Reste à savoir si le Maroc saura transformer cette crise en opportunité pour améliorer sa manière de gouverner ou s’il ignore simplement cet épisode, au risque de voir les réseaux sociaux écrire, à sa place, le prochain chapitre.





Vendredi 22 Août 2025

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