Rédigé par Said Temsamani
Depuis des années, le programme d’aide à l’alimentation du bétail absorbe des millions de dirhams. Officiellement, il est là pour protéger les éleveurs, préserver le cheptel et amortir les chocs liés aux sécheresses successives. Mais dans les faits, ce dispositif ressemble de plus en plus à un robinet ouvert profitant à ceux qui n’en ont pas besoin, au détriment de ceux pour qui il devrait être vital.
Les petits éleveurs, qui constituent l’épine dorsale du monde rural, voient leurs marges s’effriter, leurs troupeaux diminuer et leurs dettes s’accumuler. Pendant ce temps, de grands exploitants captent la part du lion de ces subventions, alors qu’ils disposent souvent des moyens financiers nécessaires pour affronter la hausse des coûts. C’est l’une des conclusions les plus préoccupantes du recensement : notre soutien, au lieu de corriger les inégalités, les aggrave.
Mais la crise est institutionnelle autant qu’économique. L’Association nationale des éleveurs d’ovins et de caprins, censée représenter toute la profession, fonctionne comme une chambre d’écho pour une minorité de privilégiés. Cette captation de la représentation prive des milliers d’éleveurs de toute voix au chapitre, et réduit à néant l’idée d’une gouvernance partagée du secteur.
Face à ce constat, la solution ne peut se limiter à des ajustements techniques. C’est toute l’architecture de la politique de soutien qui doit être repensée. D’abord, en ciblant précisément les bénéficiaires : subventionner en priorité les petits et moyens éleveurs, ceux qui maintiennent en vie le tissu rural et dont la survie économique conditionne la sécurité alimentaire du pays. Ensuite, en refondant les organisations professionnelles sur des bases démocratiques et transparentes, afin qu’elles redeviennent un outil de représentation légitime et non un instrument de rente.
Le gouvernement est désormais face à une alternative claire : soit il engage un véritable aggiornamento de la politique de soutien à l’élevage, en assumant des choix courageux et impopulaires auprès de certains lobbies, soit il persiste dans un statu quo coûteux qui ne fera qu’accroître la fracture sociale dans le monde rural.
Le recensement ne nous laisse aucune excuse : l’heure n’est plus aux demi-mesures. Il faut un cap, une volonté politique et une réforme profonde. Faute de quoi, nous risquons de transformer l’argent public en un simple mécanisme de reproduction des inégalités - et de voir, dans quelques années, un nouveau recensement dresser le même réquisitoire accablant.












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