Ce paradoxe appelle des réponses audacieuses. L’intelligence artificielle, si elle est pensée comme un levier stratégique et non comme un simple outil technique, peut contribuer à transformer cette équation difficile. Les modèles d’IA avancés, comme ceux développés par Mistral AI en Europe, offrent un exemple inspirant : ils privilégient la souveraineté technologique, l’ouverture des modèles (open source) et leur adaptation à des contextes locaux. Cette orientation pourrait guider le Maroc vers une utilisation pragmatique et responsable de l’IA.

Avec l’IA, il devient possible de créer de nouveaux emplois en amont et en aval de secteurs clés. En agriculture, des solutions de type Mistral adaptées en arabe et amazigh pourraient fournir aux coopératives rurales des systèmes prédictifs pour la météo, la gestion de l’eau et la planification des récoltes, réduisant ainsi les pertes et créant de nouveaux métiers d’opérateurs de données agricoles. Dans le BTP, l’IA peut optimiser les projets d’infrastructure, réduisant les coûts et augmentant la demande de compétences intermédiaires.

Des assistants pédagogiques en langue arabe et amazighe peuvent personnaliser l’apprentissage pour chaque élève, du primaire jusqu’à la formation professionnelle. Des simulateurs IA appliqués aux métiers techniques (industrie, maintenance, cybersécurité) faciliteraient une insertion rapide sur le marché du travail. Ainsi, la jeunesse ne serait plus condamnée au chômage massif, mais préparée aux métiers émergents liés au numérique et à la transition verte.

Les solutions IA dans la logistique et la distribution peuvent aussi suivre en temps réel les stocks alimentaires et énergétiques, prévoir les hausses de prix et agir en amont pour réguler les marchés, tout en réduisant les pertes liées au transport et à la distribution grâce à des algorithmes d’optimisation. En s’appuyant sur des IA souveraines, le Maroc pourrait protéger ses citoyens de la volatilité des marchés mondiaux.

Le Maroc pourrait s’en inspirer pour développer ses propres LLM souverains en arabe et amazigh, hébergés sur des infrastructures locales ; créer un cloud national d’IA au service de l’administration et des entreprises ; et renforcer la transparence et la prise de décision publique grâce à des systèmes de simulation et de prévision socio-économique.

Ces solutions doivent être mises en œuvre de manière urgente, avec des projets pilotes concrets et visibles, afin que des résultats tangibles et palpables soient perçus par les Marocains avant les élections. L’enjeu dépasse la technique : il s’agit de restaurer la confiance et de montrer que l’innovation peut réellement améliorer la vie quotidienne.

Le Maroc a devant lui une occasion historique : bâtir un écosystème d’IA souveraine et inclusive, inspiré des meilleures pratiques internationales, mais enraciné dans ses langues, ses valeurs et ses priorités de développement.

Par Dr Az-Eddine Bennani