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Retour sur le suprémacisme hindou


Par Mustapha Sehimi - Professeur de droit (UMV Rabat), Politologue.

La centenaire association du Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS) ravive le débat sur l’idéologie qui façonne aujourd’hui l’Inde de Narendra Modi. Elle a infusé son idéologie dans le tissu social, façonnant ainsi des générations d'Indiens.

Mustapha Sehimi revient sur un Mouvement nationaliste hindou structuré, tentaculaire et profondément influent, qui s’impose comme l’ossature idéologique d’un projet suprémaciste qui redéfinit les équilibres politiques, sociaux et religieux du pays.

Analyse d’un phénomène devenu central dans la vie publique indienne.



Ce mouvement a une raison d'être historique :

Bâtir une nation hindoue et ce en lieu et place de l'Inde multiconfessionnelle, le pays le plus peuplé du monde (1,5 milliard d'habitants) dont quelque 200 millions de citoyens musulmans et 35 millions de chrétiens. Avec l'indépendance en 1947, avait prévalu le respect de la laïcité. Aujourd'hui, celle-ci est considérée comme une hérésie. Historiquement, à l'origine, sous le joug colonial britannique, c'était une milice mobilisée pour "armer" les hindous et organiser des "séances de conscientisation" sous la houlette du médecin Keshav Baliram Hedgewar (1889-1940). Il est encore vénéré aujourd'hui, c'est un "Dieu..." Cette idéologie a été conceptualisée avec la notion d'"hindouité" prônant la suprématie des hindous. Selon cette théorie, l'Inde leur appartient, et les minorités doivent accepter leur hégémonie. Une terre sacrée : L'Inde serait une terre sacrée, appartenant aux "fils du sol", les descendants des Aryens, ce peuple originel hindou. À noter ici que les minorités bouddhistes, sikhes et autres y ont leur place, mais pas… les musulmans ni les chrétiens. L'organisation recrute quelque 100 000 personnes par an, selon les chiffres du RSS, la célébration du centenaire offrant l'occasion d'une démonstration de force. L'assemblée est exclusivement masculine, recrutant chez les agriculteurs, les employés de banque, les assureurs, les collégiens, souvent recrutés dès l'enfance. S'est constitué ainsi un vaste réseau scolaire du RSS, couvrant même les zones tribales. Un maillage visant à contrer l'influence des écoles des missionnaires chrétiens et à former une jeune génération attachée à l'identité et à un fervent patriotisme. Elle détient pratiquement le quasi-monopole de l'éducation. Le RSS, ce sont aussi des camps d'entraînement, encadrés par des pracharaks ("prêcheurs"), des travailleurs à plein temps non rémunérés, dévoués à la cause. Le RSS est ainsi parvenu, via une multitude d'organisations, à s'ancrer dans l'ensemble de la société. Cela dit, il faut parler de Narendra Modi. Pur produit du RSS, arrivé au pouvoir en 2014, il bénéficie de la rigueur organisationnelle de cette mouvance, de sa discipline paramilitaire et de l'opacité de ses instances. Peu d'informations sur les statuts de cette organisation, sur son financement ni sur le nombre d'adhérents. Les estimations de chercheurs retiennent un chiffre global de 10 millions de membres – le RSS serait la plus grande ONG de la planète. L'organisation s'étend également à l'international, surtout aux États-Unis où la diaspora indienne joue un rôle clé dans la diffusion de son idéologie. Le référentiel idéologique n'a pas changé : il s'agit d'un rassemblement suprémaciste d'extrême droite, fidèle à la vision de ses fondateurs. Le but ? L'avènement d'une nation hindoue dans une Inde "indivisée" incluant le Pakistan, le Bangladesh, mais aussi l'Afghanistan, le Népal, la Birmanie, le Bhoutan, le Tibet et le Sri Lanka.

Ennemis d’hier et d’aujourd’hui

Narendra Modi lors d’un meeting électoral, le 7 mars 2021 dans le Bengale-Occidental.
Narendra Modi lors d’un meeting électoral, le 7 mars 2021 dans le Bengale-Occidental.
Les ennemis d'hier restent ceux d'aujourd'hui : les musulmans, perçus comme l'ennemi numéro un, nécessaires pour unifier les hindous et occulter les injustices des castes ; les communistes, apôtres de l'égalité sociale ; et les "intouchables", relégués tout en bas de l'échelle sociale. Depuis une dizaine d'années, l'islamophobie est assumée jusqu'au sommet de l'État, couplée à des discours de haine dans les cercles gouvernementaux. Un climat de terreur s'est installé : crimes contre les minorités, lois discriminatoires, démolitions massives au bulldozer de biens appartenant aux minorités, diffusion de théories complotistes par des groupes extrémistes. Des violences qui n'empêchent pas le RSS de prospérer avec un double discours : celui de la respectabilité, l'unification indienne d'un côté et des campagnes de haine de l'autre. Le RSS est entièrement dominé par la haute caste des brahmanes. Il prône l'inclusion et l'égalité ; il est patriarcal et conservateur ; il se distingue par l'obsession de l'effacement de l'Islam en Inde ainsi que par une entreprise plus large de réécriture systématique de l'histoire. L'arrivée de Modi au pouvoir a parachevé cette entreprise ; elle a ouvert les grandes portes de l'administration, des institutions et de l'enseignement aux membres du RSS. Il est devenu une organisation d'État à l'emprise considérable – un "quasi-État dans l'État…" Narendra Modi s'est également mobilisé pour la reprise en main des universités ; les manuels scolaires ont été revus et réorientés pour prendre en compte la nouvelle ligne idéologique et éviter de « corrompre les esprits ». L'hindouisation du pays avance à grands pas. L'hyperpersonnalisation du pouvoir s'accentue avec son corollaire du culte extrême de la personnalité. Narendra Modi conserve le pouvoir, mais sans majorité absolue. Une dialectique en marche d'un projet suprémaciste…

PAR MUSTAPHA SEHIMI/QUID.MA -



Lundi 8 Décembre 2025

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