La résolution 2797 du Conseil de sécurité n’a pas bouleversé le lexique du dossier du Sahara ; elle en a déplacé la grammaire.
Le champ du conflit cède la place à celui de la structure. Le territoire cesse d’être le lieu d’une revendication pour devenir celui d’une projection. Dans cette inflexion silencieuse se joue la naissance d’un nouveau paradigme : celui d’une souveraineté architecturale.
Depuis près d’un demi-siècle, le débat sur le Sahara a été dominé par la dialectique du droit et du fait. D’un côté, les tenants d’un référendum d’autodétermination ; de l’autre, la réalité d’une administration et d’un développement continus.
La résolution 2797, sans rompre avec les principes onusiens, réordonne cette opposition : elle substitue à la logique de la confrontation celle de la construction. Elle ne tranche pas le passé ; elle dessine l’avenir. En privilégiant la stabilité, la coopération régionale et la gouvernance, elle entérine une forme nouvelle de pacification : non plus par la confrontation des mémoires, mais par la fabrication du réel.
C’est là le véritable basculement.
Le Maroc n’a plus à revendiquer ; il lui suffit de montrer. Dans ce déplacement de la revendication vers la démonstration s’esquisse une légitimité nouvelle, fondée sur la compétence, la cohérence et la projection.
Le principe d’autodétermination, autrefois sacralisé comme critère ultime de justice, se voit ainsi transfiguré. Le référendum, symbole d’un âge révolu où la souveraineté se mesurait au vote, cède la place à une conception plus mature du droit : celle où l’autodétermination s’exerce dans la capacité à se gouverner au sein d’une souveraineté reconnue. L’idée n’est plus de séparer pour exister, mais de s’organiser pour durer.
Le Maroc, en proposant et en mettant en œuvre son initiative d’autonomie, a introduit cette lecture anticipatrice du droit international : l’autonomie comme expression supérieure de la souveraineté partagée.
Ce glissement marque la fin d’une diplomatie de plaidoirie. Le Maroc, longtemps obligé de défendre ses positions, devient architecte de sa doctrine. Il ne plaide plus ; il façonne. Le Sahara n’est plus une cause : il est un chantier. Dans ce territoire, le Royaume expérimente une forme inédite d’unité différenciée, un modèle où la diversité régionale s’articule à la cohésion nationale.
La diplomatie cesse d’être réactive ; elle devient performative. Par ses infrastructures, ses institutions locales, ses politiques sociales, le Maroc transforme le terrain en texte : il écrit la souveraineté à même le territoire. Ainsi se dessine la notion de souveraineté architecturale.
Dans un monde où la puissance ne s’affirme plus par la conquête mais par la capacité d’organisation, la souveraineté se mesure à la cohérence de son édifice.
La résolution 2797 introduit ainsi un précédent discret dans le droit international : elle consacre, sans l’énoncer, la légitimité d’une gouvernance différenciée comme voie de résolution des conflits. L’autonomie n’est plus une concession ; elle devient un mode d’organisation du monde postcolonial.
Le Maroc, en articulant souveraineté et inclusion, propose une équation rare : stabilité par l’intégration, paix par la participation. Ce modèle dépasse le Sahara. Il esquisse une doctrine applicable à d’autres espaces en tension, où l’enjeu n’est pas de choisir entre indépendance et soumission, mais de concevoir une forme souple de gouvernance partagée.
Mais tout paradigme, pour être durable, doit se vérifier à l’intérieur. Le véritable défi n’est plus diplomatique ; il est politique. Le Maroc devra prouver que cette autonomie, conçue pour un territoire, peut devenir une matrice de réforme pour l’ensemble du pays.
La gouvernance différenciée, si elle réussit au Sahara, ouvrira la voie à un État mieux articulé, capable d’organiser la pluralité sans fragiliser l’unité. Cette « rétroaction civilisatrice », si elle advient, sera la preuve que le Maroc a su transformer un ancien conflit en levier de modernisation institutionnelle.
Car ce qui se joue ici dépasse le dossier du Sahara.
Cette mutation est profonde. Elle redéfinit la notion même de victoire. Ce n’est plus dans la signature d’une résolution que se mesure le succès, mais dans la capacité à la rendre vivante. Le Sahara devient alors un laboratoire du réel, un espace d’expérimentation où la politique retrouve sa dignité : celle de bâtir, de relier, d’unifier. La souveraineté cesse d’être un mot d’ordre ; elle devient un art.
Dans cette perspective, la diplomatie marocaine apparaît comme l’une des rares au monde à avoir su transformer une cause nationale en doctrine universelle. Sans rompre avec les cadres du droit international, elle en propose une lecture évolutive : celle d’un monde où la paix ne se décrète pas, mais se construit.
Le Maroc, par sa constance et sa projection, déplace la question saharienne du registre de la reconnaissance à celui de la cohérence. Et dans cette cohérence se trouve la véritable source de la légitimité.
La souveraineté architecturale n’est donc pas un concept abstrait ; elle est une praxis. Elle suppose une alliance entre la vision, la méthode et la patience.
Vision, pour concevoir un ordre inclusif ; méthode, pour en assurer la gouvernance ; patience, pour enraciner la confiance.
Le Maroc a compris que la durée est une force : il ne cherche plus à convaincre, mais à faire preuve. La conviction suivra le réel.
Ainsi, le Sahara n’est plus un espace contesté, mais un espace projeté.
Au fond, la souveraineté architecturale, telle qu’elle s’esquisse aujourd’hui, n’est rien d’autre que la traduction contemporaine d’un principe ancien : la souveraineté comme acte de civilisation. Ce n’est pas la force qui fonde le droit, c’est la forme qui fonde la légitimité. Et dans cette œuvre de construction silencieuse, le Maroc ne cherche pas seulement à consolider ses frontières ; il s’emploie à redéfinir ce que signifie, au XXIᵉ siècle, être souverain dans un monde d’interdépendance.
La résolution 2797 aura donc valeur de seuil. Non pas parce qu’elle clôt un débat, mais parce qu’elle ouvre une ère : celle de la souveraineté qui se démontre.
Le Sahara devient le miroir d’un Maroc en transformation, un pays qui, en bâtissant un territoire, se rebâtit lui-même. Et si l’histoire devait retenir une leçon de ce moment, ce serait celle-ci : la victoire n’est plus dans le verbe, mais dans l’habitation du monde.
PAR ADNAN DEBBARH/QUID.MA












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