Par une chaude nuit d’été à Oulmes, alors que résonnaient les rythmes envoûtants des rituels de mariage amazighs, personne ne se doutait que la fillette intrépide qui pénétrait le cercle de l’Ahidous deviendrait, quelques années plus tard, la première femme à diriger cet art ancestral. Sanae Jeddoubi n’avait alors que onze ans. Avec humour, elle se souvient : « Ils ont cru que j’étais possédée par la folie de l’Ahidous. »
Elle ne se contenta pas d'observer ; elle dansa, imita, et s’accorda aux pas et aux rythmes. Ce fut sa première reconnaissance collective, marquée par des applaudissements spontanés, sans que personne ne sache que cet instant marquerait le début d’un parcours exceptionnel. Ce soir-là, son oncle — chef de troupe — repéra le talent de sa nièce et fit un choix audacieux : l’intégrer non seulement comme danseuse, mais comme Tamsurt, c’est-à-dire cheffe de troupe.
Une décision courageuse dans une société où la place d’une jeune fille à la tête d’un groupe d’hommes demeure largement contestée.
Son oncle crut en elle et proposa l’idée à ses parents. Son père accepta sans réserve, tandis que sa mère hésitait, tiraillée entre le rêve de voir sa fille poursuivre ses études et la peur de la voir s’éloigner du destin habituel des jeunes filles du village : mariage et maternité précoces. Mais cette mère, qui n’avait jamais eu la chance d’aller à l’école, choisit de ne pas priver sa fille d’un avenir différent, et donna finalement son accord.
Entre les moqueries et les applaudissements
Cette même année, Sanae participa pour la première fois au Festival national de l’Ahidous à Ain Louh, devenant la plus jeune cheffe de troupe de l’histoire de cette discipline. Le chemin ne fut pas sans embûches. Dans chaque région traversée, elle faisait face à des regards partagés entre admiration et réprobation.
« Certaines personnes m’encouragent et acceptent sans problème que je sois cheffe de troupe. D’autres refusent catégoriquement cette idée, non pas à cause de l’art lui-même, mais simplement parce que je suis une femme. »