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Tabac : un vent d'investissement japonais souffle sur le Maroc...

Mais à quel prix pour la santé publique ?


Par Dr Anwar CHERKAOUI - Expert en communication médicale et journalisme de santé.

L’arrivée de Japan Tobacco International à Tétouan marque une victoire industrielle et diplomatique pour le Maroc, mais elle pose une question éthique majeure : à quel prix se construit cette réussite économique ?

Derrière les promesses d’emplois et de transfert technologique, Dr Anwar Cherkaoui met en lumière l’angle mort du débat : Entre développement économique et responsabilité morale, le Maroc se trouve face à un dilemme crucial : celui d’un progrès dont les dégâts devraient être compensés à l’instar de ce qui se fait dans le monde.



Le Maroc ne peut se contenter de célébrer la vitrine industrielle sans imposer des contreparties sociales et sanitaires.

Dr Anwar CHERKAOUI
Dr Anwar CHERKAOUI

À Tétouan Park, les grues s’activent, les machines s’installent, et les techniciens japonais supervisent les derniers réglages.

Le géant nippon Japan Tobacco International (JTI) s’apprête à inaugurer au début de l’année prochaine (2026) une usine flambant neuve de fabrication de cigarettes, pour un investissement de 930 millions de dirhams.

Cette implantation représente, selon le groupe, plus de 170 emplois directs — dont 30 % réservés aux femmes — et une cinquantaine d’emplois indirects.

Sur le plan industriel, le Maroc marque ainsi un coup : la future usine de Tétouan devient le centre névralgique de JTI pour l’Afrique du Nord et de l’Ouest, avec une capacité initiale de 4 milliards de cigarettes par an, extensible à 10 milliards.

Proximité du port Tanger Med, transfert de compétences avec l’usine turque de Torbalı, technologies écoresponsables et production “green factory”... Tous les ingrédients sont réunis pour faire de Tétouan un pôle d’excellence du tabac “Made in Morocco”.

Une réussite économique incontestable, à première vue. Mais la santé publique, grande absente du débat. Derrière cette réussite industrielle, un paradoxe majeur se dessine.

Car si l’investissement japonais stimule l’emploi et les exportations, le produit fabriqué reste un tueur silencieux.

Le tabac, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), tue plus de 8 millions de personnes chaque année dans le monde — dont 1,3 million de fumeurs passifs.

Au Maroc, il est responsable de plus de 13 000 décès par an, selon les estimations du ministère de la Santé.

Les preuves scientifiques sont irréfutables : cancers du poumon, de la gorge, de la vessie, du pancréas ; maladies cardiovasculaires : artères obstruées, infarctus, AVC ; obstruction des bronches pulmonaires et insuffisance respiratoire chronique, avec perte progressive de souffle et invalidité irréversible ; gangrène des membres inférieurs due à la destruction des vaisseaux.

Sans oublier le tabagisme passif, qui affecte gravement les enfants et les femmes enceintes.
Chaque cigarette vendue finance un peu plus de souffrance humaine, de dépenses hospitalières et de journées de travail perdues.


La responsabilité sociale d’un géant du tabac

Sur le plan industriel, le Maroc marque ainsi un coup. Une réussite économique incontestable. Mais la santé publique est la grande absente du débat.
Sur le plan industriel, le Maroc marque ainsi un coup. Une réussite économique incontestable. Mais la santé publique est la grande absente du débat.

Dans le monde, les grandes multinationales du tabac, sous la pression des États et des opinions publiques, investissent désormais dans la prévention, la recherche ou les traitements liés aux maladies qu’elles créent ou aggravent.

C’est le cas de Philip Morris ou de British American Tobacco, qui ont développé des fonds dédiés à la réduction des risques ou à la diversification vers des produits moins nocifs (sans que cela les exonère de leur responsabilité sanitaire).

Le Maroc, à son tour, doit exiger de JTI un engagement moral, sociétal et financier.

Il ne suffit pas d’ériger une usine « verte » et neutre en carbone : il faut aussi investir dans la santé publique.

C’est la responsabilité du ministère de la Santé, des sociétés scientifiques marocaines, des médecins, des médias et des associations de défense du consommateur d’exiger cela de l’industriel du tabac.

Un pourcentage clair des bénéfices générés par cette activité devrait être consacré à des programmes nationaux de lutte contre le tabagisme, en milieu scolaire et professionnel ; à la création de centres de sevrage tabagique régionaux ; au financement de la recherche médicale sur les cancers liés au tabac ; et à des campagnes de sensibilisation grand public, soutenues par des données scientifiques vérifiées.
C’est un devoir moral, mais aussi une obligation de cohérence dans un Maroc qui place la santé publique au cœur de ses politiques sociales.


Entre économie et éthique : un équilibre à inventer

L’installation de JTI à Tétouan symbolise à la fois la vitalité industrielle du Maroc et la complexité éthique d’un choix économique.

D’un côté, un investissement lourd, des emplois, une montée en compétence, une intégration régionale exemplaire.

De l’autre, un produit qui détruit la santé, ruine des familles et mobilise d’énormes ressources hospitalières pour réparer les dégâts.

Le Maroc ne peut se contenter de célébrer la vitrine industrielle sans imposer des contreparties sociales et sanitaires.

Les grands acteurs du tabac doivent désormais rendre à la santé ce qu’ils prennent à la vie. Le progrès industriel ne doit pas s’écrire sur les cendres et à la fumée des poumons.

L’arrivée de Japan Tobacco International à Tétouan est une opportunité économique majeure. Mais elle appelle une vigilance politique, éthique et médicale. Car un pays qui veut soigner ses citoyens ne peut pas fermer les yeux sur ce qu’il autorise à vendre.

Le Maroc a tout à gagner à exiger de ses nouveaux partenaires industriels non seulement des usines propres, mais aussi une contribution visible et durable à la santé publique.
Autrement, la modernité risque d’avoir le goût amer et assassin de la nicotine.

PAR DR ANWAR CHERKAOUI / QUID.MA




Dimanche 2 Novembre 2025

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