Le rassemblement était organisé par le comité de défense de l’avocat Ahmed Souab, condamné fin octobre à cinq ans de prison pour avoir critiqué le système judiciaire. Vêtus de noir et munis d’un ruban rouge, les manifestants ont défilé pendant plus de deux heures dans le centre de Tunis, sans bannières partisanes.
 

Le cortège a marqué plusieurs arrêts symboliques, notamment devant le Groupe chimique tunisien, accusé de graves pollutions à Gabès, et devant le siège du SNJT (Syndicat des journalistes), qui dénonce une « répression sans précédent » des médias. Les slogans « Liberté, liberté » et « Le peuple veut la chute du régime » ont dominé la marche. Les protestataires demandent la libération des dizaines d’opposants, journalistes, avocats et humanitaires détenus ces dernières années, souvent sous des accusations de complot ou en vertu du décret-loi sur les « fausses informations », jugé trop large par les ONG.
 

Selon Saeb Souab, porte-parole du comité organisateur et fils de l’avocat emprisonné, la Tunisie traverse une « noirceur sur tous les plans ». Il dénonce des procès expéditifs, citant la condamnation de son père « en six ou sept minutes ».
 

La marche s’est conclue près d’une piscine récemment rénovée sur instruction du président Kais Saied, un symbole pour les participants qui y voient la preuve que « rien d’essentiel n’a été accompli en six ans ». Des fumigènes rouges ont été allumés pour marquer la fin de la manifestation.
 

Dans la foule, beaucoup exprimaient un ras-le-bol économique. Inflation alimentaire, hôpitaux en mauvais état, chute du pouvoir d’achat : les griefs sont multiples. « Le pays s’effondre », confie Nejia Adjmi, retraitée. La psychologue Amel, venue de La Goulette, dit manifester « contre l’arbitraire » et la multiplication des détenus pour opinion.
 

Les ONG tunisiennes et internationales alertent depuis 2021 sur une régression nette des droits et libertés, sur fond d’un pouvoir présidentiel renforcé après le coup de force de Kais Saied. Cette mobilisation est l’une des plus importantes depuis des mois. Elle révèle une société épuisée par l’inflation, inquiète pour ses libertés et de plus en plus critique envers un pouvoir accusé de dérive autoritaire.