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Un Maroc, une seule vitesse : Quand le discours du Trône trace les lignes rouges du développement inégal


Rédigé par le Mercredi 6 Août 2025

Analyse personnelle sur les aspects socio-économique dans le discours du trône de cette année



Par Adnane Benchakroun

Chaque année, le discours du Trône n’est pas qu’un rituel institutionnel. C’est un moment de lecture stratégique du cap du Royaume. Celui prononcé cette année par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, à l’occasion du 26ᵉ anniversaire de son règne, a comme souvent mêlé continuité et signaux d’alerte.

Mais trois passages en particulier ont capté l’attention des observateurs politiques et des acteurs du développement : l’insistance sur la vision à long terme, la réaffirmation du Nouveau Modèle de Développement comme boussole, et un rappel solennel : "il n’y a de place, ni aujourd’hui, ni demain pour un Maroc avançant à deux vitesses."

​Un rappel de méthode : une vision à long terme

Dans un environnement politique et économique de plus en plus instable à l’échelle mondiale, SM le Roi a tenu à rappeler que les réalisations du Maroc ne sont pas le fruit du hasard, ni le résultat d’opportunités conjoncturelles. "Elles procèdent plutôt d’une vision à long terme", affirme-t-il. Ce rappel est d’autant plus important que la tentation du court-termisme électoral, budgétaire, ou médiatique  reste forte au Maroc.

Ce passage remet ainsi au centre du débat la gouvernance stratégique, fondée sur des réformes structurelles (comme la protection sociale, la régionalisation, la transition énergétique ou encore la réforme de l’éducation), qui nécessitent du temps, de la cohérence et de la stabilité institutionnelle. À l’heure où certains s’impatientent face aux lenteurs administratives ou aux retards de mise en œuvre, le discours de SM Roi vient siffler la fin des analyses superficielles qui jugent l'action publique à l’aune de ses résultats immédiats.

​Le Nouveau Modèle de Développement, toujours vivant

Depuis sa présentation en 2021, le Nouveau Modèle de Développement (NMD) semblait s’être quelque peu éclipsé dans le tumulte des crises (pandémie, inflation, sécheresse, tensions sociales). Pourtant, en réaffirmant que les efforts doivent restés "en accord avec le Nouveau Modèle de Développement", le discours du Trône le remet à l’agenda national.

Il faut y voir une mise en garde : le NMD n’est pas un document d’archives, ni un simple référentiel théorique. C’est une feuille de route. Et si SM le Roi le rappelle aujourd’hui, c’est peut-être pour souligner que son appropriation par l’ensemble des institutions, des collectivités territoriales et du secteur privé reste encore incomplète.

En filigrane, ce message s’adresse aussi aux responsables gouvernementaux et aux hauts fonctionnaires : la mise en œuvre du NMD n’est pas une option. Elle est l’expression concrète de la vision royale à long terme. Il ne s’agit donc pas de produire des bilans de communication, mais de mettre en mouvement l’ensemble des leviers de transformation  au risque, sinon, d’installer un décalage dangereux entre l’ambition affichée et la réalité perçue par les citoyens.

Pas de Maroc à deux vitesses : un avertissement clair

Mais c’est probablement cette phrase qui aura été la plus marquante du discours :
"Il n’y a de place, ni aujourd’hui, ni demain, pour un Maroc avançant à deux vitesses."

La formule est forte. Elle sonne comme une ligne rouge posée : celle de l’acceptabilité politique et sociale d’un développement inégal, qui creuse les écarts entre territoires, entre classes sociales, entre élites connectées et populations délaissées.

Ce n’est pas un hasard si cette formule intervient dans un contexte où les fractures territoriales et sociales deviennent plus visibles, notamment entre les grandes métropoles (Casablanca, Rabat, Tanger, ....) et les régions rurales ou enclavées. La métaphore des "deux vitesses" traduit un malaise réel : celui de millions de Marocains qui ne se sentent pas concernés par les succès macroéconomiques affichés, ni par les grands chantiers nationaux.

Avec cette déclaration, SM le Roi rappelle l’exigence d’inclusivité, mais aussi l’urgence d’un rééquilibrage. Il ne suffit plus de parler de justice sociale dans les discours ; il faut des mécanismes concrets, lisibles, équitables. Le programme de soutien social direct, la généralisation de la protection sociale, la réforme fiscale ou encore les investissements dans les provinces du Sud et les zones de montagne sont autant de réponses mais leur déploiement doit être accéléré, transparent et mesurable.

Les grands chantiers nationaux ne peuvent produire pleinement leurs effets qu’à condition d’être pensés globalement mais déclinés localement, par un ruissellement intelligent de moyens, de ressources et de micro-projets structurants.

Le lancement des programmes de mise à niveau territoriale intégrée, en totale résonance avec les mégaprojets en cours à l’échelle du pays (infrastructures, logistique, énergie, tourisme…), constitue un levier stratégique pour créer un véritable écosystème de développement intégré et inclusif.

Cela implique une valorisation des potentialités économiques spécifiques à chaque région, qu’il s’agisse de l’agriculture, de l’artisanat, de l’économie verte ou du digital.

En favorisant un climat propice à l’investissement de proximité et à l’entrepreneuriat local, ces dynamiques permettent de promouvoir l’emploi durable, tout en consolidant l’ancrage territorial des politiques publiques. Ce n’est qu’à cette condition que la promesse d’un Maroc à une seule vitesse deviendra réalité.

​Un message adressé à tous les étages de l’État et à tous les acteurs politiques

Ces trois messages : vision de long terme, NMD comme référence, refus d’un Maroc à deux vitesses n’ont pas seulement une portée symbolique. Ils fixent des priorités. Et surtout, ils redistribuent les responsabilités.

Aux élus locaux, le message est clair : les territoires sont les nouveaux théâtres de l’équité. Les collectivités doivent donc s’impliquer pleinement dans les politiques publiques, sans attendre tout de Rabat.

Aux institutions publiques et aux ministères, l'injonction est tout aussi forte : chaque projet, chaque réforme doit être jugée à l’aune de sa capacité à réduire les écarts. Finies les politiques sectorielles déconnectées du terrain.

Au secteur privé, enfin, ce discours rappelle que l’investissement ne doit pas être uniquement tourné vers les zones rentables, mais aussi vers celles où il peut créer un impact structurel. Un appel à la responsabilité sociale et territoriale des entreprises, en somme.

​Un cap, mais aussi une alerte

Ce discours du Trône se veut donc à la fois rassurant et exigeant. Rassurant, car il réaffirme que le Maroc poursuit un cap stratégique. Exigeant, car il rappelle que cette trajectoire ne vaut que si elle profite à tous les Marocains, sans exception.

Le Royaume peut difficilement se permettre de tolérer des zones oubliées ou des catégories sociales marginalisées. Car, comme l’a laissé entendre le Souverain, le Maroc de demain ne pourra être stable et prospère que s’il est uni et équitable.

Et c’est là, peut-être, le cœur du message royal de cette année : le progrès ne vaut que s’il mieux est partagé.





Mercredi 6 Août 2025

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