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Un rapport sur les Frères musulmans et l’islamisme politique en France qui me dérange

Ce rapport n’analyse pas, il accuse au moins 10% de la population Française !


Rédigé par La Rédaction le Jeudi 22 Mai 2025

Ce rapport ne me parle pas de la France que j’ai connue” – Ma lecture critique en tant que francophone-marocain qui garde un œil culturel et un peu politique sur la France pour la simple raison que la diaspora marocaine reste très nombreuse et de ce fait, je me sens encore concerné



Par Adnane Benchakroun, économiste, ancien étudiant en France, citoyen marocain engagé

J’ai étudié en France, travaillé en entreprise, puis fait un choix que beaucoup jugeraient à contre-courant : je suis rentré au Maroc, convaincu que mon pays avait besoin de ses enfants autant que la France disait avoir besoin de ses talents. C’est donc avec un regard lucide et affectif, mais aussi inquiet, que j’ai lu ce long rapport sur les Frères musulmans et l’islamisme politique en France.

Et je dois le dire d’emblée : ce rapport ne me parle pas de la France que j’ai connue, ni des jeunes musulmans avec lesquels j’ai étudié, ni des associations qui m’ont accueilli, ni des familles qui m’ont ouvert leurs portes. Il me parle d’un “problème” à désigner, à cerner, à neutraliser. D’un danger islamiste qu’on traque comme un virus. D’une population entière qu’on regarde à travers le prisme du soupçon.

Je ne nie pas les dérives. J’ai vu comme tout le monde des figures médiatiques faire des discours troubles, jouer avec les lignes, flatter les frustrations. Mais je refuse cette mécanique froide qui consiste à tout rapporter à une matrice islamiste, organisée, dissimulée, conquérante. On peut avoir la foi sans être dans un projet idéologique. On peut s’engager dans une association sans recevoir d’instructions du Caire ou d’Istanbul.

Ce que ce rapport ignore — ou feint d’ignorer — c’est le poids de l’humiliation quotidienne. Celle que subit un jeune qui s’appelle Mehdi ou Fatima lorsqu’il cherche un stage. Celle qu’on inflige à une mère qui porte un foulard et à qui on refuse un poste d’accompagnante scolaire. Celle qu’on vit quand on grandit dans une cité que la République a désertée depuis longtemps.

Oui, certains discours religieux comblent un vide. Mais ce vide n’a pas été créé par l’islam. Il a été creusé par l’abandon, l’inégalité, le regard suspicieux, la relégation. Et quand on ne vous donne aucune reconnaissance, aucune visibilité positive, alors vous cherchez des modèles ailleurs — parfois au mauvais endroit, j’en conviens. Mais de là à parler de conquête ? De stratégie ? De plan caché ? C’est aller beaucoup trop loin.

Ce qui m’attriste le plus dans ce rapport, c’est la manière dont il traite la parole musulmane comme un code à déchiffrer. Il n’y a plus d’individu, plus de sincérité possible. Tout est suspect, tout est tactique. Si un imam parle de justice, il serait frériste. Si une association se dit discriminée, elle ferait du “soft jihad”. Si une femme défend le droit de porter son voile, elle serait une marionnette. Où est la République dans cette lecture paranoïaque ?

Je l’ai connue autrement, la France. Celle qui formait ses étrangers comme elle forme ses enfants, qui croyait à la laïcité non comme une arme, mais comme un abri. Aujourd’hui, ce rapport me semble plutôt le symptôme d’un recul, d’une peur, voire d’une forme de panique identitaire.

Faut-il réagir à l’islamisme politique ? Bien sûr. Faut-il contrôler les financements opaques ? Sans aucun doute. Faut-il combattre le discours antisémite, sexiste ou prosélyte ? Évidemment. Mais cela ne doit pas se faire en effaçant la complexité, en gommant les nuances, en essentialisant les croyants.

Ce que la France oublie parfois — ou ne veut plus entendre — c’est que ses enfants musulmans ne veulent pas renverser la République. Ils veulent y trouver leur place. Mais pas à n’importe quel prix. Ils veulent être des citoyens à part entière, pas des “citoyens sous conditions”.

Et je le dis avec tristesse : ce rapport ne les aide pas à cela. Il les enferme. Il les désigne. Il les isole. Il les éloigne. Ce n’est pas un outil de cohésion, c’est un instrument de séparation.

Alors oui, je suis revenu vivre au Maroc. Mais je garde les cicatrices et les espoirs d’un étudiant marocain qui a grandi dans les universités françaises, qui a vécu les promesses de "Liberté, égalité, fraternité" et qui regarde aujourd’hui avec stupeur une France qui doute d’elle-même au point de douter de ses propres enfants.

Ce rapport aurait pu être un pont. Il est devenu un mur. Il aurait pu servir à mieux comprendre. Il se contente de classifier. Il aurait pu réconcilier. Il renforce les clivages.

Mon vœu, c’est que la France choisisse à nouveau d’écouter plutôt que de surveiller, d’intégrer plutôt que de filtrer, d’enseigner plutôt que de stigmatiser. Parce que ce n’est pas en désignant un ennemi intérieur qu’on sauve une République. C’est en donnant à chacun une vraie place dans la maison commune.





Jeudi 22 Mai 2025

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