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​IA Diella fait son entrée officielle au Parlement albanais

Innovation ou provocation institutionnelle ?


Rédigé par La rédaction le Mercredi 24 Septembre 2025



L’utopie numérique à l’épreuve du réel

C’est une scène digne d’un roman d’anticipation : une intelligence artificielle, baptisée Diella, fait son entrée officielle au Parlement albanais, auréolée du titre de « ministre des Marchés publics ». Souriante, fluide, et affranchie des contingences humaines — pas de salaire, pas de corruption, pas de fatigue. Le Premier ministre Edi Rama, grand ordonnateur de cette première mondiale, y voit l’incarnation d’un État transparent, moderne, purgé des vieux démons. Pourtant, derrière l’innovation technologique, les critiques fusent : anticonstitutionnelle, antidémocratique, symbolique, irresponsable. Cette chronique propose d’examiner, sans naïveté ni rejet dogmatique, ce que cache — et révèle — cette nomination sans précédent.

Quand la démocratie est court-circuitée

1. Une nomination sans base légale

Dès son apparition au Parlement, la nomination de Diella a déclenché un tollé. L’opposition dénonce une mesure « anticonstitutionnelle ». Et pour cause : en Albanie comme ailleurs, la fonction ministérielle est définie par des critères humains — citoyenneté, majorité, responsabilité pénale. Une IA, aussi sophistiquée soit-elle, n’a ni droits civiques ni obligations légales. Elle ne peut prêter serment, ne peut comparaître devant un juge, ne peut être renvoyée pour faute. La désincarnation de la fonction publique pose donc un problème juridique majeur.

La Cour constitutionnelle a été saisie. Son silence — provisoire — n’annule pas la légitimité du débat. Peut-on transférer une mission politique à une entité qui ne relève d’aucun régime de responsabilité démocratique ? L’automatisation de l’autorité publique, même partielle, n’est-elle pas un précédent glissant ?

2. L’irresponsabilité programmée

Une IA ne peut pas rendre de comptes. C’est là l’un des nœuds du problème. Diella peut analyser, recommander, trier, refuser — mais si ses décisions aboutissent à un dysfonctionnement, une exclusion injuste, ou un scandale d’État, qui assumera ? Le gouvernement affirme qu’elle n’a qu’un rôle d’assistante “surpuissante”, mais dans les faits, elle aura accès à tous les appels d’offres publics, pourra proposer des classements d’entreprises, alerter sur les risques. C’est déjà un pouvoir énorme.

Or, sans contrôle humain effectif, sans audit indépendant des algorithmes, sans transparence sur les données utilisées, cette puissance pourrait rapidement devenir un écran opaque. La gouvernance par algorithmes n’est pas neutre : elle encode des choix, reproduit des biais, légitime des normes. Derrière la façade rationnelle de l’IA, il peut y avoir une opacité renforcée.

3. Une mise en scène politique

On ne peut s’empêcher de voir dans cette initiative une opération de communication savamment orchestrée. Dans un pays aux institutions fragiles, où la corruption demeure un problème structurel, cette IA « incorruptible » ressemble à une vitrine de modernité destinée à l’opinion internationale. Une manière d’envoyer un signal à Bruxelles : regardez comme nous innovons, comme nous sommes transparents.

Mais la technologie ne guérit pas les institutions par magie. Elle peut même leur servir de paravent. En plaçant une IA au cœur de l’État, Edi Rama évite peut-être de réformer plus en profondeur les mécanismes de contrôle, les procédures d’attribution, les responsabilités ministérielles. Derrière l’écran, les hommes demeurent.

Et si c’était l’avenir ?

1. Une réponse pragmatique à la corruption

Il faut le reconnaître : l’idée d’utiliser une IA pour surveiller et améliorer les appels d’offres publics n’est pas absurde. En Albanie, comme dans d’autres pays des Balkans, les marchés publics sont souvent entachés de favoritisme, de clientélisme, de montages opaques. Dans ce contexte, une IA capable d’analyser objectivement les dossiers, de détecter les anomalies, d’écarter les risques de collusion, représente un atout majeur.

Diella n’est pas seule en salle de commandement. Elle s’appuie sur des bases de données vastes, des audits passés, et un comité de supervision humain. Son rôle est d’assister, pas de décréter. En ce sens, elle ne remplace pas le politique, elle le soutient. On peut y voir un progrès, à condition que les garde-fous soient solides.

2. Une avancée pour la transparence

Le gouvernement promet que toutes les décisions prises avec l’appui de Diella seront traçables, archivées, consultables en ligne. Chaque recommandation pourra être justifiée, chaque exclusion documentée. C’est une révolution par rapport à l’opacité actuelle.

Mieux : Diella peut fonctionner 24h/24, sans pressions, sans conflits d’intérêts. Elle ne doit rien à personne. Ce type d’outil, s’il est bien encadré, peut réduire considérablement les zones grises dans l’administration. C’est un levier potentiel de transparence, de rationalisation, et d’efficacité.

3. Un laboratoire institutionnel

L’Albanie prend un risque, certes, mais elle ouvre aussi un champ d’expérimentation. À l’heure où les États peinent à réguler les flux numériques, où les institutions se montrent souvent dépassées par les innovations, il peut être salutaire d’oser.

Cette « ministre IA » force à poser des questions fondamentales : qu’est-ce que la responsabilité politique ? Faut-il réserver les fonctions publiques aux humains ? Jusqu’où peut-on déléguer sans abdiquer ? En testant cette frontière, l’Albanie oblige les autres pays à réfléchir. Elle devient un cas d’école.

Entre audace et vertige

La nomination de Diella est tout sauf anodine. Elle condense, dans une seule figure algorithmique, les espoirs et les craintes de notre époque numérique. D’un côté, une promesse : une administration plus propre, plus rapide, plus objective. De l’autre, un risque : la dilution du politique, la technocratie automatisée, le recul du débat démocratique.

Ce qui se joue ici n’est pas seulement une histoire albanaise. C’est un test mondial. La France, l’Allemagne, le Maroc ou les États-Unis seront tôt ou tard confrontés à la tentation de gouverner avec – ou par – des intelligences artificielles. La question n’est pas « faut-il le faire ? » mais « comment le faire sans trahir l’esprit de nos institutions ? »

Il ne s’agit pas de refuser le progrès, mais de le civiliser. Diella est peut-être un gadget. Peut-être une percée. Peut-être une bombe à retardement. Mais elle est, assurément, le miroir de notre époque : fascinée par l’efficacité, impatiente avec la démocratie, et toujours en quête d’un miracle technologique.





Mercredi 24 Septembre 2025

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