Le récit officiel est séduisant : le budget général ne paierait “presque rien” et les stades se financeraient via des loyers étalés sur 25 ans, nourris par des recettes propres (billetterie, événements, naming). Le schéma ? Sonarges pilote, un OPCI (probablement souscrit et géré par un acteur public institutionnel) lève les fonds, devient propriétaire, puis loue à long terme. L’enveloppe initiale annoncée pour sept grands stades — mise à niveau de six enceintes et construction du grand stade de Casablanca — atteint 14,5 MMDH
Sur le papier, l’État limite sa mise directe et “débudgétise” la charge d’investissement. Dans la pratique, l’équation est plus nuancée.
D’abord, des lignes budgétaires existent bel et bien. La morasse 2024 prévoit 500 MDH pour la “mise à niveau des stades” ; la Sonarges reçoit des contributions budgétaires récurrentes : 65,4 MDH (2025), 96 MDH (2024), 50 MDH (2023)
Par ailleurs, des enveloppes globales, logées dans des programmes “sport de haut niveau”/“sport de masse”, financent “la réalisation des infrastructures sportives” : 1,2 MMDH (2025), 1,4 MMDH (2024) — montants non détaillés, donc difficiles à rattacher précisément à chaque stade
Autrement dit : pas de miracle budgétaire ; plutôt un partage des charges et une opacité de ventilation.
Ensuite vient la soutenabilité. Quand l’ensemble des stades sera livré, l’annuité de loyer serait d’environ 1 MMDH pour Sonarges
Pour honorer ce flux sans aide publique, il faudrait un mix robuste : affluences régulières, tarifs soutenables, calendrier d’événements dense, et un naming premium. Or la santé financière de Sonarges est fragile : chiffre d’affaires remonté de 11 MDH (2021) à 46 MDH (2023), projection 57 MDH (2024), mais résultat structurellement déficitaire (de –20 MDH (2021) à –47 MDH (2024e))
À ce stade, on ne parle plus de cosmétique comptable : l’opérateur dépend déjà des dotations publiques.
La vraie question devient alors frontale : quel niveau de recettes annuelles ces stades peuvent-ils générer au-delà du football ? Les promoteurs du modèle mettent en avant la multifonctionnalité : concerts, foires, congrès, salons, conventions d’entreprises. Le stade deviendrait pôle événementiel plus que simple enceinte sportive, avec un “district” urbain autour (mobilité, commerces, horeca). L’argument est crédible à Casablanca, Tanger ou Marrakech, mais hétérogène ailleurs. Sans pipeline d’événements signé à l’avance, on reste dans la promesse
C’est là que la transparence manque. Aucune projection publique détaillée n’explique, par stade, la fréquentation attendue, les prix moyens, le mix d’usages, les charges d’exploitation (énergie, maintenance lourde) et de capital (loyer, assurances, impôts)
Sans cette granularité, impossible d’évaluer la rentabilité intrinsèque. L’expérience internationale conseille la prudence : Brésil 2014 et Afrique du Sud 2010 ont laissé des enceintes sous-exploitées, parfois déficitaires hors événements. Le Maroc a certes un récit différent — stabilité, diplomatie économique, hubs touristiques — mais la mécanique des cash-flows n’épargne personne.
Dernier étage du montage : le risque budgétaire contingent. Si les recettes n’atteignent pas le seuil, l’écart entre flux attendus et annuité d’1 MMDH réapparaîtra… et l’État devra absorber la différence, directement ou indirectement
C’est ici que l’innovation financière peut se transformer en risque hors-bilan. Nul besoin d’alarmisme : ce risque peut être géré (naming de long terme, contrats d’événements pluriannuels, diversification d’usages, gestion mutualisée des services techniques, clauses de partage de recettes). Mais il doit être mesuré et communiqué.
Au fond, le Maroc a raison de chercher des montages qui mobilisent l’épargne institutionnelle plutôt que le budget “cash” ; c’est la logique des OPCI et fonds dédiés. La réussite ne sera pourtant pas financière avant d’être industrielle : pipeline événementiel, gouvernance performante de Sonarges, synergies territoriales (mobilité, hôtellerie, tourisme d’affaires), et marketing agressif du “Morocco Venue Network” auprès des organisateurs mondiaux. À défaut, l’OPCI ne sera qu’un parapluie : il protège de la pluie du moment, mais pas de la mousson qui vient.
Verdict provisoire : modèle intelligent mais exigeant, qui ne supporte ni l’opacité, ni la paresse commerciale. Un grand stade n’est pas un actif passif ; c’est une usine à événements. Sans carnet de commandes, il reste un chef-d’œuvre d’ingénierie… vide. Les chiffres budgétaires recensés et la trajectoire de Sonarges imposent un suivi public trimestriel des recettes et des charges, par enceinte, pour ancrer la confiance et désamorcer la polémique. La finance peut préparer la piste ; seule l’économie réelle fera décoller l’avion.
Sur le papier, l’État limite sa mise directe et “débudgétise” la charge d’investissement. Dans la pratique, l’équation est plus nuancée.
D’abord, des lignes budgétaires existent bel et bien. La morasse 2024 prévoit 500 MDH pour la “mise à niveau des stades” ; la Sonarges reçoit des contributions budgétaires récurrentes : 65,4 MDH (2025), 96 MDH (2024), 50 MDH (2023)
Par ailleurs, des enveloppes globales, logées dans des programmes “sport de haut niveau”/“sport de masse”, financent “la réalisation des infrastructures sportives” : 1,2 MMDH (2025), 1,4 MMDH (2024) — montants non détaillés, donc difficiles à rattacher précisément à chaque stade
Autrement dit : pas de miracle budgétaire ; plutôt un partage des charges et une opacité de ventilation.
Ensuite vient la soutenabilité. Quand l’ensemble des stades sera livré, l’annuité de loyer serait d’environ 1 MMDH pour Sonarges
Pour honorer ce flux sans aide publique, il faudrait un mix robuste : affluences régulières, tarifs soutenables, calendrier d’événements dense, et un naming premium. Or la santé financière de Sonarges est fragile : chiffre d’affaires remonté de 11 MDH (2021) à 46 MDH (2023), projection 57 MDH (2024), mais résultat structurellement déficitaire (de –20 MDH (2021) à –47 MDH (2024e))
À ce stade, on ne parle plus de cosmétique comptable : l’opérateur dépend déjà des dotations publiques.
La vraie question devient alors frontale : quel niveau de recettes annuelles ces stades peuvent-ils générer au-delà du football ? Les promoteurs du modèle mettent en avant la multifonctionnalité : concerts, foires, congrès, salons, conventions d’entreprises. Le stade deviendrait pôle événementiel plus que simple enceinte sportive, avec un “district” urbain autour (mobilité, commerces, horeca). L’argument est crédible à Casablanca, Tanger ou Marrakech, mais hétérogène ailleurs. Sans pipeline d’événements signé à l’avance, on reste dans la promesse
C’est là que la transparence manque. Aucune projection publique détaillée n’explique, par stade, la fréquentation attendue, les prix moyens, le mix d’usages, les charges d’exploitation (énergie, maintenance lourde) et de capital (loyer, assurances, impôts)
Sans cette granularité, impossible d’évaluer la rentabilité intrinsèque. L’expérience internationale conseille la prudence : Brésil 2014 et Afrique du Sud 2010 ont laissé des enceintes sous-exploitées, parfois déficitaires hors événements. Le Maroc a certes un récit différent — stabilité, diplomatie économique, hubs touristiques — mais la mécanique des cash-flows n’épargne personne.
Dernier étage du montage : le risque budgétaire contingent. Si les recettes n’atteignent pas le seuil, l’écart entre flux attendus et annuité d’1 MMDH réapparaîtra… et l’État devra absorber la différence, directement ou indirectement
C’est ici que l’innovation financière peut se transformer en risque hors-bilan. Nul besoin d’alarmisme : ce risque peut être géré (naming de long terme, contrats d’événements pluriannuels, diversification d’usages, gestion mutualisée des services techniques, clauses de partage de recettes). Mais il doit être mesuré et communiqué.
Au fond, le Maroc a raison de chercher des montages qui mobilisent l’épargne institutionnelle plutôt que le budget “cash” ; c’est la logique des OPCI et fonds dédiés. La réussite ne sera pourtant pas financière avant d’être industrielle : pipeline événementiel, gouvernance performante de Sonarges, synergies territoriales (mobilité, hôtellerie, tourisme d’affaires), et marketing agressif du “Morocco Venue Network” auprès des organisateurs mondiaux. À défaut, l’OPCI ne sera qu’un parapluie : il protège de la pluie du moment, mais pas de la mousson qui vient.
Verdict provisoire : modèle intelligent mais exigeant, qui ne supporte ni l’opacité, ni la paresse commerciale. Un grand stade n’est pas un actif passif ; c’est une usine à événements. Sans carnet de commandes, il reste un chef-d’œuvre d’ingénierie… vide. Les chiffres budgétaires recensés et la trajectoire de Sonarges imposent un suivi public trimestriel des recettes et des charges, par enceinte, pour ancrer la confiance et désamorcer la polémique. La finance peut préparer la piste ; seule l’économie réelle fera décoller l’avion.












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