Alors que le Conseil de sécurité s’apprête à adopter une nouvelle résolution sur le dossier du Sahara, les équilibres régionaux au Maghreb s’apprêtent, eux aussi, à évoluer profondément.
La dynamique du Maroc et les hésitations de l’Algérie laissent entrevoir un basculement : d’un conflit politique prolongé à une compétition de modèles, où la stabilité et le développement pourraient devenir les nouveaux champs d’expression de la puissance.

 Un tournant diplomatique décisif 

La Russie, sans soutenir activement le projet de résolution des Nations Unies sur le Sahara Marocains, ne devrait pas non plus s’y opposer.
Une abstention russe ouvrirait la voie à l’adoption d’un texte soutenant le plan d’autonomie marocain, désormais considéré comme une solution sérieuse et réaliste par une majorité d’acteurs internationaux.

« Le Maroc n’a jamais été aussi proche d’un règlement politique durable de la question du Sahara », confie un diplomate africain à New York.

Ce vote marquerait le début d’un nouveau cycle diplomatique, plus exigeant, mais porteur d’une issue définitive à un conflit qui freine, depuis près d’un demi-siècle, l’intégration maghrébine.

 Un Maroc consolidé, une Algérie en recomposition 

La clôture du dossier du Sahara permettrait au Maroc de concentrer pleinement ses efforts sur la consolidation de son modèle économique et diplomatique.
Avec plus de 55 accords de libre-échange couvrant près de trois milliards de consommateurs, le Royaume se positionne comme une plateforme d’investissement et de production régionale, reliant l’Europe, l’Afrique et le monde arabe.

« Une fois ce dossier refermé, le Maroc deviendra un pôle d’équilibre géopolitique majeur dans le continent africain », estiment plusieurs observateurs à Bruxelles.

De son côté, l’Algérie devra opérer une redéfinition stratégique.
Privée d’un des principaux piliers de sa légitimité extérieure, elle sera contrainte de réinventer son discours politique et de s’adapter à un environnement international où la stabilité et la coopération pèsent plus que les rivalités idéologiques.

La réconciliation : une aspiration populaire, un défi politique 

Si la réconciliation entre Rabat et Alger demeure un souhait profondément ancré dans les deux sociétés, elle se heurte à la complexité des équilibres internes du régime algérien.
Depuis des décennies, la notion d’“ennemi extérieur” a servi de ciment à la cohésion nationale et à la justification d’une posture de fermeture.

Mais au-delà de la politique, les peuples n’ont jamais cessé de se ressembler et de s’attendre.
Les régions de l’Ouest algérien – Oran, Béchar, Tindouf – partagent avec le Maroc des liens familiaux, culturels et historiques pluriséculaires.
La réouverture progressive des relations pourrait, à terme, transformer ces liens humains en passerelles de paix et de prospérité.

« Ce que la politique divise, la géographie et la mémoire finiront par réunir », écrit un universitaire maghrébin.

De la confrontation à la compétition des modèles 

La fermeture du dossier du Sahara ne mettra pas fin à la rivalité entre les deux puissances du Maghreb, mais elle en changera la nature. Le différend pourrait se déplacer du terrain idéologique vers celui du développement et de la performance économique.

D’un côté, un Maroc ouvert, tourné vers l’investissement, la diversification industrielle et l’intégration africaine. De l’autre, une Algérie contrainte d’évoluer, de moderniser son économie et d’ajuster son modèle politique à une jeunesse en quête d’avenir.

Si cette rivalité demeure pacifique et constructive, elle pourrait devenir un moteur d’émulation régionale, à l’image du couple franco-allemand dans l’Europe d’après-guerre.

 Le rôle des puissances extérieures 

L’Union européenne et les États-Unis suivent de près ces évolutions.
Pour Bruxelles, le différend maroco-algérien constitue un obstacle à la relance de la politique euro-méditerranéenne et à la stabilisation du flanc sud de la Méditerranée.
Pour Washington, il s’agit d’une pièce maîtresse dans la recomposition de son influence face à la Chine et à la Russie, dans un contexte de rivalité stratégique en Afrique.

« La stabilité du Maghreb n’est pas seulement une question régionale : c’est un enjeu global pour les équilibres énergétiques et sécuritaires », souligne un chercheur américain.

Un avenir commun encore possible 

Au-delà des tensions diplomatiques, les peuples marocain et algérien restent unis par la culture, la langue et la mémoire partagée. Les artistes, entrepreneurs, étudiants et familles qui maintiennent les échanges incarnent déjà le Maghreb que la politique tarde à réaliser.

La réconciliation ne viendra peut-être pas d’un traité, mais d’une dynamique sociale et humaine plus forte que les murs et les discours. Ce qui sépare aujourd’hui pourra demain devenir une ligne de continuité, si la rivalité se transforme en complémentarité.

“L’avenir du Maghreb se joue dans la capacité de ses nations à coopérer sans se renier.”

Le dossier du Sahara s’achemine vers une issue politique claire.
Mais la véritable épreuve qui attend le Maghreb ne sera pas celle de la diplomatie, mais celle de la vision et du courage collectif.

Entre le Maroc et l’Algérie, l’histoire n’est pas condamnée à se répéter : elle peut encore s’écrire autrement — dans la coopération, la confiance et la fierté partagée.