La jeunesse marocaine traverse 2025 avec moins d’illusions que jamais. Entre flambée des prix, chômage persistant et érosion du pouvoir d’achat familial, les jeunes adultes semblent désinvestis de la vie économique nationale.

Bien que l’enquête du Haut-Commissariat au Plan (HCP) ne distingue pas explicitement les perceptions par tranche d’âge, les signaux croisés sur la confiance, la consommation et l’épargne permettent de reconstituer une atmosphère pesante dans laquelle évoluent les moins de 35 ans.

L’indice global de confiance des ménages (ICM), bloqué à 46,6 points, montre une société inquiète. Mais chez les jeunes, cette inquiétude se transforme en désengagement économique : moins de projets, moins de consommation, moins d’espoir.

Les données du HCP indiquent que 80,1 % des ménages jugent le moment inopportun pour acheter des biens durables, avec un solde d’opinion de –72,0 points. Cette prudence n’est pas seulement liée au budget familial, mais aussi à une vision bloquée de l’avenir :
pourquoi investir dans un équipement, une formation ou un logement, quand on doute de son avenir professionnel ?
pourquoi s’endetter pour un projet de vie qu’on ne voit même pas se dessiner ?

Le renoncement ne touche donc pas seulement les classes populaires, mais aussi des jeunes diplômés ou salariés précaires, qui préfèrent différer ou annuler tout achat significatif.

Selon le HCP, 80,6 % des ménages anticipent une hausse du chômage dans les 12 mois. Ce chiffre ne reflète pas seulement une peur abstraite : il traduit la réalité vécue par une génération qui enchaîne les CDD, les périodes de chômage, les reconversions forcées.

Les programmes d’intégration, de formation ou d’auto-entrepreneuriat ne suffisent plus à convaincre. Résultat : le marché du travail est perçu comme saturé, injuste et sans débouchés.

Les jeunes Marocains, notamment ceux issus des classes moyennes ou rurales, n’ont pas accès à l’épargne. Selon le HCP, 88,8 % des ménages affirment ne pas pouvoir épargner dans les 12 mois à venir. Ce chiffre, couplé au fait que 42 % s’endettent pour vivre, signifie que la génération montante ne peut plus envisager d’autonomie financière réelle.

Or, sans épargne, pas de projet de vie : pas de logement, pas de mariage, pas d’entreprise, pas de mobilité.

Le décalage se creuse entre les discours politiques valorisant l’innovation, les start-ups ou la jeunesse moteur de croissance… et la réalité des chiffres.

Dans les quartiers populaires, les jeunes se replient sur eux-mêmes ou tentent l’émigration.
Dans les milieux universitaires, on observe une montée du scepticisme, voire du cynisme.

C’est cette fracture générationnelle qu’il faut regarder en face : non pas une jeunesse désengagée, mais une jeunesse découragée.

Restaurer la confiance des jeunes ne se fera ni par décret, ni par slogan. Il faudra : Proposer des emplois dignes et durables, avec des perspectives d’évolution, Valoriser les filières techniques et rurales, souvent délaissées, Intégrer les jeunes dans les processus de décision et les politiques publiques et Faciliter l’accès au logement, à l’épargne et à la mobilité

Faute de quoi, la génération 2025 restera en veille, frustrée d’un avenir dont elle se sent exclue.