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99 Luftballons


Rédigé par le Dimanche 5 Février 2023

Les Américains ont (enfin !) abattu, le 4 février, le ballon espion chinois qui survolait leur territoire depuis « plusieurs jours ». Pékin a exprimé son « fort mécontentement ». Tout ça pour une grosse baudruche.



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Un F22 Raptor pour abattre un simple ballon...
Un F22 Raptor pour abattre un simple ballon...
La scène est tragicomique. Dans la salle d’opération du Pentagone, les opérateurs sautent et crient de joie après que le ballon chinois, qui serait destiné à la « collecte d’informations », selon Washington, ait été abattu.

Pour ce faire, il a fallu faire appel à un F22 Raptor, le meilleur chasseur bombardier américain jamais construit, dont le F35 n’est qu’une pâle copie diminuée.

De pseudos experts militaires ont ergoté sur le matériau dans lequel est fabriqué le ballon chinois, un composite qui le rendrait furtif aux radars (mais pas à la vue d’un humain doté d’une simple paire de jumelle !).

Mêmes les officiels américains y sont allés de leurs sottises, invoquant la préservation des vies humaines et des biens pour avoir attendu que le ballon chinois ait atteint les rives de la côte Ouest des Etats-Unis, en face de la Caroline du Nord, pour détruire le ballon.

Comme si les Etats-Unis étaient un petit pays avec une forte densité urbaine au km2.

Crise d’hystérie

Le survol des Etats-Unis par ce ballon chinois a suscité une véritable crise d’hystérie chez la classe politique et les médias américains. Semer la panique au sein de l’opinion publique américaine semble être le véritable objectif recherché.

Il est, ainsi, précisé que la ballon, de la taille de trois autocars, serait doté de panneaux solaires pour produire de l’énergie destinée au modeste moteur électrique devant l’orienter.

Précision utile, peu invoquée par les médias, les ballons sont intrinsèquement très difficiles à manœuvrer.

Les moteurs électriques dont sont dotés les ballons les plus modernes servent à insuffler de l’air dans le ballon ou, au contraire, le dégonfler un peu, de manière à pouvoir changer d’altitude et éviter des vents trop forts.

De tels moteurs ne sont pas suffisamment puissants pour faire tourner des hélices capables d’orienter le ballon dans la direction voulue.

Changer d’altitude est le mieux que l’on puisse faire, actuellement, en matière d’orientation des ballons du genre montgolfière en haute atmosphère, sans pour autant parvenir réellement à le diriger comme un avion.

C’est, cependant, largement suffisant pour des ballons servant de sondes météorologiques.

Ballon espion ?

Est-ce la première fois que des ballons chinois se perdent au dessus d’autres pays ?

Oui ! Cela s’est passé en 2020, 2021 et 2022, les aérostats dérivant au dessus de Japon et de l’Inde, sans provoquer la même vague d’hystérie.

Selon le New-York Times, ce ne serait, d’ailleurs, même pas la première fois qu’un ballon chinois du même genre se perd au dessus du territoire américain.

Les Japonais et les Indiens seraient-ils moins soucieux de leur souveraineté sur leurs espaces aériens ?

Non ! Ils savent, tout simplement, que les ballons sont des instruments d’observation obsolètes depuis des décennies.

L'ère des satellites

Les satellites artificiels militaires, mais aussi civils (qui peuvent à être à double usage), offrent des images de bien meilleures résolutions que celles que peut produire un ballon d’observation.

En 2021, il n’y avait pas moins de 4.852 satellites qui orbitent autour de la Terre. 499 d’entre eux sont chinois.

C’est une insulte à l’intelligence que de tenter de faire croire que Pékin va user d’un outil désuet et facile à repérer pour une opération d’observation militaire au moment où elle dispose du nec plus ultra de la technologie spatiale pour remplir le même rôle, beaucoup plus efficacement et dans la discrétion la plus totale.

A-t-on oublié que la Chine est déjà capable d’envoyer des robots sur la Lune pour en explorer la face cachée ?

Opération « Fugo »

Le satellite militaire chinois "Yaogan 37", lancé le 13 janvier 2023
Le satellite militaire chinois "Yaogan 37", lancé le 13 janvier 2023
De novembre 1944 à avril 1945, pendant la 2ème guerre mondiale, le Japon a lancé 9.300 ballons portant des bombes incendiaires en direction de la côte Est des Etats-Unis.

La plupart se sont perdus en mer, seuls 500 ont atteint l’Amérique. Encore plus rares sont ceux qui ont délivré leurs charges explosives, et ce sans atteindre la moindre cible significative.

Résultat de l’opération japonaise « Fugo » : un zéro pointé ! Depuis lors, aucun stratège militaire n’a été assez stupide pour refaire une expérience qui a déjà aussi lamentablement échoué.

Tout le tapage médiatique autour de ce ballon chinois serait plutôt à chercher du côté des intentions belliqueuses que Washington nourrit envers Pékin, de manière de plus en plus affichée.

Antony Blinken, le secrétaire d’état américain aux affaires étrangères, a annulé un voyage en Chine, qui devait avoir lieu les 4 et 5 février. Et ce après avoir dénoncé une « violation manifeste de la souveraineté américaine et du droit international ».

Ce propos ne repose, toutefois, sur aucune base juridique. L’espace entre l’extra-atmosphère, ou orbitent les satellites, et le plafond d’altitude que peuvent atteindre les chasseurs militaires les plus perfectionnés constitue une zone « grise », qui n’est couverte par aucune législation internationale.

Tirer le dragon par la queue

Au cours de la semaine allant de la fin janvier au début février, Lloyd Austin, secrétaire d’état américain à la défense, était en tournée en Asie du Sud Est.

Austin a déclaré avoir coordonné les forces nucléaires avec le Japon et la Corée du Sud. Officiellement, c’est la Corée du Nord qui est visée par cette démarche, mais les autorités chinoises ne sont pas dupes des intentions des Américains.

Parallèlement, les Etats-Unis ont aussi annoncé l’installation de quatre nouvelles bases américaines aux Philippines, à quelques 500 kms au Sud de Taïwan.

Accusant la Chine de constituer une menace pour la sécurité dans la zone Asie-Pacifique, Austin s’est fait l’écho de propos similaires tenus par Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, en visite dans la même région et à peu près au même moment.

Les Etats-Unis sont en train de battre le rappel du ban et de l’arrière ban de leurs alliés, dans l’optique d’une guerre ouverte contre la Chine à l’horizon 2025.

Le temps que les Etats-Unis puissent produire des microprocesseurs de très fine gravure sur leur propre territoire, sans avoir à dépendre des usines de TSMC sises à Taïwan.

Une fois que ce sera fait, Taïwan pourra être transformé en nouvelle Ukraine, afin d’affaiblir la Chine, comme le processus actuellement en cours contre la Russie, en Europe centrale.

Poutine ramasse la mise

Le premier bénéficiaire de ces manœuvres médiatiques et de guerre psychologique des Etats-Unis contre la Chine est indéniablement la Russie.

Contrairement à ce que colportent les médias perroquets de la propagande américaine, la Chine ne soutient qu’au minimum la Russie dans sa guerre contre l’Occident collectif en Ukraine.

Bien sûr, Pékin ne veut pas d’une défaite de son allié russe, puisque ce sera son tour juste après.

Machiavéliques, les Chinois verraient bien, néanmoins, le conflit entre l’Occident collectif et la Russie s’éterniser.

Plus longtemps les Occidentaux seront occupés à tenter de tailler des croupières à la Russie en Europe centrale, plus la Chine aura de temps de se préparer à un éventuel conflit armé contre les Etats-Unis et leurs alliés, avec l’indépendance de Taïwan comme casus-belli.

Faire des affaires, pas la guerre

Pékin espère surtout un affaiblissement du bloc occidental dans sa guerre face à la Russie, qui la préserverait de tout affrontement direct, très mauvais pour les affaires.

On oublie souvent que la Chine, empire naturel, s’est plus distinguée par la puissance de son administration que par celle de son armée, et ce tout le long de son histoire multimillénaire.

Les Chinois sont des marchands, pas des guerriers. Et ne sont pas moins mondialistes que les Occidentaux.

En cela, les Chinois de distinguent des Russes, qui ont entamé un grand retour aux sources et aux traditions orthodoxes, avec une fibre patriotique qui vibre au rythme des souvenirs de la grande guerre contre l’Allemagne nazie.

Il est écrit dans le célèbre traité chinois de stratégie, « les 36 stratagèmes » (rédigé au 15ème siècle) : « attendre en se reposant que l’ennemi s’épuise ».

Et ce conformément à ce qu’avait écrit, au 4ème siècle avant JC, le non moins fameux stratège chinois, Sun Tzu : « le stratège attire l’ennemi mais ne se fait pas attirer par lui ».

Grosse baudruche

La seule crainte est d’assister à une perte du contrôle de la situation, suite à des actes de provocations mal interprétés par la partie adverse.

Comme cette histoire de ballon chinois, surdimensionnée, surmédiatisée, dans le but évident de préparer l’opinion publique américaine à des lendemains sanglants.

Un peu dans le style de la chanson allemande datant de la guerre froide, « 99 Luftballons ».

« 99 ballons, petit à petit, ils s’en vont

Ils donnent l’alerte, sonnent l’alarme

Ils veulent voir couler plus que des larmes

Il n’y a que leurs yeux ouverts

Face à leurs machines de guerre ».

*99 Luftballons (en allemand 99 ballons de baudruche) est une chanson du groupe de rock allemand « Nena », qui date de 1983, c’est à dire avant la fin de la guerre froide. L’auteur de paroles, le guitariste Carlos Gardes, imagine que des ballons baudruches, lâchés en grand nombre, franchissent le « Mur » qui séparait les deux Allemagnes et, par erreur d’interprétation, déclenchent une réaction des soviétiques qui se termine en conflit nucléaire.





Ahmed Naji
Journaliste par passion, donner du relief à l'information est mon chemin de croix. En savoir plus sur cet auteur
Dimanche 5 Février 2023

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