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AMO : Entre avancées historiques et zones d’ombre persistantes


Rédigé par La Rédaction le Vendredi 22 Novembre 2024

La généralisation de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) au Maroc constitue une réforme ambitieuse et structurante pour le système de protection sociale. Initiée par la loi-cadre n° 09-21, cette démarche vise à instaurer une couverture sanitaire universelle, garantissant à tous les résidents un accès équitable aux soins de santé préventifs et curatifs. Cette réforme s'inscrit dans une dynamique de transformation majeure, tant par ses objectifs que par les défis qu’elle soulève.



Le projet, annoncé lors des discours royaux de 2020, a pour ambition d’inclure 22 millions de bénéficiaires additionnels, permettant ainsi à près de 87 % de la population de disposer d’une couverture santé en 2024, contre 60 % en 2020. Parmi les avancées notables figurent l’intégration des bénéficiaires du RAMED dans le régime AMO-TADAMON et l’élargissement aux travailleurs non-salariés via des régimes spécifiques. Ces progrès traduisent une volonté de renforcer le droit à la santé, inscrit dans l’article 31 de la Constitution marocaine.

Cependant, cet élan progressiste est confronté à des défis systémiques. Le taux de couverture universelle demeure inachevé, avec près de 8,5 millions de personnes exclues, soit 23 % de la population. Les disparités régionales, les inégalités de financement entre régimes, et la faiblesse du système de gouvernance soulignent les fragilités structurelles de cette réforme. En outre, l’accessibilité réelle aux soins reste problématique, notamment pour les catégories les plus vulnérables, qui doivent encore supporter une grande partie des coûts de santé.

La complexité administrative et la fragmentation des régimes compliquent davantage la mise en œuvre effective. Le système est encore perçu comme « peu protecteur » par une partie des assurés, avec des remboursements jugés insuffisants et tardifs. Les professionnels de santé soulignent également le manque de synchronisation entre les réformes de l’AMO et celles du système de santé national.

Le CESE dans son dernier Avis propose une analyse croisée, d’une part critique et d’autre part constructive, des acquis et limites de la généralisation de l’AMO. Quels ajustements sont nécessaires pour parachever cette réforme et garantir une couverture sanitaire équitable et pérenne ? Les réponses à ces questions déterminent le succès d’une réforme qui aspire à consolider la justice sociale et le développement économique du Maroc.

La généralisation de l’AMO, bien que porteuse d’avancées significatives, révèle de profondes insuffisances structurelles qui remettent en question sa viabilité et son universalité. Tout d’abord, le taux de couverture reste incomplet, avec 13,5 % de la population non immatriculée et 11 % des immatriculés privés de leurs droits pour diverses raisons administratives. Cela laisse environ 8,5 millions de personnes en marge du système, compromettant l’objectif d’universalité fixé par la réforme.

Les inégalités dans l’effort contributif et les modalités de prise en charge exacerbent les disparités entre les différents régimes. Par exemple, les travailleurs non-salariés (TNS), qui représentent un tiers des immatriculés, sont confrontés à un taux élevé de "droits fermés" (65 %), souvent en raison d’une incapacité à payer les cotisations ou d’un manque de fiabilité des données d’immatriculation. Ces disparités fragilisent la solidarité financière qui constitue le fondement de tout système d’assurance maladie.

Par ailleurs, l’accessibilité aux soins demeure une problématique majeure. Les infrastructures sanitaires sont inégalement réparties sur le territoire, concentrées dans quelques grandes régions, et le déficit en professionnels de santé (estimé à 32 000 médecins et 65 000 infirmiers) limite considérablement l’offre de soins. Les bénéficiaires de l’AMO, particulièrement les catégories vulnérables, continuent de supporter des coûts élevés, avec des taux de remboursement jugés insuffisants, notamment pour les soins spécialisés.

Enfin, le pilotage de la réforme met en lumière des failles de gouvernance. Le système, fragmenté entre divers régimes, manque de coordination, ce qui entraîne des doublons administratifs, des inefficiences et des retards dans la prise en charge. Les mutuelles, pourtant historiquement actives, sont marginalisées dans la nouvelle configuration, ce qui prive le système d’un potentiel complémentaire crucial.

Ces insuffisances soulignent l’urgence d’une refonte profonde et d’une harmonisation des régimes pour garantir l’équité et la pérennité du système. Sans cela, la réforme risque de renforcer les inégalités existantes et de creuser davantage le fossé entre les catégories de population, sapant ainsi les fondements de la justice sociale.

Malgré ses défis, la généralisation de l’AMO représente une avancée majeure pour le Maroc, illustrant une ambition politique et sociale de grande envergure. Depuis son lancement, le système a permis d’étendre la couverture santé à près de 87 % de la population, une progression notable par rapport aux années précédentes. La transformation du RAMED en AMO-TADAMON a intégré des millions de bénéficiaires vulnérables, leur permettant d’accéder à une prise en charge partielle dans le secteur privé en plus des soins gratuits dans le public.

La réforme s’appuie sur une infrastructure de gestion modernisée. La CNSS, principal acteur opérationnel, a renforcé ses capacités digitales, permettant un traitement plus rapide des dossiers et un remboursement moyen réduit à neuf jours. Ces avancées, couplées à une stratégie de bancarisation, ont favorisé l’inclusion financière, avec l’ouverture de près de deux millions de nouveaux comptes bancaires. En parallèle, la généralisation stimule le développement du secteur privé de la santé, avec l’ouverture récente de 76 nouveaux établissements. Ce dynamisme contribue à la fois à l’emploi et à l’amélioration de l’offre de soins.

Sur le plan macroéconomique, la réforme pourrait avoir des retombées positives significatives. L’extension de la couverture médicale renforce la consommation des soins, améliore la productivité et réduit les coûts indirects liés à la maladie. Ces impacts, s’ils sont correctement mesurés et consolidés, pourraient contribuer à une croissance économique durable.

Enfin, les efforts pour améliorer la gouvernance et l’efficacité du système sont prometteurs. La simplification des procédures d’immatriculation pour les TNS et la création de nouveaux régimes comme l’AMO-CHAMIL démontrent une volonté d’inclusion progressive. Les investissements dans le secteur public, notamment la refonte du système national de santé, visent à réduire les disparités régionales et à offrir une couverture équitable à tous les citoyens.

Pour maximiser ces acquis, il est impératif de renforcer la coopération entre les secteurs public, privé et mutualiste, et d’instaurer des mécanismes de régulation efficaces. Avec des ajustements stratégiques, la généralisation de l’AMO pourrait devenir un modèle d’équité et de solidarité sociale, consolidant ainsi la protection sanitaire universelle et soutenant le développement socio-économique du pays.

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Vendredi 22 Novembre 2024

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