Depuis plusieurs mois, une série d’attaques médiatiques ciblant l’image du Maroc circule sur certaines plateformes et organes étrangers. Rien de nouveau, pourrait-on penser. Pourtant, la multiplication, la virulence et surtout l’organisation de ces campagnes imposent une réponse plus robuste qu’un simple démenti diplomatique.

À ce titre, le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, sous l’impulsion de Mehdi Bensaïd, a décidé de passer à une vitesse supérieure. Et cette fois, il ne s’agit pas d’éteindre les incendies à la hâte, mais bien de construire un pare-feu durable.

Interpellé à la Chambre des représentants, le ministre a exposé les grandes lignes d’une stratégie à la fois préventive, pédagogique et diplomatique.

Au cœur de ce dispositif, la mise en place d’une cellule de veille chargée de surveiller, analyser et réagir aux contenus médiatiques portant atteinte à l’image du Royaume.

Mais cette cellule n’a pas vocation à censurer, ni à dramatiser. Son rôle ? Distinguer l’attaque de la critique, la rumeur du fait, et fournir des rapports éclairés sur les dynamiques de désinformation à l’œuvre. Une sorte de vigie nationale de la réputation.

Il faut coopérer au lieu de s’isoler, il faudrait inventer la nouvelle diplomatie de l’information :

La meilleure riposte aux fake news ne serait-elle pas, finalement, la transparence ? Le ministère semble le penser. En témoigne l’ouverture grandissante aux journalistes étrangers accrédités. Cette année, ce sont 108 journalistes représentant 63 organes internationaux qui ont reçu leur carte presse officielle.

Derrière ce chiffre, une philosophie : ouvrir les portes du pays à ceux qui veulent raconter son histoire, pourvu qu’ils la racontent honnêtement.

La logique ici est limpide : favoriser une couverture équilibrée et permettre aux reporters d’accéder aux sources fiables, sans détour ni mise en scène. Une manière subtile mais efficace de désamorcer les récits biaisés qui se nourrissent trop souvent du flou ou de l’opacité.

Un autre pilier de la stratégie réside dans la relance – voire la réinvention – de la production audiovisuelle à destination des médias internationaux.

Le but est clair : que le Maroc ne soit plus seulement l’objet des documentaires, mais aussi le sujet de sa propre narration.

Cela passera par un accompagnement des équipes de tournage, la mise à disposition d’archives et l’encouragement de productions plus contextualisées, plus nuancées.

Il ne s’agit pas de propagande, mais de contre-récit assumé. Car, comme le disait récemment une journaliste marocaine : « Quand tu ne racontes pas ton histoire, d'autres la racontent à ta place. »

Là où le discours se renforce, l’éducation prend le relais. Le ministère entend renforcer la culture numérique des citoyens marocains, avec un accent mis sur les jeunes, premiers exposés aux flux d’informations non vérifiées.

Plusieurs chantiers sont ouverts :

Des outils d’accès à l’information vérifiée
Le soutien accru aux médias professionnels
Des sessions de formation coorganisées avec les acteurs du secteur

Ici, le mot-clé est “résilience”. Résilience médiatique, mais aussi intellectuelle, dans un monde où une vidéo TikTok peut faire vaciller une réputation en quelques secondes.

Bien sûr, toute stratégie de lutte contre les fake news soulève une crainte légitime : celle de la dérive autoritaire. Peut-on filtrer sans censurer ? Corriger sans infantiliser ? Observer sans surveiller ?

Les lignes sont fines, et le risque est réel. Mais dans le cas présent, l’approche semble jouer la carte de l’équilibre.

Il n’est pas question ici d’instaurer une vérité officielle, mais de garantir un écosystème où l’information fiable circule plus vite que la rumeur. Le ton adopté par le ministre, comme les outils prévus, témoignent d’une volonté de co-construire une éthique partagée, plutôt que d’imposer une ligne de lecture unique.

Le Maroc n’est pas seul à muscler sa réponse contre la désinformation. De nombreux pays, y compris en Europe, ont mis en place des structures de veille, des partenariats avec les plateformes numériques, et même des programmes d’éducation aux médias dans les écoles.

La spécificité marocaine réside peut-être dans la transversalité de l’approche : à la fois diplomatique, pédagogique, culturelle et citoyenne.

À l’heure où l’information se diffuse à la vitesse d’un clic et où les récits circulent plus vite que les faits, il est vital pour un pays comme le Maroc – au carrefour des regards et des enjeux – de garder la main sur son image.

La stratégie portée par Mehdi Bensaïd n’est pas une fin en soi, mais un début de réponse, un socle sur lequel construire une résistance intelligente, ouverte et responsable à la désinformation.

Et si l’on devait résumer cette démarche en une seule phrase, ce serait peut-être celle-ci :
"Protéger notre image sans trahir nos valeurs."