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Au Pays des Hamlas …


Je suis depuis quelques jours, avec intérêt, sur les réseaux sociaux, les exploits du Pacha de l’arrondissement de Ain Sbaa à Casablanca qui libère le domaine public en détruisant systématiquement et avec grands fracas, les devantures de tous les cafés, gargotes et restaurants, occupant sans droits ni titres les trottoirs et passages publics. Il n’est pas le seul dans son genre. À Temara, à Harhoura et ailleurs, on suit les exploits quotidiens de caïds, hommes et femmes d’autorité, sanglés dans leurs uniformes de guerre kakis et képis vissés sur les têtes, qui font le ménage contre tous les contrevenants en matière de construction ou d’occupation du domaine public.



Écouter le podcast de cet article :


Par Rachid Boufous

À Agadir les autorités sévissent sévèrement à Aourir contre les constructions illégales, les détruisant illico presto à coups de pelleteuses, transformant la zone en paysage de guerre. 

L’État part en guerre contre les contrevenants en tous genres.. 

C’est ce qu’on appelle chez nous une « Hamla » ou plus communément une campagne d’assainissement. 

D’ailleurs on pratique une Hamla pour tout : contrôles de vitesse, de papiers, de voitures, de ports de casque pour les vélomoteurs, d’hygiène sanitaire dans les marchés, de contrôle des prix dans les souks et épiceries. Tout est bon à contrôler.

C’est une très bonne chose en soi, car sans contrôle, les gens ont tendance à prendre des libertés avec les lois, les réduisant à leur plus simple expression. D’où les abus en masse, dont souffre le citoyen et l’État…

Cela ne se fait pas tous les jours, mais périodiquement, par manque de moyens humains et de sécurité. Car chaque intervention des autorités se solde par des protestations, plus ou moins violentes, des contrevenants qui prennent les citoyens à témoins de « l’excès de pouvoir » dont feraient preuve les agents d’autorité, alors qu’ils ne font que leur boulot. Il faut donc prévoir assez de forces de sécurité pour parer à tout débordement qui serait dommageable.

Les contrevenants sortent moults drapeaux et photos du Roi en criant à hautes voix « Aaaacha Lmalik » et « nous voulons que Sidna intervienne ». Désolé les mecs, mais une contravention reste une contravention et dans ces cas de figure il n’y a qu’une solution, la destruction de ce qui a été contrevenu…

L’anarchie urbaine est devenue catastrophique et les gens, employant des méthodes et des pratiques inavouables, se permettent d’occuper indûment les trottoirs publics ou de construire illégalement des maisons sans autorisations administratives. 

Souvent les contrevenants sortent des autorisations d’exploiter le domaine public pour lequel il payent annuellement des redevances. Sauf qu’ils oublient souvent de dire qu’ils n’ont pas renouvelé leurs autorisations ou qu’ils ont oublié de payer les taxes afférentes, depuis plusieurs années, ou qu’il ont agrandi l’espace dévolu à leur activité de manière clandestine, pensant que personne ne s’en rendrait compte. Sauf que le Makhzen veille et rien n’échappe à ses yeux qui ne dorment jamais… 

Maintenant la question qui est sur toutes les bouches : « Pourquoi a-t-on laissé faire sans intervenir en amont, afin d’éviter ces destructions en aval et après coup et coûts ? »

Souvent les contrevenants reçoivent les avertissements et pv de constats de contravention mais passent outre, arguant après qu’ils n’ont rien reçu à travers huissier ces documents. Même quand cet officier judiciaire se pointe avec le papier question, les gens refusent d’en accuser réception, arguant qu’elles n’habitent plus les lieux depuis belle lurette…

Commence alors un spaghetti juridique et administratif insoluble, souvent au détriment de l’administration, qui ces dernières années, a été déboutée par la justice administrative. 

Les contrevenants se sont alors cru puissants puisque les jurisprudences leur permettaient de passer outre les avertissements de l’État, comme ce fut le cas pour le sabot quand les gens ne payent pas les places de stationnement. Ils ont obtenu un jugement du tribunal stipulant l’illégalité de mettre un sabot à une voiture en contravention… Essayez donc d’organiser la vie citoyenne après ce genre de jurisprudence…!!!

Alors une solution à toute cette anarchie : la Hamla. La campagne d’assainissement qui permet de nettoyer les villes de tous les dépassements. 

La Hamla survient toujours au moment où l’attend le moins. Souvent en été quand le commerce marche fort. Cela est toujours fait de manière spectaculaire et devant les journalistes, amateurs pour la plupart, convoqués à grand renforts de publicité. 

On cherche par ces destruction à marquer les esprits et à donner des exemples afin que d’autres bébés contrevenants n’aient même pas l’outrecuidance de vouloir grandir en futurs contrevenants patentés... 

La manière diffère d’une Hamla à une autre, en fonction de l’agent d’autorité qui la mène. Certains agents agissent avec zèle et d’autres avec douceur, mais le résultat est toujours le même : la destruction de l’objet de la contravention. Car au dessus des agents d’autorités, le gouverneur de l’arrondissement où de la préfecture veille scrupuleusement sur la bonne marche de la Hamla, car il doit rendre compte à son ministre, de ladite campagne d’assainissement. Il y va de sa carrière de premier magistrat de la province. 

Et comme les agents d’autorité sont dotés statutairement du pouvoir de police judiciaire, il est vain de vouloir s’opposer à eux car, leurs pv et constats sont recevables auprès des procureurs et ils peuvent arguer d’une obstruction à fonctionnaire dans l’exercice de sa tâche…

La Hamla n’est devenue nécessaire ces dernières années, que quand l’État a constaté que les prérogatives de police municipale, de libération du domaine public ou de destruction des logements construits illégalement, qui sont dévolues aux présidents de communes, ne sont plus ou pas exécutées. 

Les élus craignent leurs électeurs, car c’est en fermant les yeux sur ces contraventions, qu’ils se sont fait élire à la tête des communes. C’est une forme de corruption passive dont les élus sont coupables.

Car depuis la charte de 1976 portant loi sur les collectivités locales, revue et corrigée en 2007 et à ce jour, ce sont les présidents de communes, qui non seulement octroient toutes les autorisations sur le territoire communal, mais sont responsables à travers les contrôleurs qui relèvent de leur juridiction de tout ce qui se construit ou s’aménage dans leurs communes.

Depuis, l’État a fait voter la loi 66.12 pour contrer les dépassements en matière d’urbanisme et de construction, qui a instauré d’autres contrôleurs, ceux-là relevant directement du ministère de l’intérieur, après qu’il y ait eu des effondrements dramatiques de logements à Casablanca et ailleurs, provoquant plusieurs décès. 

Ces contrôleurs ont été dotés de pouvoirs de police judiciaire et peuvent rédiger des procès-verbaux de contravention, recevables devant les tribunaux. 

Mais face à l’ampleur de l’anarchie, l’État a cherché la conciliation car il ne peut pas tout détruire tant le phénomène est important, et a mis en place une procédure de régularisation des constructions illégales, sous réserve qu’elles ne concernent que les ajouts non réglementaires à une construction faite par autorisation et à condition que ces ajouts ne menacent pas la construction où elles ont été ajoutées. 

Pour les autres types de contravention, pas de solution autre que la destruction, car les amendes sont ridiculement basses et ne permettent pas d’agir efficacement contre les contrevenants.

Et malgré cela, les gens outrepassent leurs droits. Ils adorent maximiser le béton et de s’étendre sur le domaine public comme ces habitants de certains quartiers qui privatisent les trottoirs devant chez eux en y installant des jardinières, des chambres ou carrément des garages avec clôture métallique ou en agglos. Ils se disent que tout le monde fait la même chose et que la probabilité de se faire prendre est proportionnelle au nombre de billets qu’ils distribuent à gauche et à droite pour qu’on les laisse tranquilles…

Tout cela nous renseigne sur deux points importants : la fragilité de la démocratie locale qui n’est pas usitée par les élus pour appliquer la loi commune, et qui a été dévoyée par ceux-ci, au bénéfice de leurs sombres micmacages d’un côté, et la faiblesse des lois coercitives en matière d’urbanisme et de construction permettant de juguler ces dépassements, d’un autre côté…

Alors on préfère souvent fermer les yeux, faute d’une volonté irrévocable de lutter sévèrement contre ces contraventions, jusqu’à la prochaine Hamla, où durant quelques jours ou quelques semaines, les agents d’autorités se réveillent de leur long sommeil, usant ou abusant de leurs prérogatives, pour faire appliquer la loi, pour abandonner juste après cet élan salutaire, jusqu’à la prochaine Hamla… et ainsi de suite... 

Une question à 1 dirham : Pourquoi n’y a-t-il pas de Hamla de ce genre dans les pays européens, aux état-unis ou au Japon ? 
Bronzez bien et à la prochaine Hamla…

Rachid Boufous



Lundi 14 Août 2023

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