Avec le recul, il y a une évidence qui me saute aux yeux : certains métiers, certaines postures intellectuelles, ne parviennent jamais à s’imposer au Maroc. Non pas faute de talents, ni d’outils, ni même d’expertise. Simplement parce que la culture ambiante, les institutions et parfois même les mentalités refusent d’ouvrir l’espace où ces pratiques pourraient respirer.
Parmi elles, trois se détachent comme des fantômes familiers : le lanceur d’alerte, l’expert en intelligence économique et le veilleur stratégique. Trois figures qu’on retrouve ailleurs dans le monde, respectées, institutionnalisées, parfois héroïsées. Mais chez nous, elles restent coincées entre suspicion, marginalité et invisibilité.
Parmi elles, trois se détachent comme des fantômes familiers : le lanceur d’alerte, l’expert en intelligence économique et le veilleur stratégique. Trois figures qu’on retrouve ailleurs dans le monde, respectées, institutionnalisées, parfois héroïsées. Mais chez nous, elles restent coincées entre suspicion, marginalité et invisibilité.
Le lanceur d’alerte : du héros au suspect
Dans d’autres pays, celui qui dénonce un scandale est perçu comme un gardien de la démocratie, un protecteur de l’intérêt collectif. Edward Snowden, Chelsea Manning ou même des journalistes d’investigation sont devenus des symboles, même quand ils sont controversés. Chez nous, le lanceur d’alerte n’est ni un héros ni un protecteur. Il est trop souvent vu comme un gêneur, un traître, un perturbateur de l’ordre établi.
La culture de la transparence est encore balbutiante. Révéler une fraude, une corruption, une injustice ne vous apporte pas la reconnaissance publique, mais plutôt un silence gêné, voire un retour de bâton. C’est le règne du “machi shgholik” — “ce n’est pas ton affaire”. Résultat : des dizaines de dossiers dorment, des scandales se répètent, et ceux qui auraient pu parler se taisent pour survivre.
La culture de la transparence est encore balbutiante. Révéler une fraude, une corruption, une injustice ne vous apporte pas la reconnaissance publique, mais plutôt un silence gêné, voire un retour de bâton. C’est le règne du “machi shgholik” — “ce n’est pas ton affaire”. Résultat : des dizaines de dossiers dorment, des scandales se répètent, et ceux qui auraient pu parler se taisent pour survivre.
L’intelligence économique : une science ignorée
Dans les grandes puissances, l’intelligence économique est une arme stratégique. Elle guide les entreprises, oriente les politiques publiques, alimente les choix diplomatiques. En France, elle a même été intégrée à l’appareil d’État dès les années 1990. En Chine, elle fait partie intégrante de la stratégie nationale.
Au Maroc, le terme fait lever les sourcils. Trop souvent confondu avec l’espionnage ou réduit à un jargon technocratique, il reste perçu comme un luxe académique sans valeur pratique. Pourtant, dans un monde où la donnée est le nouveau pétrole, s’aveugler volontairement revient à rouler sans phare en pleine nuit. Nos entreprises se battent sur des marchés mondiaux sans outils d’anticipation, nos institutions réagissent plus qu’elles ne prévoient, et nous perdons du terrain sans même comprendre pourquoi.
L’intelligence économique devrait être au cœur de la compétitivité nationale. Mais elle reste marginalisée, faute de culture, de volonté politique et de passerelles réelles entre savoir et pouvoir.
Au Maroc, le terme fait lever les sourcils. Trop souvent confondu avec l’espionnage ou réduit à un jargon technocratique, il reste perçu comme un luxe académique sans valeur pratique. Pourtant, dans un monde où la donnée est le nouveau pétrole, s’aveugler volontairement revient à rouler sans phare en pleine nuit. Nos entreprises se battent sur des marchés mondiaux sans outils d’anticipation, nos institutions réagissent plus qu’elles ne prévoient, et nous perdons du terrain sans même comprendre pourquoi.
L’intelligence économique devrait être au cœur de la compétitivité nationale. Mais elle reste marginalisée, faute de culture, de volonté politique et de passerelles réelles entre savoir et pouvoir.
La veille stratégique : l’art d’anticiper… oublié
Enfin, il y a la veille stratégique, cet art patient d’observer les signaux faibles, d’anticiper les ruptures, de prévenir les crises. C’est une discipline essentielle dans les grandes entreprises, les agences gouvernementales, les laboratoires de recherche. Mais chez nous, elle n’a jamais trouvé sa place.
Pourquoi ? Parce que l’anticipation suppose qu’on accepte de se confronter à l’inconfort de la réalité. Faire de la veille, c’est parfois annoncer une tempête quand tout le monde veut croire au beau temps. Or, dans nos institutions, on préfère souvent se rassurer avec des chiffres lissés, des rapports optimistes et des discours convenus. Résultat : nous sommes surpris par des crises que d’autres avaient vues venir. Que ce soit dans l’agriculture, l’énergie, la santé ou le numérique, nous arrivons souvent après la bataille.
Pourquoi ? Parce que l’anticipation suppose qu’on accepte de se confronter à l’inconfort de la réalité. Faire de la veille, c’est parfois annoncer une tempête quand tout le monde veut croire au beau temps. Or, dans nos institutions, on préfère souvent se rassurer avec des chiffres lissés, des rapports optimistes et des discours convenus. Résultat : nous sommes surpris par des crises que d’autres avaient vues venir. Que ce soit dans l’agriculture, l’énergie, la santé ou le numérique, nous arrivons souvent après la bataille.
Une question de culture plus que de compétence
Il serait trop facile d’accuser le manque de formation. Le Maroc regorge de talents capables de maîtriser ces disciplines. Le problème est ailleurs : c’est la culture qui ne suit pas.
Nous vivons dans une société où l’alerte dérange plus qu’elle n’éclaire, où la critique est perçue comme une attaque personnelle, où l’anticipation est vue comme de la paranoïa, et où la donnée est encore considérée comme une marchandise secondaire. Dans un tel contexte, les lanceurs d’alerte deviennent des suspects, les experts en intelligence économique des marginaux, et les veilleurs stratégiques des rêveurs inutiles.
Nous vivons dans une société où l’alerte dérange plus qu’elle n’éclaire, où la critique est perçue comme une attaque personnelle, où l’anticipation est vue comme de la paranoïa, et où la donnée est encore considérée comme une marchandise secondaire. Dans un tel contexte, les lanceurs d’alerte deviennent des suspects, les experts en intelligence économique des marginaux, et les veilleurs stratégiques des rêveurs inutiles.
Les conséquences : vulnérabilité permanente
Cette absence n’est pas neutre. Elle se traduit par une fragilité structurelle. Sans lanceurs d’alerte, les abus se multiplient. Sans intelligence économique, nous avançons à l’aveugle dans une compétition mondiale impitoyable. Sans veille stratégique, nous découvrons les crises en même temps qu’elles nous frappent.
Le résultat, c’est un pays qui réagit au lieu d’agir, qui subit au lieu de prévenir, qui s’étonne de ses propres échecs au lieu de les comprendre. En refusant d’intégrer ces métiers, nous payons chaque jour un prix lourd : en argent, en souveraineté, en confiance publique.
Le résultat, c’est un pays qui réagit au lieu d’agir, qui subit au lieu de prévenir, qui s’étonne de ses propres échecs au lieu de les comprendre. En refusant d’intégrer ces métiers, nous payons chaque jour un prix lourd : en argent, en souveraineté, en confiance publique.
Peut-on inverser la tendance ?
La question n’est pas seulement théorique. Peut-on imaginer un Maroc où ces postures deviendraient valorisées ? Oui, à condition d’un changement profond.
– Il faudrait institutionnaliser la protection des lanceurs d’alerte, comme cela existe en Europe.
– Il faudrait enseigner et financer l’intelligence économique dans nos universités et nos entreprises.
– Il faudrait enfin donner une vraie place à la veille stratégique dans les politiques publiques, avec des cellules d’anticipation reliées directement aux décideurs.
Ce n’est pas une utopie. C’est une nécessité si nous voulons éviter d’être les éternels surpris de l’Histoire.
Au Maroc, certains métiers semblent voués à l’échec non pas parce qu’ils sont inutiles, mais parce qu’ils dérangent. Lanceur d’alerte, expert en intelligence économique, veilleur stratégique : trois figures qui incarnent la lucidité, l’anticipation et la transparence. Trois qualités que nous refusons encore d’intégrer pleinement.
Et pourtant, sans elles, nous restons fragiles. La modernité n’est pas seulement une question de technologies ou d’infrastructures. Elle est aussi faite de métiers de vigilance, de cultures de la vérité, de réflexes d’anticipation. Tant que nous ne leur donnerons pas leur place, nous resterons condamnés à marcher à contre-temps du monde.
– Il faudrait institutionnaliser la protection des lanceurs d’alerte, comme cela existe en Europe.
– Il faudrait enseigner et financer l’intelligence économique dans nos universités et nos entreprises.
– Il faudrait enfin donner une vraie place à la veille stratégique dans les politiques publiques, avec des cellules d’anticipation reliées directement aux décideurs.
Ce n’est pas une utopie. C’est une nécessité si nous voulons éviter d’être les éternels surpris de l’Histoire.
Au Maroc, certains métiers semblent voués à l’échec non pas parce qu’ils sont inutiles, mais parce qu’ils dérangent. Lanceur d’alerte, expert en intelligence économique, veilleur stratégique : trois figures qui incarnent la lucidité, l’anticipation et la transparence. Trois qualités que nous refusons encore d’intégrer pleinement.
Et pourtant, sans elles, nous restons fragiles. La modernité n’est pas seulement une question de technologies ou d’infrastructures. Elle est aussi faite de métiers de vigilance, de cultures de la vérité, de réflexes d’anticipation. Tant que nous ne leur donnerons pas leur place, nous resterons condamnés à marcher à contre-temps du monde.












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