Quand le prix à la caisse ne reflète plus la réalité
En cette période de tensions économiques, chaque dirham dépensé par les Marocains pour se nourrir pèse plus lourd dans les budgets des ménages. Derrière l’envolée des prix des produits alimentaires, souvent expliquée par la pandémie, la guerre en Ukraine ou la sécheresse, se cache un autre phénomène beaucoup plus domestique, plus discret, mais tout aussi inquiétant : la formation opaque des marges commerciales dans les circuits de distribution.
Le Conseil de la Concurrence, dans son Avis A/1/25 publié en février 2025, a mis en lumière le rôle structurant — et inflationniste — des circuits de distribution des produits alimentaires au Maroc. Des écarts parfois vertigineux entre prix départ usine et prix final sont constatés, particulièrement dans les chaînes dominées par les grandes et moyennes surfaces (GMS). L’inflation est donc aussi produite localement, et non plus seulement importée.
Le Conseil de la Concurrence, dans son Avis A/1/25 publié en février 2025, a mis en lumière le rôle structurant — et inflationniste — des circuits de distribution des produits alimentaires au Maroc. Des écarts parfois vertigineux entre prix départ usine et prix final sont constatés, particulièrement dans les chaînes dominées par les grandes et moyennes surfaces (GMS). L’inflation est donc aussi produite localement, et non plus seulement importée.
Le diagnostic : un écart croissant entre le producteur et le consommateur
Prenons un exemple concret : le lait UHT ou le fromage fondu. Le rapport du Conseil montre que dans certains cas, le prix final payé par le consommateur peut être supérieur de 30 à 40 % au prix départ usine. Cet écart ne s’explique pas seulement par les frais logistiques ou les taxes, mais par des marges intermédiaires dont le fondement économique reste flou.
Plus inquiétant encore, ces écarts se creusent même lorsque les prix à la source diminuent, notamment en période de baisse des cours internationaux des matières premières. Cela signifie que les distributeurs maintiennent, voire accroissent, leurs marges malgré une baisse des coûts amont. Un effet ciseau qui laisse peu de place à la logique économique.
Plus inquiétant encore, ces écarts se creusent même lorsque les prix à la source diminuent, notamment en période de baisse des cours internationaux des matières premières. Cela signifie que les distributeurs maintiennent, voire accroissent, leurs marges malgré une baisse des coûts amont. Un effet ciseau qui laisse peu de place à la logique économique.
Les circuits modernes : puissants, concentrés, opaques
Le Maroc a vu, au cours des quinze dernières années, une accélération de l’implantation des grandes surfaces. Ces enseignes, bien que modernisant les pratiques commerciales, ont aussi instauré de nouvelles normes économiques : marges avant, marges arrière, frais de référencement, promotions croisées. Derrière ces termes techniques se cachent de véritables leviers de captation de valeur.
La « marge arrière », en particulier, est une commission souvent exigée des fournisseurs en échange de leur présence en rayon ou de leur visibilité. Ces sommes sont négociées en dehors de toute transparence fiscale et ne sont pas répercutées dans les prix affichés. Pourtant, elles ont un impact direct sur le prix de vente, puisque les fournisseurs les intègrent dans leur structure de coût.
En moyenne, selon le Conseil de la Concurrence, ces marges peuvent représenter entre 20 % et 40 % du prix final, selon les produits. Dans les cas les plus extrêmes, elles atteignent jusqu’à 50 % pour certaines références alimentaires stratégiques.
La « marge arrière », en particulier, est une commission souvent exigée des fournisseurs en échange de leur présence en rayon ou de leur visibilité. Ces sommes sont négociées en dehors de toute transparence fiscale et ne sont pas répercutées dans les prix affichés. Pourtant, elles ont un impact direct sur le prix de vente, puisque les fournisseurs les intègrent dans leur structure de coût.
En moyenne, selon le Conseil de la Concurrence, ces marges peuvent représenter entre 20 % et 40 % du prix final, selon les produits. Dans les cas les plus extrêmes, elles atteignent jusqu’à 50 % pour certaines références alimentaires stratégiques.
Le commerce traditionnel : désorganisé mais plus direct
En parallèle, le commerce traditionnel — les épiceries de quartier, les souks, les vendeurs ambulants — reste le principal canal de distribution pour de nombreux Marocains. Ce circuit représente encore plus de 70 % des volumes vendus dans l’alimentaire.
Ici, les marges sont moins élevées, mais la désorganisation règne. La multiplicité des intermédiaires, l’absence de logistique moderne, la volatilité des prix et la dépendance à des grossistes peu régulés rendent également les produits plus chers que nécessaire.
De plus, les détaillants traditionnels, pour s’aligner sur les prix des marques leaders, appliquent souvent une marge « mimétique », calquée sur les enseignes de GMS, sans lien réel avec leur prix d’achat. Résultat : même les circuits dits « populaires » peuvent devenir inflationnistes, faute de structuration et de transparence.
Ici, les marges sont moins élevées, mais la désorganisation règne. La multiplicité des intermédiaires, l’absence de logistique moderne, la volatilité des prix et la dépendance à des grossistes peu régulés rendent également les produits plus chers que nécessaire.
De plus, les détaillants traditionnels, pour s’aligner sur les prix des marques leaders, appliquent souvent une marge « mimétique », calquée sur les enseignes de GMS, sans lien réel avec leur prix d’achat. Résultat : même les circuits dits « populaires » peuvent devenir inflationnistes, faute de structuration et de transparence.
Quand l'opacité devient une stratégie
Ce qui frappe dans l’analyse du Conseil, c’est l’opacité généralisée des mécanismes de formation des prix. Il n’existe au Maroc aucun observatoire public des marges commerciales. Les données disponibles sont rares, partielles, souvent détenues par les seuls distributeurs ou leurs fournisseurs privilégiés.
Dans ce flou informationnel, les GMS disposent d’un pouvoir de marché considérable. Elles dictent leurs conditions, imposent leurs délais de paiement (souvent longs), et orientent la structure des prix. En l’absence de régulation forte, les marges deviennent une variable d’ajustement… au détriment du consommateur.
Dans ce flou informationnel, les GMS disposent d’un pouvoir de marché considérable. Elles dictent leurs conditions, imposent leurs délais de paiement (souvent longs), et orientent la structure des prix. En l’absence de régulation forte, les marges deviennent une variable d’ajustement… au détriment du consommateur.
Les recommandations du Conseil de la Concurrence
Face à ce constat, le Conseil de la Concurrence ne se contente pas de dénoncer. Il propose plusieurs mesures concrètes pour casser cette spirale inflationniste d’origine structurelle :
Encadrement légal des marges arrière : en définissant un plafond ou en imposant leur transparence fiscale ;
Mise en place d’un observatoire national des marges : pour suivre, produit par produit, l’évolution entre prix de production et prix final ;
Réduction du nombre d’intermédiaires : via une réorganisation logistique, le développement des circuits courts et des centrales d’achat collectives ;
Modernisation du commerce traditionnel : pour lui permettre de négocier collectivement, s’informatiser et intégrer la chaîne de valeur formelle ;
Harmonisation des pratiques contractuelles entre fournisseurs et distributeurs pour rétablir un équilibre des pouvoirs.
Encadrement légal des marges arrière : en définissant un plafond ou en imposant leur transparence fiscale ;
Mise en place d’un observatoire national des marges : pour suivre, produit par produit, l’évolution entre prix de production et prix final ;
Réduction du nombre d’intermédiaires : via une réorganisation logistique, le développement des circuits courts et des centrales d’achat collectives ;
Modernisation du commerce traditionnel : pour lui permettre de négocier collectivement, s’informatiser et intégrer la chaîne de valeur formelle ;
Harmonisation des pratiques contractuelles entre fournisseurs et distributeurs pour rétablir un équilibre des pouvoirs.
Vers une réforme systémique de la distribution alimentaire
Ce n’est pas un simple ajustement de marges qui est nécessaire, mais une refonte profonde du modèle de distribution. L’inflation alimentaire ne pourra être jugulée qu’en rendant transparent et concurrentiel ce qui est aujourd’hui verrouillé et inéquitable.
Cela suppose une gouvernance claire, une législation ciblée, et une volonté politique forte de sortir d’un système hybride, où la modernité cohabite avec l’informel, sans réelle passerelle ni logique d’ensemble.
Cela suppose une gouvernance claire, une législation ciblée, et une volonté politique forte de sortir d’un système hybride, où la modernité cohabite avec l’informel, sans réelle passerelle ni logique d’ensemble.
À quand le prix juste pour le consommateur marocain ?
L’avis A/1/25 du Conseil de la Concurrence pose une question simple mais essentielle : pourquoi, au Maroc, paie-t-on si cher pour se nourrir ? La réponse n’est pas seulement dans les marchés mondiaux, mais dans nos propres circuits, dans les marges silencieuses, les pratiques commerciales opaques, et l'absence de transparence.
À l’heure où les Marocains s’inquiètent de la cherté de la vie, et où la sécurité alimentaire devient un enjeu stratégique, une réforme des circuits de distribution n’est plus un luxe, mais une urgence. Il ne s’agit pas seulement d’économie, mais de justice sociale.
À l’heure où les Marocains s’inquiètent de la cherté de la vie, et où la sécurité alimentaire devient un enjeu stratégique, une réforme des circuits de distribution n’est plus un luxe, mais une urgence. Il ne s’agit pas seulement d’économie, mais de justice sociale.












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