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De Sarajevo à Kiev : Quand l’Histoire bégaie-t-elle ?




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Par Adnane Benchakroun

On l’oublie souvent, mais la Première Guerre mondiale n’a pas éclaté par nécessité froide et calculée. Elle fut l’enfant d’un enchaînement de passions, d’orgueils nationaux et de logiques d’alliances automatiques. À l'inverse, la Seconde Guerre mondiale s’inscrivait, malgré son horreur, dans une dynamique stratégique, idéologique et presque industrielle.

Alors, quand certains analystes évoquent les similitudes entre la guerre d’Ukraine et les mécanismes de 1914, il ne s'agit pas d'un raccourci hasardeux. Et si la guerre d’aujourd’hui, comme celle d’hier, était avant tout une guerre d’emportements ?

​Un engrenage tragique d’alliances, d’ego et de postures

L’analyste en question, discret mais rigoureux, démontre qu’en 1914 comme en 2022, la guerre n’était pas une fatalité, mais le fruit d’un emballement collectif.

La Première Guerre mondiale commence avec l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand à Sarajevo. Ce n’est pas l’acte en lui-même qui déclenche le conflit mondial, mais la réaction en chaîne : l’Autriche-Hongrie veut en finir avec la Serbie, la Russie vole à son secours, l’Allemagne soutient Vienne, la France est liée à Moscou… En quelques semaines, l’Europe bascule.

En Ukraine, ce ne sont ni les ressources, ni la démographie, ni même une urgence militaire qui expliquent l’offensive russe de février 2022. Mais plutôt une volonté de revanche historique, de contrôle symbolique, et de contestation d’un ordre mondial perçu comme injuste. Comme en 1914, les élites militaires et politiques se laissent happer par des récits nationaux, des récits d’honneur bafoué ou d’influence perdue. Le Donbass, tout comme la Bosnie, devient le théâtre d’une guerre qui dépasse de loin son propre territoire.

Les médias, les diplomaties et les opinions publiques suivent — ou plutôt subissent — cette logique d’embrasement. On s’enfonce dans la guerre sans plan de sortie, avec des certitudes qui deviennent vite des pièges.

​Une guerre qui n’est pas sans causes rationnelles

Mais faut-il pour autant faire de la guerre d’Ukraine une pure répétition de 1914 ? L’analogie, séduisante, oublie plusieurs éléments.

La Seconde Guerre mondiale avait une origine idéologique claire : l’expansionnisme nazi, la revanche post-Versailles, la destruction volontaire des démocraties. L’Ukraine, quant à elle, cristallise les tensions d’un monde post-soviétique mal digéré, d’une Otan élargie, et d’un sentiment d’encerclement ressenti par la Russie. Ce sont là des éléments bien plus géopolitiques que simplement passionnels.

D’un autre côté, si 1914 fut déclenchée sans véritable volonté populaire ou débat national, la guerre d’Ukraine survient dans un contexte où les opinions sont mobilisées, où les États utilisent activement la guerre de l’information, et où chaque acteur a ses propres rationalités — contestables certes, mais structurées.

Enfin, à la différence de 1914, le monde est aujourd’hui globalisé, connecté, nucléaire : les calculs sont peut-être fous, mais ils restent encadrés par une conscience accrue des risques. L’erreur reste possible, mais la guerre totale est désormais évitée — du moins jusqu’à nouvel ordre.

​Une guerre de notre temps, hantée par les fantômes du passé

Il est tentant de dire que l’histoire bégaie. Et dans le cas de la guerre d’Ukraine, la tentation est forte d’y voir une répétition tragique du basculement de 1914. Mais au-delà des apparences, les contextes diffèrent. La comparaison a du sens pour alerter, pas pour réduire. Si l’Europe de 1914 s’est suicidée, celle de 2022 se fragilise sous le poids d’une guerre qu’elle n’a pas voulu, mais qu’elle n’a pas su éviter.

Et si la guerre d’Ukraine n’était ni passionnelle, ni irrationnelle ?

Peut-être que nous aimons trop les analogies historiques. Peut-être que voir dans la guerre d’Ukraine une "seconde Sarajevo" rassure notre esprit critique, sans vraiment éclairer les responsabilités. Car au fond, cette guerre est aussi le fruit d'une stratégie assumée par le Kremlin, nourrie de rapports de force, de lectures militaires, de reconstructions du passé à des fins présentes. L’irrationnel n’est peut-être qu’une façade : les empires modernes, eux, savent fort bien ce qu’ils font.



Lundi 26 Mai 2025


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