L'ère "Open Sea" : libéralisation et déséquilibres structurels
La circulaire ministérielle de 2006, surnommée "Open Sea", a constitué un tournant radical dans l'approche marocaine du transport maritime. Cette décision politique, s'inscrivant dans un mouvement global de libéralisation économique caractéristique de cette période, a supprimé l'ensemble des restrictions quantitatives qui encadraient jusqu'alors l'accès aux lignes régulières desservant le Maroc. Cette déréglementation quasi-totale visait des objectifs explicites : stimuler la concurrence, réduire les coûts logistiques pour les opérateurs économiques nationaux, et surtout attirer les grandes alliances maritimes mondiales nécessaires au succès du projet Tanger Med alors en gestation.
La privatisation concomitante de la Compagnie Marocaine de Navigation (COMANAV) en 2007, cédée au groupe français CMA-CGM, s'inscrivait dans cette même logique de désengagement de l'État des activités opérationnelles maritimes. Le cadre institutionnel ainsi défini répondait aux canons du libéralisme économique : l'État se recentrait sur ses fonctions régaliennes et infrastructurelles, laissant les forces du marché optimiser l'allocation des ressources dans le segment opérationnel.
Sur le plan portuaire, cette stratégie a incontestablement porté ses fruits. Tanger Med, inauguré en 2007 (phase 1), s'est imposé comme un hub de transbordement majeur, culminant aujourd'hui à plus de 10 millions d'EVP annuels, plaçant le Maroc en position dominante sur la façade africaine de la Méditerranée. L'indice de connectivité maritime de la CNUCED (LSCI) témoigne de cette réussite remarquable : le royaume occupe désormais le 19ème rang mondial, performance exceptionnelle pour une économie émergente. Cette intégration aux réseaux logistiques mondiaux a indubitablement soutenu l'industrialisation et l'ouverture commerciale du pays.
Cependant, la médaille comporte un revers significatif. La libéralisation sans garde-fous a précipité l'effondrement du pavillon marocain, incapable de soutenir la concurrence internationale dans un environnement totalement ouvert. Les armateurs nationaux, confrontés à des conditions fiscales et sociales moins avantageuses que leurs concurrents internationaux, ont progressivement abandonné le marché ou dépavillonné leurs navires. Le phénomène de "flagging out" s'est généralisé, jusqu'à reléguer le pavillon marocain à une présence symbolique : moins de 2% du commerce extérieur marocain transite aujourd'hui sous pavillon national, une situation antagoniste avec les ambitions industrielles et commerciales marocaines.
Cette situation engendre des conséquences économiques concrètes. Le déficit chronique du poste "Transports Maritimes" de la balance des paiements—atteignant 21 milliards de dirhams en 2022, légèrement réduit à 18,5 milliards en 2023 avec la normalisation relative des taux de fret post-pandémie, avant de remonter à 19,8 milliards en 2024—illustre la fuite massive de valeur ajoutée vers l'étranger. Chaque conteneur importé ou exporté représente des devises versées à des armateurs étrangers, grevant d'autant les réserves nationales.
Au-delà de l'aspect purement comptable, cette dépendance quasi-totale envers les opérateurs internationaux soulève des questions stratégiques fondamentales. La crise pandémique de 2020-2022, avec ses ruptures d'approvisionnement et l'explosion des taux de fret, a brutalement rappelé la vulnérabilité d'un modèle entièrement dépendant de capacités de transport externes. L'absence de capacité nationale de transport maritime constitue, de facto, un talon d'Achille dans l'architecture économique marocaine.
La circulaire ministérielle de 2006, surnommée "Open Sea", a constitué un tournant radical dans l'approche marocaine du transport maritime. Cette décision politique, s'inscrivant dans un mouvement global de libéralisation économique caractéristique de cette période, a supprimé l'ensemble des restrictions quantitatives qui encadraient jusqu'alors l'accès aux lignes régulières desservant le Maroc. Cette déréglementation quasi-totale visait des objectifs explicites : stimuler la concurrence, réduire les coûts logistiques pour les opérateurs économiques nationaux, et surtout attirer les grandes alliances maritimes mondiales nécessaires au succès du projet Tanger Med alors en gestation.
La privatisation concomitante de la Compagnie Marocaine de Navigation (COMANAV) en 2007, cédée au groupe français CMA-CGM, s'inscrivait dans cette même logique de désengagement de l'État des activités opérationnelles maritimes. Le cadre institutionnel ainsi défini répondait aux canons du libéralisme économique : l'État se recentrait sur ses fonctions régaliennes et infrastructurelles, laissant les forces du marché optimiser l'allocation des ressources dans le segment opérationnel.
Sur le plan portuaire, cette stratégie a incontestablement porté ses fruits. Tanger Med, inauguré en 2007 (phase 1), s'est imposé comme un hub de transbordement majeur, culminant aujourd'hui à plus de 10 millions d'EVP annuels, plaçant le Maroc en position dominante sur la façade africaine de la Méditerranée. L'indice de connectivité maritime de la CNUCED (LSCI) témoigne de cette réussite remarquable : le royaume occupe désormais le 19ème rang mondial, performance exceptionnelle pour une économie émergente. Cette intégration aux réseaux logistiques mondiaux a indubitablement soutenu l'industrialisation et l'ouverture commerciale du pays.
Cependant, la médaille comporte un revers significatif. La libéralisation sans garde-fous a précipité l'effondrement du pavillon marocain, incapable de soutenir la concurrence internationale dans un environnement totalement ouvert. Les armateurs nationaux, confrontés à des conditions fiscales et sociales moins avantageuses que leurs concurrents internationaux, ont progressivement abandonné le marché ou dépavillonné leurs navires. Le phénomène de "flagging out" s'est généralisé, jusqu'à reléguer le pavillon marocain à une présence symbolique : moins de 2% du commerce extérieur marocain transite aujourd'hui sous pavillon national, une situation antagoniste avec les ambitions industrielles et commerciales marocaines.
Cette situation engendre des conséquences économiques concrètes. Le déficit chronique du poste "Transports Maritimes" de la balance des paiements—atteignant 21 milliards de dirhams en 2022, légèrement réduit à 18,5 milliards en 2023 avec la normalisation relative des taux de fret post-pandémie, avant de remonter à 19,8 milliards en 2024—illustre la fuite massive de valeur ajoutée vers l'étranger. Chaque conteneur importé ou exporté représente des devises versées à des armateurs étrangers, grevant d'autant les réserves nationales.
Au-delà de l'aspect purement comptable, cette dépendance quasi-totale envers les opérateurs internationaux soulève des questions stratégiques fondamentales. La crise pandémique de 2020-2022, avec ses ruptures d'approvisionnement et l'explosion des taux de fret, a brutalement rappelé la vulnérabilité d'un modèle entièrement dépendant de capacités de transport externes. L'absence de capacité nationale de transport maritime constitue, de facto, un talon d'Achille dans l'architecture économique marocaine.
Les prémices d'une réorientation stratégique
Face à ces vulnérabilités révélées par les crises successives, une prise de conscience progressive semble s'opérer dans les cercles décisionnels marocains. La souveraineté économique—concept longtemps éclipsé par le paradigme de la compétitivité et de l'ouverture—regagne une place centrale dans la réflexion stratégique nationale. Le Nouveau Modèle de Développement (NMD) présenté en 2021 a explicitement souligné l'importance de renforcer les capacités nationales dans les secteurs considérés comme stratégiques, parmi lesquels le transport maritime figure en bonne place.
Cette évolution paradigmatique se manifeste à travers plusieurs initiatives et orientations encore parcellaires mais significatives. Dans le domaine de la construction navale, le développement des capacités nationales devient une priorité affichée, notamment à travers la collaboration avec le groupe néerlandais Damen à Casablanca et l'émergence de projets liés à la stratégie halieutique nationale. Les futures installations portuaires de Dakhla, avec leur composante industrielle navale, s'inscrivent également dans cette vision intégrée.
La question d'un Registre International Marocain (communément appelé registre "bis") revient régulièrement dans les discussions sectorielles. Ce mécanisme, largement adopté par des puissances maritimes comme la France (RIF), l'Allemagne (GIS) ou le Portugal (MAR), permettrait de créer un cadre juridique, fiscal et social adapté aux spécificités de la navigation internationale, tout en maintenant un lien substantiel avec l'économie nationale. L'introduction d'une taxation au tonnage (tonnage tax), en lieu et place de l'imposition sur les bénéfices, constituerait notamment une innovation majeure susceptible de revitaliser l'attractivité du pavillon marocain.
Le cabotage maritime et le short-sea shipping émergent également comme des segments potentiellement prioritaires dans cette reconfiguration. La rationalisation des flux logistiques nationaux, notamment à travers le développement d'autoroutes de la mer entre les différentes régions du royaume, pourrait offrir un espace protégé pour la renaissance d'une flotte sous pavillon national. Plusieurs pays, y compris au sein de l'Union européenne pourtant championne de la libéralisation, maintiennent des dispositifs de réservation du cabotage aux navires nationaux ou communautaires.
La stratégie portuaire nationale, matérialisée par les investissements massifs dans les complexes de Nador West Med et Dakhla Atlantique, témoigne également d'une volonté étatique de conserver la maîtrise des infrastructures critiques, même si leur exploitation est souvent concédée à des opérateurs privés. Cette approche mixte—investissement public dans les infrastructures, exploitation privée encadrée—pourrait préfigurer un nouveau modèle de gouvernance sectorielle.
Le rôle des opérateurs économiques publics stratégiques mérite également attention. L'Office Chérifien des Phosphates (OCP), deuxième exportateur national et acteur central de la politique industrielle marocaine, se trouve structurellement dépendant du transport maritime pour ses approvisionnements et ses exportations. Sa vulnérabilité aux fluctuations des taux de fret et aux aléas logistiques internationaux pourrait justifier une implication plus directe dans la sécurisation de ses chaînes d'approvisionnement, potentiellement à travers des participations dans des structures armatoriales sous pavillon national.
Face à ces vulnérabilités révélées par les crises successives, une prise de conscience progressive semble s'opérer dans les cercles décisionnels marocains. La souveraineté économique—concept longtemps éclipsé par le paradigme de la compétitivité et de l'ouverture—regagne une place centrale dans la réflexion stratégique nationale. Le Nouveau Modèle de Développement (NMD) présenté en 2021 a explicitement souligné l'importance de renforcer les capacités nationales dans les secteurs considérés comme stratégiques, parmi lesquels le transport maritime figure en bonne place.
Cette évolution paradigmatique se manifeste à travers plusieurs initiatives et orientations encore parcellaires mais significatives. Dans le domaine de la construction navale, le développement des capacités nationales devient une priorité affichée, notamment à travers la collaboration avec le groupe néerlandais Damen à Casablanca et l'émergence de projets liés à la stratégie halieutique nationale. Les futures installations portuaires de Dakhla, avec leur composante industrielle navale, s'inscrivent également dans cette vision intégrée.
La question d'un Registre International Marocain (communément appelé registre "bis") revient régulièrement dans les discussions sectorielles. Ce mécanisme, largement adopté par des puissances maritimes comme la France (RIF), l'Allemagne (GIS) ou le Portugal (MAR), permettrait de créer un cadre juridique, fiscal et social adapté aux spécificités de la navigation internationale, tout en maintenant un lien substantiel avec l'économie nationale. L'introduction d'une taxation au tonnage (tonnage tax), en lieu et place de l'imposition sur les bénéfices, constituerait notamment une innovation majeure susceptible de revitaliser l'attractivité du pavillon marocain.
Le cabotage maritime et le short-sea shipping émergent également comme des segments potentiellement prioritaires dans cette reconfiguration. La rationalisation des flux logistiques nationaux, notamment à travers le développement d'autoroutes de la mer entre les différentes régions du royaume, pourrait offrir un espace protégé pour la renaissance d'une flotte sous pavillon national. Plusieurs pays, y compris au sein de l'Union européenne pourtant championne de la libéralisation, maintiennent des dispositifs de réservation du cabotage aux navires nationaux ou communautaires.
La stratégie portuaire nationale, matérialisée par les investissements massifs dans les complexes de Nador West Med et Dakhla Atlantique, témoigne également d'une volonté étatique de conserver la maîtrise des infrastructures critiques, même si leur exploitation est souvent concédée à des opérateurs privés. Cette approche mixte—investissement public dans les infrastructures, exploitation privée encadrée—pourrait préfigurer un nouveau modèle de gouvernance sectorielle.
Le rôle des opérateurs économiques publics stratégiques mérite également attention. L'Office Chérifien des Phosphates (OCP), deuxième exportateur national et acteur central de la politique industrielle marocaine, se trouve structurellement dépendant du transport maritime pour ses approvisionnements et ses exportations. Sa vulnérabilité aux fluctuations des taux de fret et aux aléas logistiques internationaux pourrait justifier une implication plus directe dans la sécurisation de ses chaînes d'approvisionnement, potentiellement à travers des participations dans des structures armatoriales sous pavillon national.
Vers une régulation "intelligente" : outils et perspectives
L'enjeu central pour le Maroc ne réside pas dans un hypothétique retour à un protectionnisme anachronique, mais dans la définition d'un cadre réglementaire "intelligent" réconciliant ouverture internationale et souveraineté stratégique. L'arsenal d'instruments potentiellement mobilisables est vaste et complexe.
Le Registre International Marocain, évoqué précédemment, constituerait la pierre angulaire de ce dispositif rénové. Son architecture juridique devrait concilier attractivité internationale et intérêts nationaux : fiscalité compétitive (taxe au tonnage), flexibilité encadrée sur la composition des équipages, tout en maintenant un lien économique substantiel avec le territoire national (siège social, gestion stratégique, formation maritime). Les expériences européennes, notamment française et portugaise, offrent des modèles intéressants d'équilibre entre ces impératifs parfois contradictoires.
La réglementation du cabotage représente un second levier réglementaire significatif. À l'instar du Jones Act américain ou des dispositions européennes sur le cabotage communautaire, le Maroc pourrait légitimement réserver le transport entre ses ports aux navires battant pavillon national (principal ou bis). Cette disposition, compatible avec les engagements internationaux du royaume dès lors qu'elle s'applique uniquement au trafic domestique, créerait un marché "protégé" susceptible de soutenir la renaissance d'une flotte nationale.
Des mécanismes incitatifs ciblés pourraient compléter ce dispositif : aides fiscales à l'investissement naval (sous condition de pavillon marocain), soutien renforcé à la formation maritime, ou encore dispositifs de garantie publique pour les financements navals. Ces instruments, largement utilisés par les puissances maritimes établies, permettraient d'accélérer la reconstitution d'une capacité nationale sans recourir à des subventions directes problématiques au regard des règles commerciales internationales.
L'articulation avec une politique industrielle navale constitue également un axe prometteur. Le développement simultané de capacités de construction et de réparation navales créerait des synergies précieuses avec la renaissance d'une flotte nationale. Des mécanismes de contenu local, soigneusement calibrés pour respecter les engagements internationaux du royaume, pourraient renforcer cette circularité vertueuse entre industrie et services maritimes.
Enfin, une régulation axée sur la qualité et la durabilité offrirait une approche alternative et complémentaire. Le renforcement des exigences environnementales et sociales appliquées à tous les navires fréquentant les eaux et ports marocains, à travers une mise en œuvre rigoureuse des conventions internationales (OMI, OIT), créerait un "terrain de jeu équitable" favorable aux opérateurs de qualité. Cette approche par les standards éviterait l'écueil du protectionnisme tout en valorisant les opérateurs respectueux des normes sociales et environnementales.
La convergence de ces instruments permettrait d'atteindre progressivement des objectifs stratégiques multiples : reconstitution d'une flotte nationale ciblée sur les segments les plus critiques, réduction de la dépendance extérieure, captation accrue de valeur ajoutée, création d'emplois qualifiés, sécurisation des approvisionnements stratégiques et renforcement global de la souveraineté nationale.
L'enjeu central pour le Maroc ne réside pas dans un hypothétique retour à un protectionnisme anachronique, mais dans la définition d'un cadre réglementaire "intelligent" réconciliant ouverture internationale et souveraineté stratégique. L'arsenal d'instruments potentiellement mobilisables est vaste et complexe.
Le Registre International Marocain, évoqué précédemment, constituerait la pierre angulaire de ce dispositif rénové. Son architecture juridique devrait concilier attractivité internationale et intérêts nationaux : fiscalité compétitive (taxe au tonnage), flexibilité encadrée sur la composition des équipages, tout en maintenant un lien économique substantiel avec le territoire national (siège social, gestion stratégique, formation maritime). Les expériences européennes, notamment française et portugaise, offrent des modèles intéressants d'équilibre entre ces impératifs parfois contradictoires.
La réglementation du cabotage représente un second levier réglementaire significatif. À l'instar du Jones Act américain ou des dispositions européennes sur le cabotage communautaire, le Maroc pourrait légitimement réserver le transport entre ses ports aux navires battant pavillon national (principal ou bis). Cette disposition, compatible avec les engagements internationaux du royaume dès lors qu'elle s'applique uniquement au trafic domestique, créerait un marché "protégé" susceptible de soutenir la renaissance d'une flotte nationale.
Des mécanismes incitatifs ciblés pourraient compléter ce dispositif : aides fiscales à l'investissement naval (sous condition de pavillon marocain), soutien renforcé à la formation maritime, ou encore dispositifs de garantie publique pour les financements navals. Ces instruments, largement utilisés par les puissances maritimes établies, permettraient d'accélérer la reconstitution d'une capacité nationale sans recourir à des subventions directes problématiques au regard des règles commerciales internationales.
L'articulation avec une politique industrielle navale constitue également un axe prometteur. Le développement simultané de capacités de construction et de réparation navales créerait des synergies précieuses avec la renaissance d'une flotte nationale. Des mécanismes de contenu local, soigneusement calibrés pour respecter les engagements internationaux du royaume, pourraient renforcer cette circularité vertueuse entre industrie et services maritimes.
Enfin, une régulation axée sur la qualité et la durabilité offrirait une approche alternative et complémentaire. Le renforcement des exigences environnementales et sociales appliquées à tous les navires fréquentant les eaux et ports marocains, à travers une mise en œuvre rigoureuse des conventions internationales (OMI, OIT), créerait un "terrain de jeu équitable" favorable aux opérateurs de qualité. Cette approche par les standards éviterait l'écueil du protectionnisme tout en valorisant les opérateurs respectueux des normes sociales et environnementales.
La convergence de ces instruments permettrait d'atteindre progressivement des objectifs stratégiques multiples : reconstitution d'une flotte nationale ciblée sur les segments les plus critiques, réduction de la dépendance extérieure, captation accrue de valeur ajoutée, création d'emplois qualifiés, sécurisation des approvisionnements stratégiques et renforcement global de la souveraineté nationale.
L'équilibre délicat : préserver les acquis tout en réorientant le modèle
La principale difficulté d'une telle réorientation stratégique réside dans la préservation des acquis remarquables de la phase d'ouverture. Tanger Med et l'écosystème logistique développé autour de ce hub constituent désormais des atouts majeurs de l'économie marocaine, dont l'attractivité repose en partie sur la liberté d'accès aux infrastructures et sur la fluidité opérationnelle. Toute forme de "reprise en main" perçue comme protectionniste risquerait de compromettre la position concurrentielle du royaume dans les flux logistiques mondiaux.
L'équilibre recherché doit donc être subtil, probablement différencié selon les segments maritimes concernés. Les activités de transbordement pur pourraient demeurer entièrement libéralisées, tandis que des mécanismes de préférences nationaux pourraient s'appliquer au cabotage ou à certains flux stratégiques. La reconfiguration réglementaire devra également s'opérer dans le strict respect des engagements internationaux du Maroc, notamment vis-à-vis de l'OMC et des accords commerciaux avec l'Union européenne.
Par ailleurs, l'objectif ne saurait être la reconstitution artificielle d'une flotte subventionnée et inefficiente. La compétitivité structurelle des opérateurs marocains doit demeurer l'horizon fondamental, le rôle de l'État se limitant à créer un environnement réglementaire équitable et à corriger les défaillances de marché. Le ciblage de segments spécifiques—vracs stratégiques, dessertes régionales, niches spécialisées—permettrait d'optimiser l'allocation des ressources tout en maximisant l'impact en termes de souveraineté économique.
La dimension temporelle de cette transition mérite également attention. La reconstitution d'une capacité maritime nationale significative ne pourra s'opérer que sur un horizon décennal, nécessitant une vision stratégique de long terme transcendant les cycles politiques traditionnels. L'établissement d'objectifs intermédiaires réalistes et la mise en place de mécanismes d'évaluation régulière permettraient de maintenir le cap tout en ajustant les instruments au fur et à mesure des résultats observés.
La principale difficulté d'une telle réorientation stratégique réside dans la préservation des acquis remarquables de la phase d'ouverture. Tanger Med et l'écosystème logistique développé autour de ce hub constituent désormais des atouts majeurs de l'économie marocaine, dont l'attractivité repose en partie sur la liberté d'accès aux infrastructures et sur la fluidité opérationnelle. Toute forme de "reprise en main" perçue comme protectionniste risquerait de compromettre la position concurrentielle du royaume dans les flux logistiques mondiaux.
L'équilibre recherché doit donc être subtil, probablement différencié selon les segments maritimes concernés. Les activités de transbordement pur pourraient demeurer entièrement libéralisées, tandis que des mécanismes de préférences nationaux pourraient s'appliquer au cabotage ou à certains flux stratégiques. La reconfiguration réglementaire devra également s'opérer dans le strict respect des engagements internationaux du Maroc, notamment vis-à-vis de l'OMC et des accords commerciaux avec l'Union européenne.
Par ailleurs, l'objectif ne saurait être la reconstitution artificielle d'une flotte subventionnée et inefficiente. La compétitivité structurelle des opérateurs marocains doit demeurer l'horizon fondamental, le rôle de l'État se limitant à créer un environnement réglementaire équitable et à corriger les défaillances de marché. Le ciblage de segments spécifiques—vracs stratégiques, dessertes régionales, niches spécialisées—permettrait d'optimiser l'allocation des ressources tout en maximisant l'impact en termes de souveraineté économique.
La dimension temporelle de cette transition mérite également attention. La reconstitution d'une capacité maritime nationale significative ne pourra s'opérer que sur un horizon décennal, nécessitant une vision stratégique de long terme transcendant les cycles politiques traditionnels. L'établissement d'objectifs intermédiaires réalistes et la mise en place de mécanismes d'évaluation régulière permettraient de maintenir le cap tout en ajustant les instruments au fur et à mesure des résultats observés.
Conclusion
Le Maroc se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins en matière de gouvernance maritime. La libéralisation initiée par la circulaire "Open Sea" a indéniablement produit des résultats spectaculaires en termes d'intégration aux réseaux logistiques mondiaux et de développement portuaire. Cependant, l'effondrement concomitant du pavillon national a créé des vulnérabilités structurelles que les crises récentes ont brutalement exposées.
La "reprise en main" qui semble se dessiner ne constitue pas un retour en arrière, mais plutôt la recherche d'un nouveau paradigme intégrant les impératifs de souveraineté économique sans sacrifier les bénéfices de l'ouverture internationale. La mise en place d'un registre bis compétitif, la régulation intelligente du cabotage et le développement d'une politique industrielle navale cohérente constitueraient les piliers d'une telle reconfiguration.
L'enjeu dépasse largement le cadre sectoriel : il s'agit, à travers cette question maritime, de définir une articulation optimale entre intégration aux chaînes de valeur mondiales et maîtrise des leviers stratégiques nationaux. Le modèle qui émergera de cette réflexion pourrait préfigurer une approche marocaine distinctive de la mondialisation—ni repli protectionniste, ni abandon aux seules forces du marché, mais recherche permanente d'un équilibre dynamique entre ouverture et souveraineté.
Le Maroc se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins en matière de gouvernance maritime. La libéralisation initiée par la circulaire "Open Sea" a indéniablement produit des résultats spectaculaires en termes d'intégration aux réseaux logistiques mondiaux et de développement portuaire. Cependant, l'effondrement concomitant du pavillon national a créé des vulnérabilités structurelles que les crises récentes ont brutalement exposées.
La "reprise en main" qui semble se dessiner ne constitue pas un retour en arrière, mais plutôt la recherche d'un nouveau paradigme intégrant les impératifs de souveraineté économique sans sacrifier les bénéfices de l'ouverture internationale. La mise en place d'un registre bis compétitif, la régulation intelligente du cabotage et le développement d'une politique industrielle navale cohérente constitueraient les piliers d'une telle reconfiguration.
L'enjeu dépasse largement le cadre sectoriel : il s'agit, à travers cette question maritime, de définir une articulation optimale entre intégration aux chaînes de valeur mondiales et maîtrise des leviers stratégiques nationaux. Le modèle qui émergera de cette réflexion pourrait préfigurer une approche marocaine distinctive de la mondialisation—ni repli protectionniste, ni abandon aux seules forces du marché, mais recherche permanente d'un équilibre dynamique entre ouverture et souveraineté.












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