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Délais de paiement : les TPE toujours à découvert malgré les efforts législatifs


Rédigé par La rédaction le Lundi 28 Juillet 2025

Un an après l’entrée en vigueur de la loi 69-21, les délais de paiement dans le secteur privé marocain montrent des signes d’amélioration. Mais derrière les moyennes rassurantes, de fortes disparités subsistent, notamment au détriment des très petites entreprises, devenues les banquiers involontaires de l’économie nationale.



​Un cadre législatif enfin appliqué… sur le papier

Depuis juillet 2023, le Maroc dispose enfin d’un outil légal pour encadrer les délais de paiement interentreprises, une avancée longtemps attendue. La loi 69-21 fixe un délai réglementaire de 60 jours entre la réception de la facture et le règlement effectif. À première vue, les premiers bilans sont encourageants.

D’après l’Observatoire des délais de paiement (ODP), les délais clients se sont établis à 125 jours du chiffre d’affaires en 2023, contre bien davantage les années précédentes. Du côté des fournisseurs, on observe également une baisse, les paiements intervenant en moyenne à 85 jours. Et surtout, 68 % des entreprises déclarent désormais respecter les délais légaux.

Mais ces chiffres globaux cachent une réalité plus contrastée. S’ils traduisent une amélioration indéniable chez les Petites et Moyennes Entreprises (PME) et les grandes entreprises (GE), les très petites entreprises (TPE) continuent de subir de plein fouet des pratiques déséquilibrées.

​Les TPE, ces invisibles qui financent les autres

La situation des TPE est emblématique de ces inégalités. En 2023, elles ont dû attendre en moyenne 130 jours pour être payées par leurs clients, tout en s’acquittant de leurs dettes fournisseurs au bout de 83 jours. Autrement dit, elles paient avant d’être payées. Elles avancent la trésorerie pour des partenaires plus puissants, parfois mieux structurés et moins vulnérables.

Cette situation ne relève pas seulement de la brutalité des rapports économiques, elle traduit un déséquilibre systémique. Ces TPE, souvent en bout de chaîne, n’ont ni le poids contractuel, ni les moyens juridiques pour faire valoir leurs droits. En acceptant des conditions défavorables, elles assurent leur survie à court terme, au prix d’un étouffement à long terme.

On est ici face à une contradiction structurelle : celles qui génèrent le plus d’emplois et irriguent le tissu économique de proximité sont aussi celles qui assument, par défaut, le rôle de créancières permanentes. C’est un cercle vicieux où le crédit interentreprises devient un poison lent.

​Un crédit interentreprises toujours pesant

Certes, la loi a permis de réduire le crédit interentreprises, passé de 373 milliards de dirhams (MMDH) en 2021 à 315 MMDH en 2023. Mais ce chiffre reste massif. Pire : 35 % de ce montant est constitué de retards de plus de 90 jours, ce qui signifie des situations de blocage durable pour de nombreuses structures.

Ce n’est plus simplement un enjeu de régulation financière. C’est un problème de compétitivité nationale. Des milliers d’entrepreneurs gaspillent leur énergie à courir après leur dû au lieu d’innover, d’investir ou de former leurs équipes. Le temps de l’entrepreneur marocain devient une monnaie dilapidée dans l’attente d’un virement.

​Une réforme encore incomplète

Si la loi 69-21 est saluée pour sa progressivité (les seuils d’application varient selon le chiffre d’affaires), elle reste insuffisamment contraignante. À ce jour, les sanctions sont encore peu dissuasives. La publication des mauvais payeurs, initialement prévue comme levier de pression, reste timide.

De plus, la logique déclarative laisse place à de nombreuses contournements. Des entreprises optent pour des sous-traitances multiples ou fractionnent les paiements pour échapper à la réglementation. L’État lui-même, bien qu’exclu du périmètre de la loi, donne parfois le mauvais exemple par ses retards dans la commande publique.

​Les écarts sectoriels creusent l’inégalité

Tous les secteurs ne sont pas logés à la même enseigne. L’Observatoire relève que l’industrie, la construction et les services sont les plus touchés par les retards. Ces domaines, qui concentrent de nombreux sous-traitants et dépendances verticales, favorisent la concentration du pouvoir économique entre les mains de quelques acteurs dominants.

À l’inverse, les secteurs de l’hébergement et de la restauration affichent des délais plus courts, probablement en raison de la rapidité des cycles d’exploitation. Mais ce sont là des exceptions qui ne doivent pas masquer la norme.

Le défi est donc aussi sectoriel : il faut identifier les chaînes de valeur les plus fragilisantes et y rétablir un minimum d’équilibre contractuel.

​Et maintenant ? Repenser la culture du paiement au Maroc

Le vrai chantier est culturel. Au Maroc, payer en retard est encore trop souvent perçu comme un signe de puissance ou une simple routine commerciale. À l’inverse, réclamer son dû est vécu comme un acte de défiance. Cette mentalité doit évoluer.

Dans des pays où les délais sont strictement encadrés comme en Allemagne ou aux Pays-Bas, le paiement est une obligation morale aussi forte que légale. Il ne s’agit pas seulement de respecter la loi, mais de préserver la confiance. Et sans confiance, il n’y a pas d’écosystème entrepreneurial sain.

Il est temps que le Maroc assume une ambition claire : que chaque facture émise devienne une promesse tenue, et non une prière adressée à un client insaisissable.

Pour une réforme à double détente

À court terme, des mesures concrètes pourraient soulager les TPE comme la généralisation du dépôt électronique de factures avec horodatage, la création d’une cellule de médiation économique rapide pour les litiges de paiement, ainsi qu’une bonification d’intérêt pour les règlements anticipés dans les marchés publics.

À moyen terme, il convient de repenser la régulation autour d’une logique de confiance en instaurant des incitations fiscales pour les bons payeurs, des certifications éthiques dans les appels d’offres, et surtout en revalorisant la parole des TPE, car ce sont elles, en dernier ressort, qui maintiennent la vitalité de l’économie réelle. Tant qu’elles resteront les dernières payées, elles seront les premières en danger.

​La dernière chance des promesses de relance

Dans un contexte où l’État mise sur la relance, l’investissement privé et l’emploi productif, les délais de paiement ne sont pas un détail. Ils sont un test de cohérence.

L’efficacité d’une politique économique ne se mesure pas seulement à l’ampleur des financements, mais à la fluidité des circuits qui les font circuler. Et aujourd’hui, ces circuits restent partiellement bouchés.

Réduire les délais de paiement, ce n’est pas une simple réforme technique. C’est un choix politique : celui de libérer l’énergie de ceux qui n’ont pas le luxe d’attendre.

Il est peut-être temps que le Maroc invente une éthique du paiement. Pas par injonction morale, mais par nécessité stratégique. Dans un pays où chaque dirham immobilisé peut faire la différence entre croissance et faillite, la ponctualité financière est un acte de souveraineté économique.

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Lundi 28 Juillet 2025

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