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Dialogue social: la politique du... chèque!


La célébration de la Fête du Travail, ce 1er mai, s’est déroulée dans un climat marqué par des mesures gouvernementales de grande largesse. Pourtant, de nombreuses revendications restent encore en suspens. Le dialogue social peine à les appréhender et à les prendre véritablement en charge.



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Par Mustapha Sehimi

Assurément, le chef de l’exécutif a frappé un grand coup la semaine dernière en annonçant une augmentation massive des salaires des fonctionnaires. Dès le 1er juillet prochain, le salaire minimum net dans la fonction publique sera porté à 4.500 dirhams, soit une hausse de 50% en quatre ans. Cette mesure entraînera une charge budgétaire de 45,738 milliards de dirhams à l’horizon 2026. En conséquence, la rémunération mensuelle moyenne passera de 8.237 DH en 2021 à 10.100 DH en 2026.

À cela s’ajoute la réforme de l’impôt sur le revenu (IR), qui prévoit une baisse d’environ 400 DH, destinée à soutenir le pouvoir d’achat des classes moyennes. Le compte est-il bon? Rien n’est moins sûr. Selon les chiffres officiels, le taux d’inflation cumulé pour les années 2022, 2023 et 2024 atteint 20,40% (respectivement 6,64%, 10,10 % et 3,40%). Pour les produits alimentaires de première nécessité, cette inflation a même été supérieure à 20%.

Concernant le SMIG et le SMAG, rappelons que le salaire minimum interprofessionnel garanti a été fixé à 3.046,77 DH depuis janvier 2025, après une hausse de 5% (soit 145,09 DH). Une hausse équivalente est prévue en janvier 2026. Le SMAG, quant à lui, a été porté à 2.255 DH en avril 2025, avec une nouvelle augmentation de 5% prévue pour avril 2026. L’alignement sur le SMIG, constamment annoncé, reste un vœu pieux. Les syndicats, très mobilisés sur cette question, dénoncent une «fracture sociale» entre les catégories de salariés. Les accords sociaux du 30 avril 2022 prévoyaient pourtant un alignement d’ici 2028. Mais le gouvernement actuel semble manquer de volonté réelle pour atteindre cet objectif.

S’agissant des caisses de retraite, le dossier traîne depuis des années. En décembre dernier, la ministre de l’Économie et des Finances a annoncé son inscription à l’agenda gouvernemental du premier trimestre 2025. Les syndicats, à commencer par l’UMT, rejettent toute réforme paramétrique: non au relèvement de l’âge de départ à la retraite, à l’augmentation des taux de cotisation, et à la diminution des pensions. Ils exigent également la prise en compte de la pénibilité du travail pour certaines catégories, qui ne devraient pas être soumises au régime de droit commun.

La réforme du Code du travail de 2004 est également sur la table. Comment concilier productivité des entreprises, attractivité du climat d’affaires, et protection des droits des salariés? La CGEM plaide pour une flexibilité accrue du contrat de travail, notamment via les contrats à durée déterminée (CDD), et une plus grande souplesse en matière de licenciement. Une position rejetée par certains syndicats, qui y voient une dérive vers la précarisation de l’emploi.

Les syndicats vont plus loin en critiquant la gouvernance et la gestion déficiente de certains fonds de retraite. Ils proposent de réactiver le Comité national des régimes de retraite, composé de représentants du gouvernement, d’employeurs, de syndicats et des caisses de retraite.

Le cahier revendicatif comporte d’autres volets: retard dans la finalisation d’accords sectoriels (ingénieurs, agents des collectivités locales), ou encore sur les statuts spécifiques (inspecteurs du travail, etc.). En filigrane, une interrogation fondamentale: le cadre actuel du dialogue social est-il encore pertinent? Le rendez-vous semestriel (avril et septembre), censé être régulier, est souvent ignoré. L’UMT réclame une loi-cadre fixant un agenda contraignant. Elle demande aussi la création d’un Conseil national du dialogue social doté de véritables attributions. La CGEM, de son côté, formule des réserves, préférant une méthodologie plus pragmatique, par ajustements progressifs, pour ne pas entraver le fonctionnement des entreprises.

La question de l’emploi pèse lourdement sur le climat social. Avec 1.600.000 chômeurs, dont deux tiers sans diplôme, que faire ? Le programme Awrach et Awrach 2, lancé en 2022, visait la création de 250.000 emplois temporaires sur deux ans, puis d’un million d’emplois supplémentaires. A-t-on évalué son bilan à la fin 2024? Le programme Forsa, axé sur l’autoentrepreneuriat, n’a financé que 21.000 projets et créé 37.000 emplois. Aujourd’hui, une nouvelle stratégie prévoit la création de 1,45 million d’emplois d’ici 2030, pour ramener le taux de chômage à 9%. Une enveloppe de 15 milliards de dirhams est prévue pour financer des initiatives (insertion, financement, simplification administrative, emploi rural...).

Mais au-delà de ces mesures, d’autres revendications s’imposent, notamment sur les libertés syndicales. Il s’agit de protéger les représentants des travailleurs contre les licenciements abusifs, d’assurer la réintégration des salariés sanctionnés pour raisons syndicales, de mettre fin aux pressions sur l’action syndicale, dans le public comme dans le privé. La création d’un mécanisme centralisé de traitement des plaintes syndicales est également demandée. En cause : l’application insuffisante de la loi sur la négociation collective et celle encadrant les syndicats.

Autre pierre d’achoppement: l’article 288 du Code pénal, qui punit d’un à deux mois de prison toute personne incitant autrui à cesser de travailler. S’il vise à protéger la liberté du travail, dans la pratique, il est souvent utilisé pour criminaliser l’action syndicale. Plusieurs syndicalistes grévistes en ont fait les frais.

En définitive, cette «manne financière exceptionnelle» annoncée par le gouvernement semble surtout profiter aux fonctionnaires. De quoi alimenter les revendications des travailleurs du privé et relancer l’activisme syndical. La masse salariale publique atteindra 11% du PIB, sans réforme de l’administration ni modernisation des services publics. Un «cadeau» électoraliste à destination des classes moyennes salariées? La politique du chèque est-elle vraiment synonyme de bonne gouvernance? Un débat de fond qui ressurgira à coup sûr avec la préparation de la loi de finances pour... 2026, année électorale.

Par Mustapha Sehimi / fr.le360.ma/



Jeudi 1 Mai 2025

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