Jusqu’au XIXe siècle, les humains dormaient rarement d’un seul trait. Les archives historiques, les journaux intimes et même certaines prières anciennes mentionnent un “premier sommeil” suivi d’un “second sommeil”. Les gens se couchaient juste après la tombée de la nuit, dormaient quatre heures, se levaient une ou deux heures pour lire, prier, méditer, écrire ou discuter avant de se recoucher jusqu’à l’aube.

Ce rythme correspondait au cycle naturel de la lumière : sans électricité, la vie s’accordait avec le coucher du soleil. Le sommeil biphasique était alors la norme, et non l’exception. Mais l’arrivée de l’éclairage artificiel, puis des écrans et du travail nocturne, a uniformisé nos nuits. Nous sommes passés au sommeil “monophasique”, celui de huit heures consécutives… au prix, peut-être, d’un déséquilibre biologique.

Depuis quelques années, chercheurs et thérapeutes du sommeil remettent ce modèle en question. Des expériences menées par l’historien américain Roger Ekirch et le chronobiologiste Thomas Wehr ont montré que, laissés sans lumière artificielle, les participants retrouvent spontanément ce rythme biphasique : deux blocs de sommeil de 3 à 4 heures, séparés par une période calme de 1 à 2 heures au milieu de la nuit.

Pendant cette phase intermédiaire, l’organisme sécrète davantage de prolactine, une hormone favorisant la détente et l’introspection. Résultat : les personnes se sentent plus reposées, plus lucides et moins stressées.

“Le sommeil biphasique n’est pas un trouble du sommeil, c’est notre rythme ancestral naturel.” ; Dr. Thomas Wehr, National Institute of Mental Health (États-Unis).

Ce mode de sommeil, observé aussi dans certaines cultures méditerranéennes ou africaines où la sieste reste ancrée, pourrait expliquer pourquoi certaines personnes fonctionnent mieux en fractionnant leur repos : par exemple, une nuit plus courte complétée par une sieste de 30 à 60 minutes dans la journée.

Adopter un sommeil biphasique aujourd’hui ne veut pas dire vivre à la bougie. Mais on peut s’en inspirer pour retrouver un rythme plus respectueux de nos cycles naturels.

Quelques conseils :
  Certaines études suggèrent que ce modèle réduit le stress, améliore la mémoire et favorise la créativité. Notre cerveau, loin d’être paresseux, semble aimer ces moments calmes entre deux sommeils, propices à la réflexion et aux rêves lucides.

L’idée n’est pas de transformer tout le monde en dormeur biphasique, mais de rompre avec la culpabilité moderne du “mal dormir”. Nos rythmes de vie, nos gènes, nos obligations diffèrent. Certains dorment mieux en une fois, d’autres en deux.

Redonner une place à la flexibilité du sommeil, c’est accepter que notre corps n’est pas une machine, mais un organisme vivant, sensible aux saisons, à la lumière et à l’émotion. Dormir en deux temps, c’est peut-être simplement retrouver un peu de liberté biologique.