Avec le lancement de l’e-dirham par Bank Al-Maghrib (BAM), une question s’impose : cette monnaie numérique de banque centrale va-t-elle progressivement éliminer l’argent liquide du paysage économique marocain ? Si l’ambition est claire – réduire la dépendance au cash et moderniser le système de paiement – la transition vers un modèle sans espèces s’annonce semée d’embûches.

Au Maroc, l’argent liquide représente encore plus de 30 % du PIB et domine largement les transactions, en particulier dans le commerce informel. Pour de nombreux Marocains, le billet de banque est plus qu’un simple moyen de paiement : il incarne une certaine liberté financière, une facilité d’échange et une méfiance historique vis-à-vis des systèmes bancaires.

Les coûts liés à la gestion du cash sont pourtant considérables : impression des billets, transport sécurisé, risque de vol… À cela s’ajoute le manque de traçabilité, qui favorise l’économie informelle et limite l’efficacité de l’administration fiscale. L’e-dirham pourrait-il alors sonner le glas du cash ?

Contrairement aux cryptomonnaies décentralisées comme le Bitcoin, l’e-dirham est une monnaie régulée et adossée au dirham classique, ce qui garantit sa stabilité et son adoption progressive. L’objectif affiché par BAM est clair : faciliter les paiements digitaux, réduire l’économie informelle et renforcer l’inclusion financière.

L’implémentation de l’e-dirham passera par une adoption progressive, avec des phases de test pour garantir une transition fluide. L’enjeu principal réside dans l’acceptabilité de ce nouvel outil par la population. Si les jeunes urbains et les entreprises structurées s’adapteront rapidement, la situation est différente pour les commerçants de proximité et les habitants des zones rurales, où la culture du cash reste profondément ancrée.

L’idée d’une disparition totale du cash est utopique à court terme. La transition vers un système entièrement digitalisé nécessitera des efforts de sensibilisation massifs, des infrastructures adaptées et une confiance accrue du public envers les paiements numériques.

L’e-dirham pourra-t-il progressivement remplacer les espèces ? Probablement, mais pas du jour au lendemain. Le Maroc s’engage dans une évolution majeure, où le cash et le digital coexisteront encore plusieurs années avant qu’un véritable basculement ne s’opère.