Dans l'un de ses livres, Jacques Attali fait état de l'amertume du président Mitterrand à propos du chômage: "On a tout essayé... ".
Fatalité donc pas seulement dans l'hexagone ? Au Maroc, prévaut ce trait : des annonces euphoriques de création d'un million d'emplois durant la mandature 2021-2026!
Qu'en est- il ? Le tableau est passablement préoccupant. Le HCP - vigie des grands agrégats économiques - vient de publier son rapport de conjoncture étiré sur les douze mois écoulés (3 ème trimestre 2024 et 2025). Au cours de cette période, le solde net a été la création de 167.000 postes.
Un chiffre qui paraît traduire une reprise. Mais de fait, le tableau est plus contrasté. Ainsi, la localisation géographique montre que ces nouveaux emplois se situent surtout dans le monde urbain soit 164.000.
Il faut encore affiner et relever que c'est surtout l'emploi rémunéré qui progresse avec 220.000 emplois salariés (220.000) avec pratiquement en creux la perte de 54.000 emplois non rémunérés. Ce qui frappe ? C'est la précarisation de l'emploi qui augmente.
Des indicateurs en rouge
Tel n'est pas le cas en revanche de l'agriculture, forêt et pêche qui accuse une perte de 47.000 emplois, globalement 57.000 dans le milieu rural, et seulement quelque 10.000 postes dans les périphéries urbaines.
Il s'en suit que le chômage a diminué de 55.000 postes pour se situer désormais à un volume de 1.629 million, soit un taux national de 13,1 %. Une légère baisse de 0,7% dans le monde urbain avec cependant un chiffre de 16,3% et de 0,5 % dans le monde rural (7%).
En affinant par catégories socio- démographiques, les indicateurs sont préoccupants: plus de 38 % de chômage chez les jeunes (15-24 ans), près de 22 % chez les femmes et 10% chez les hommes.
Du côté des diplômés, le taux de chômage a légèrement baissé de 0,8 point pour se situer cependant à 19 %.
Le rapport du HCP précise qu'il s'inscrit en hausse pour les diplômes secondaires qualifiants et le supérieur à la différence des cadres moyens et des techniciens.
L'alarme du sous emploi
Une tendance qui se retrouve dans le sous-emploi horaire et dans l'aggravation de l'inadéquation formation -emploi.
Dans les BTP, un secteur pourtant en expansion, l'on recense 22 % de sous-emploi ; dans l'agriculture, le taux est de 13 %.
Globalement, toutes les catégories sont pratiquement touchées, les 35-44 ans (+2,2 %), les jeunes (+ 2) ainsi que les ruraux. Au plan national, le taux d'activité reste bas avec 43,3 %, plus encore chez les femmes avec 19 %.
L'approche régionale est intéressante à relever avec de fortes disparités. Le rapport note ainsi que cinq régions totalisent 72 % des actifs et 73 % des chômeurs :
Casablanca- Settat, respectivement 23 % et 26 %; les provinces du Sud (21 %); l'Oriental (21 %).
En revanche, deux autres régions enregistrent de meilleurs taux (Tanger- Tétouan Al Hoceima (8%), et Marrakech-Safi (8,7%).
L'emploi urbain et salarié est globalement en progrès mais la dynamique n'induit pas un réel progrès social bénéficiant au développement territorial : tant s'en faut.
Par ailleurs, l'économie informelle continue de dominer le paysage de l'emploi : elle contribue à précariser davantage les conditions de travail.
Outre qu'une grande partie des actifs occupés ne bénéficient d'aucune couverture sociale, l'écrasante majorité d'entre eux exerce dans des unités de production non structurées, souvent à très faible productivité.
L'informalité est particulièrement répandue dans le commerce de détail, l'artisanat, l'agriculture et certaines formes de services urbains.
Une réalité qui fragilise non seulement les travailleurs concernés, privés de stabilité et de droits fondamentaux, mais affaiblit également la base fiscale de l'État, freine l'investissement productif et alimente des mécanismes d'exclusion économique.
Des maux structurels. S’y s'ajoutent des fragilités conjoncturelles, telles que la sécheresse persistante.
Le secteur agricole, pourtant pourvoyeur d'environ 40% des emplois nationaux, subit de plein fouet les effets du changement climatique, accentuant la vulnérabilité de centaines de milliers de ménages ruraux.
Enfin, les mécanismes publics de régulation du marché du travail restent largement perfectibles.
Les dispositifs d'accompagnement à l'emploi (notamment ANAPEC) peinent à répondre aux attentes des chercheurs d'emploi, en raison d'une couverture géographique inégale, d'une faible coordination avec les entreprises locales et d'une efficacité limitée des programmes de formation en alternance ou d'insertion.
L'absence d'un pilotage intégré et territorialisé des politiques de l'emploi empêche une lecture fine des besoins sectoriels et des potentialités régionales.
Cela contribue à la persistance d'un désajustement entre les dynamiques économiques territoriales et l'offre de travail disponible.
Au total, le marché du travail traverse une période de fortes turbulences. Elle est marquée par une remontée significative du chômage, qui affecte particulièrement les jeunes, les diplômés et les femmes.
Des fractures qui montrent l'urgence d'une croissance soutenue et durable pour créer suffisamment d'emplois en phase avec les attentes des demandeurs d'emploi.
PAR MUSTAPHA SEHIMI/QUID.MA -












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