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Entre informel et formel : le grand malentendu du développement au Maroc


Rédigé par La Rédaction le Lundi 28 Avril 2025



Le débat sur le développement économique du Maroc fait souvent l’impasse sur une réalité incontournable : l’économie informelle est majoritaire. Selon les chiffres du rapport de la Banque mondiale d’avril 2025, 83 % des entreprises marocaines opéreraient en dehors du cadre formel, échappant aux filets réglementaires, fiscaux et statistiques de l’État. Une donnée vertigineuse qui bouscule les récits traditionnels sur la modernisation économique du pays.

Mais derrière ce chiffre, que savons-nous vraiment de l’informel ? Trop souvent, on le réduit à une économie de survie, un résidu archaïque à intégrer coûte que coûte dans les normes officielles. Or, la réalité est plus complexe. L’économie informelle au Maroc n’est ni un simple rebut du système ni un parasite du formel : elle en est l’un de ses piliers invisibles.

Les secteurs du commerce, de l’artisanat, du transport, des services domestiques ou encore de la construction fonctionnent largement sur des structures informelles. C’est 40 à 80 % de l’emploi total, dans un pays où la sécurité sociale ne couvre qu’une minorité de la population active. Loin d’être marginal, l’informel constitue le tissu économique du quotidien pour des millions de Marocains.

Le rapport de la Banque mondiale rappelle que cette informalité généralisée pèse sur la productivité, freine l’innovation et crée un climat d’incertitude défavorable à l’investissement. Mais il insiste aussi sur l’hétérogénéité du secteur informel. En Irak, par exemple, certaines entreprises informelles sont aussi productives que les formelles. Cette diversité existe aussi au Maroc, où des microentrepreneurs agiles côtoient des acteurs précaires, sans qu’aucune politique différenciée ne soit à ce jour mise en œuvre.

Pourquoi tant de Marocains choisissent-ils l’informel ? La réponse n’est pas seulement économique, elle est aussi administrative. Le coût de l’entrée dans le formel – en termes de démarches, de fiscalité, de régulation, voire de corruption – est perçu comme un obstacle insurmontable. Pour beaucoup, rester informel, c’est garder sa liberté, fuir la lourdeur bureaucratique et survivre à la marge du système.

Mais à quel prix ? Le secteur informel empêche toute montée en gamme : pas de formation structurée, pas d’accès au crédit, pas de protection sociale, pas de sécurité juridique. Le travail y est souvent instable, mal rémunéré, et les femmes y sont surreprésentées dans les tâches les plus précaires. En négligeant ce pan entier de l’économie, le Maroc se prive d’un potentiel d’amélioration massive du niveau de vie.

Le défi est donc double : mieux comprendre l’informel et construire des passerelles vers le formel. Cela suppose un changement de posture de la part de l’État : non plus traquer, mais accompagner. Des politiques incitatives, un accès simplifié à la protection sociale, une reconnaissance progressive des statuts hybrides (auto-entrepreneurs, coopératives, digitalisation) peuvent aider à transformer un mal nécessaire en un levier de croissance inclusif.

Plutôt que de chercher à faire disparaître l’informel, il serait peut-être plus judicieux de le rendre digne, en reconnaissant les savoir-faire, les réseaux et les stratégies d’adaptation qu’il recèle. La formalisation ne doit pas être une punition fiscale, mais un pacte gagnant-gagnant entre l’État et les citoyens.

​Et si cette volonté de "formaliser" l’informel relevait d’un fantasme technocratique ?

 Depuis des décennies, les bailleurs internationaux et les gouvernements répètent la même chanson : intégrer l’économie informelle pour booster la croissance. Mais intégrer dans quel système ? Avec quelles garanties ?

Le formel, au Maroc, n’est pas toujours un eldorado. Il rime souvent avec impôts mal redistribués, procédures kafkaïennes, et faible protection du salarié. Pourquoi un vendeur de rue ou un coiffeur de quartier irait-il se déclarer si cela lui coûte plus qu’il ne gagne ?

De plus, l’informel n’est pas forcément un choix négatif : il est parfois un acte de résistance économique. Il permet de s’organiser en dehors d’un État parfois défaillant, de contourner des marchés captés par les grandes enseignes, ou d’exister sans capital initial. Le forcer à disparaître, c’est aussi menacer l’écosystème de solidarité locale qu’il entretient.

Enfin, la formalisation n’est pas un acte administratif, c’est une question de confiance. Tant que les citoyens ne croiront pas que l’État agit pour eux, et non contre eux, aucune réforme ne suffira. Plutôt que de tenter de tout régulariser, peut-être faut-il apprendre à cohabiter intelligemment avec l’informel, en le sécurisant sans l’étouffer.

Article publié dans L'Eco Business du 27 Avril 2025






Lundi 28 Avril 2025

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