Mourir en paix : la dernière révolution française ?
Pour résumer sans jargon : il ne s’agit pas de promouvoir la mort, mais de redonner un peu de pouvoir à ceux qui l’attendent dans la douleur, la lenteur, le désespoir. On parle ici de maladies incurables, de phases terminales, de souffrances continues. Des cas extrêmes, dont le seul avenir est l’agonie. Pour ces patients, le législateur propose une ultime dignité : pouvoir dire « stop », et être entendu.
Mais la machine à polémiques est déjà en route.
Le choix, oui, mais lequel ?
On nous dit : ce sera un droit, pas une obligation. C’est rassurant sur le papier. Mais dans les faits ? La pression sociale, familiale, économique, pourrait s’infiltrer subrepticement. Un parent malade, une famille à bout de souffle, une chambre d’hôpital trop chère. Et si cette loi devenait un alibi discret pour pousser poliment vers la sortie ?
Bien sûr, l'encadrement est strict : affection grave, souffrance constante, lucidité du malade. Mais l'exclusion des troubles psychiatriques ou de la maladie d'Alzheimer pose question. Pourquoi leur refuser ce droit ? Trop instables ? Trop flous ? Ce sont pourtant eux qui vivent souvent dans des limbes d'angoisse, de confusion, de pertes irréversibles. Le choix de ne pas leur accorder cette aide ouvre un autre débat : qui juge de ce qui est digne de souffrir ou de choisir ?
Et si la société avait surtout peur de la mort ?
Ce qui dérange peut-être le plus, ce n’est pas la loi en elle-même, mais ce qu’elle révèle : notre immense malaise face à la finitude. Ce besoin de tout contrôler, même notre départ. Le fantasme d’une mort bien rangée, planifiée, presque propre. Comme si mourir devenait un projet. On ne veut plus subir la mort, on veut la designer.
Et là, il y a un vrai paradoxe : dans une époque qui sanctifie la vie à tout prix – greffes, réanimations, survies artificielles – on ouvre une porte vers le renoncement consenti. C’est un virage existentiel, presque philosophique : accepter que la vie n’est pas sacrée en toutes circonstances, et que la souffrance peut peser plus que le souffle.
Et chez nous, on en parle ?
Au Maroc, le sujet reste ultra-tabou. L’idée même de légaliser l’aide à mourir frôle le blasphème pour certains. On préfère parler d’espoir, de miséricorde divine, de patience. C’est noble, mais parfois cruel. De nombreux malades finissent leurs jours dans une douleur solitaire, sans accompagnement psychologique, sans soins palliatifs efficaces. On parle de dignité, mais on la laisse trop souvent s'effriter dans le silence.
La loi française, malgré ses imperfections, force à regarder la question en face. Non pas pour copier, mais pour réfléchir : avons-nous les moyens humains, médicaux, sociaux d’accompagner réellement la fin de vie ? Et surtout, avons-nous le courage de poser les bonnes questions avant qu’il ne soit trop tard ?












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