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Et si on parlait de cette mendicité observée dans les rues et espaces publics au Maroc


Rédigé par La Rédaction le Dimanche 24 Mars 2024

La mendicité dans les rues et espaces publics au Maroc, loin d'être un simple phénomène marginal, se révèle être une question sociale complexe et multidimensionnelle, reflétant les diverses réalités économiques, sociales et culturelles du pays. La prolifération de cette pratique interpelle autant les citoyens que les instances gouvernementales, et soulève de profondes interrogations sur les mécanismes de solidarité, les dispositifs de protection sociale, ainsi que les valeurs culturelles et religieuses intrinsèques à la société marocaine.



La mendicité au Maroc est intimement liée à la pauvreté, à la précarité et à la vulnérabilité des individus.

En 2023, le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) s'est penché sur cette problématique, mettant en exergue l'absence d'études approfondies sur le sujet, malgré la réalisation de quelques enquêtes nationales. Selon une enquête de 2007, environ 200.000 personnes se livraient à la mendicité, un chiffre probablement sous-estimé aujourd'hui compte tenu de la croissance démographique et des crises socio-économiques successives.

La mendicité au Maroc est perçue de manière ambivalente, tantôt comme un recours ultime face à la détresse économique, tantôt comme un fléau social portant atteinte à l'image du pays. Elle s'inscrit dans un contexte où la charité est culturellement valorisée, notamment sous l'influence des préceptes de l'islam qui encouragent l'aumône tout en désapprouvant la mendicité comme mode de vie.

Face à ce phénomène, les réponses des pouvoirs publics marocains se sont articulées autour de trois axes principaux : la prévention, la prise en charge sociale et une approche répressive. En matière de prévention, des programmes de lutte contre la pauvreté et la précarité ont été déployés, tels que le fonds d'appui à la protection sociale et à la cohésion sociale ou encore le fonds d’entraide familiale. Cependant, malgré ces efforts, l'impact reste limité face à l'ampleur du phénomène, mettant en évidence la nécessité d'une réforme globale du système de protection sociale.

La prise en charge sociale par les centres sociaux de l'Entraide nationale et par le plan d'action national pour lutter contre l'exploitation des enfants à des fins de mendicité témoigne d'une volonté d'adresser directement les besoins des personnes en situation de mendicité. Néanmoins, ces initiatives souffrent de limitations en termes de moyens et de couverture, ne permettant pas de répondre pleinement à la complexité et à la diversité des profils des personnes concernées.

Sur le plan répressif, la législation marocaine pénalise certaines formes de mendicité, en particulier lorsqu'elle est associée à des actes délictueux ou à l'exploitation d'enfants. Toutefois, cette approche est critiquée pour son efficacité limitée et ses possibles implications en termes de droits humains, dans un contexte international tendant vers une dépénalisation de la mendicité.

Dans sa quête d'une société cohésive exempte de mendicité, le Maroc est confronté à d'importants défis. Il est impératif d'adopter une approche holistique et inclusive, reconnaissant la mendicité non pas comme un simple délit, mais comme le symptôme d'inégalités profondes et de défaillances dans les filets de protection sociale. Il s'agit de renforcer la résilience socio-économique des ménages, d'assurer une prise en charge adaptée des personnes en situation de mendicité, et d'engager une réflexion profonde sur les valeurs de solidarité et de dignité humaine qui fondent la cohésion sociale.

Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental Pour une société cohésive exempte de mendicité

Le présent avis du CESE, élaboré dans le cadre d’une auto-saisine, intervient dans un contexte marqué par l’accroissement et la prégnance du phénomène de mendicité observée dans les rues et espaces publics au Maroc.

Des pistes d’action sont proposées dans le sens de contenir, voire de résorber ce phénomène en veillant, d’une part, à assurer une conciliation entre la mise en œuvre des principes de la Constitution en termes, des droits économiques et sociaux des personnes pratiquant la mendicité et, d’autre part, le respect de l’ordre et la sécurité publics. Cet avis, a été adopté à la majorité par l’Assemblée Générale du Conseil, tenue à Casablanca, le 26 octobre 2023.

Selon la dernière enquête nationale traitant de ce sujet, datant de 2007, le nombre de personnes se livrant à la mendicité était estimé à environ 200.000. L’absence d’études et de données actualisées sur la mendicité dans notre pays constitue une contrainte majeure dans l’élaboration d’une action publique en capacité de lutter efficacement contre ce phénomène.

La mendicité représente un phénomène social d’une grande complexité, découlant de l’exposition des personnes à une multiplicité de facteurs de risque, liés aux parcours individuels, et plus largement aux environnements socio-économiques ou culturels. Ces facteurs, souvent interdépendants, rendent les personnes vulnérables à des degrés divers, expliquant ainsi l’hétérogénéité des profils des mendiant(e)s. Il y a lieu de citer notamment, la pauvreté, les difficultés d’accès au marché du travail, le veuvage, particulièrement des femmes, le divorce, l’abandon familial, le bas niveau d’éducation et de formation, le déclin de la société solidaire, l’état sanitaire (état de santé – physique et mentale, handicap), ainsi qu’une prédisposition culturelle des citoyens à faire preuve de charité.

Face au défi persistant de la mendicité, le dispositif national actuel de lutte contre la mendicité s’avère peu efficace.

En termes de prévention, les programmes sociaux de lutte contre la pauvreté et la précarité, vu leur nature fragmentée, leurs approches de ciblage et leurs modalités de mise en œuvre, ne parviennent pas à compenser de manière suffisante et pérenne, les effets néfastes de la pauvreté sur les populations les plus démunies, qui demeurent souvent hors de leur champ d’intervention. C’est notamment pour ces raisons et, faisant suite aux Orientations Royales, qu’a été initiée la réforme du système de protection sociale, en cours de déploiement.

En termes de prise en charge sociale, aussi bien les centres sociaux relevant de l’entraide nationale que le plan d’action national pour lutter contre l’exploitation des enfants à des fins de mendicité (lancé fin 2019) disposent de moyens humains et matériels qui restent, selon les acteurs auditionnés, très limités au regard de l’ampleur du phénomène.

Sur le plan des mesures répressives, l’incrimination de la mendicité et du vagabondage au niveau de la section V du Code pénal se révèle peu effective et en contradiction avec d’autres dispositions dudit Code ainsi qu’avec les normes internationales en vigueur.

Sur la base de ce diagnostic partagé, le CESE estime qu’une résorption efficace du phénomène de mendicité nécessite une mise en œuvre, cohérente et coordonnée, d’un ensemble de mesures, avec la double finalité de garantir le respect de la Constitution, notamment les droits économiques et sociaux des personnes pratiquant la mendicité, sans aucune forme de discrimination ni de stigmatisation, et d’assurer le maintien de l’ordre et la sécurité publics.

Ces mesures sont structurées autour de quatre axes complémentaires :

Le premier axe concerne « l’éradication complète de l’implication des enfants dans la mendicité », en renforçant le soutien aux unités de protection de l’enfance (UPE) en termes de structuration, d’organisation, de moyens humains et matériels, ainsi que par le renforcement des mesures répressives à l’égard des exploiteurs et trafiquants d’enfants, qu’ils soient parents ou étrangers à l’enfant.

Le deuxième axe vise à « assurer la protection des personnes vulnérables contre l’exploitation à des fins mendicité », en réprimant sévèrement les actes délictuels et criminels dissimulés sous couvert de mendicité, conformément au Code pénal, particulièrement à l’égard des exploiteurs de femmes, de personnes âgées et de personnes en situation de handicap et en renforçant les politiques de protection et de soutien aux personnes en situation de handicap et âgées, ainsi que les mesures d’accompagnement et d’intégration socio-économique des populations migrantes.

Le troisième axe concerne « la réhabilitation et réinsertion des personnes en situation de mendicité », à travers la révision du dispositif juridique actuel, notamment en mettant fin à la pénalisation de la mendicité, face à la difficulté de déterminer la capacité de la personne à subvenir à ses besoins et étant donné que les infractions criminelles, qu’elles soient individuelles ou collectives, associées à cette activité, sont déjà prises en compte dans de nombreuses dispositions du code pénal. Simultanément, il convient de proposer des alternatives viables à la mendicité, à travers le renforcement des politiques d’assistance sociale, le développement des activités génératrices de revenus et l’amélioration de la prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiatriques.

Le quatrième axe a trait à « la prévention de la mendicité », en renforçant la résilience socio-économique des ménages, qui passe inéluctablement par la lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales et spatiales et l’amélioration de l’accès aux soins, à l’éducation, à la formation et à l’emploi.

En téléchargement document complet

asa_c3_08022023_fr.pdf Avis CESE  (978 Ko)





Dimanche 24 Mars 2024

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