L’Afrique avance ses pions dans le grand jeu de la finance mondiale. L’Africa Credit Rating Agency (AfCRA), première agence de notation de crédit entièrement détenue et pilotée par des Africains, s’installera officiellement à l’île Maurice. Elle prévoit de publier ses premières évaluations dès le deuxième trimestre 2026, avec l’ambition d’offrir une alternative crédible aux géants occidentaux Moody’s, S&P et Fitch.
Depuis des années, de nombreux gouvernements africains dénoncent un biais systémique des grandes agences internationales, accusées de surrévaluer le risque souverain du continent. Résultat : des coûts d’emprunt plus élevés, alors que des pays comme le Ghana ou la Zambie ont déjà fait défaut sur leur dette post-Covid.
L’AfCRA, projet de l’Union africaine via l’African Peer Review Mechanism (APRM) et appuyé par la CEA/ONU, veut briser ce cercle vicieux. Objectif : développer des notations en monnaie locale pour les dettes souveraines, régionales et privées, afin de renforcer les marchés de capitaux domestiques et réduire la dépendance aux financements extérieurs.
La désignation officielle a été confirmée fin septembre par l’APRM et reprise par l’Economic Development Board (EDB) mauricien. L’île se présente comme un hub financier reconnu, avec un cadre réglementaire stable et une proximité avec les grands investisseurs internationaux. Des filiales régionales devraient compléter ce dispositif pour mieux refléter la diversité économique du continent.
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Portage institutionnel : l’agence se veut “private sector–driven” (pilotée par le secteur privé), mais sous parapluie politique de l’UA.
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Calendrier : un lancement technique était initialement prévu fin 2025, mais le scénario glisse vers une opérationnalisation complète au T2 2026.
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Ressources humaines : recrutement du CEO et de l’équipe d’analystes attendu courant 2025, avec publication des premières méthodologies.
Statut réglementaire : l’alignement avec le code de conduite IOSCO et la reconnaissance comme ECAI (External Credit Assessment Institution) par les régulateurs reste à confirmer. Gouvernance et indépendance : qui finance, qui siège au conseil d’administration, quelles politiques de prévention des conflits d’intérêts ? Les communiqués restent vagues. Capacité analytique : tout dépendra de la rigueur méthodologique, de la transparence des notations et de leur acceptation par les investisseurs. Test de marché : banques centrales, asset managers et bourses régionales adopteront-ils réellement ces notations comme référence ? L’épisode de confrontation APRM-Fitch autour d’Afreximbank illustre la dimension hautement politique du sujet.
En notant en monnaie locale et en élargissant la courbe de taux domestique, l’AfCRA peut :
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réduire le coût du capital pour les États et entreprises africains,
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rééquilibrer le récit du risque africain, souvent dicté par l’extérieur,
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attirer davantage de capitaux locaux et internationaux pour financer les infrastructures, la santé et l’éducation.
Mais tout repose sur une équation délicate : si la gouvernance, la méthodologie et la supervision ne sont pas irréprochables, l’agence risque de remplacer un biais par un autre.












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