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Gouvernement Akhannouch : Un grand boulevard, mais...


L'on peut parler d'alignement des planètes, pour reprendre une métaphore cosmique. D'une autre manière, en termes plus courants: "Tout baigne". Tel est sans doute l'état d'esprit de Aziz Akhannouch, Chef de gouvernement désigné depuis le 10 septembre dernier. Le jeudi 7 octobre, SM 19 Roi a nommé les vingt-quatre membres de son cabinet. Le lundi, c’était la première réunion de ce nouvel exécutif pour finaliser et adopter le programme présenté au Parlement ce lundi 11 octobre avant son adoption par les deux Chambres - celle des représentants étant bien entendu la seule à qui été confiée l'investiture (art.88 de la Constitution).



Par Mustapha Sehimi

gouvernement_akhannouche__un_1634054378.mp3 A lire ou à écouter en podcast :  (1.58 Mo)

Aziz Akhannouch a mené au pas de charge, son affaire durant les quatre semaines écoulées lors des consultations avec les deux partis alliés, à savoir le PAM et le PI. En position de force, il avait ainsi beaucoup de cartes en mains. Le parti du tracteur, lui, avait moins de marge: rejeté dans l'opposition  durant les deux législatures écoulées tant par Abdalilah Benkirane que par Saâd Dine El Othmani, il ne pouvait pas avoir de trop grandes prétentions. Pourtant, il a été mieux traité, si l'on ose dire, que la formation istiqlalienne. Ainsi, avec 87 sièges dans la chambre basse - six de plus que le PI -, il a eu droit à pas moins de six ministères. Le PI, lui, n'en a décroché que quatre mais, avec dans le lot, la présidence de la Chambre des conseillers, une fonction traditionnellement comptabilisée comme l'équivalent de deux départements ministériels. L'on peut aussi ajouter, pour corriger tout cela, que le responsable de l'istiqlal, Nizar Baraka, s'est vu confier le département important de l'équipement et de l'eau alors que celui du PAM, Abdellatif Ouahbi, n'a pu avoir que celui de la justice avec des attributions bien restreintes par suite de la réforme instituant l'indépendance constitutionnelle de la justice érigée en pouvoir. 

Une majorité homogène

Cette nouvelle majorité se veut homogène. Et cohérente. Pétition de principe comme le disent souvent les chefs de l'exécutif en accédant à leurs responsabilités ? Si le PAM sera sans doute un allié - par nature... - le PI sera peut-être plus sourcilleux quant au respect des principes de la Charte de la majorité qui va être signée dans les prochains jours. De plus, la formation istiqlalienne se distingue par bien des traits: une "machine" organique de dimension nationale bien huilée ; des profils de notables avec des positions locales et des statuts d'influence ; un certain patriotisme  de parti nourri par des fidélités et une culture politique; sans oublier une caution historique à deux partis tels le RNI et le PAM relevant de ce qu'il est convenu d’appeler des "partis administratifs" créés respectivement en 1978 et en 2009 et qui n'ont rien à voir avec le mouvement national. 

Ces trois formations de la nouvelle majorité ont globalement des approches convergentes pour ce qui est de la relance économique. Mais celles-ci vont-elles se prolonger dans le secteur social ? Sans forcer le trait, le PI entend prioriser les classes moyennes dont la situation s'est dégradée au cours des années écoulées. Plus globalement, il sera plus attentif aux multiples aspects de la question sociale: revalorisation du SMIG, baisse de la fiscalité (IR), amélioration des salaires des fonctionnaires. Comment mettre en œuvre  en même temps une politique de relance économique ? Un autre domaine susceptible donc d'exprimer des divergences et « des arbitrages délicats. Ce qui est admis' par Aziz Akhannouch et ses deux alliés vise la stimulation de la demande. L'environnement économique international, tel qu'il est, ne permet pas de compter sur une reprise notable en 2022 et 2023. Si bien que l'économie nationale ne peut rebondir que par des mesures sociales et fiscales pouvant profitant à la consommation des ménages - un processus avec un impact sur l'activité et économique et les cahiers de commande des entreprises. Reste la question du financement ? Pas d'autre voie que le recours à l'endettement tant sur le marché local qu'à l'étranger… 

LA REGLE DES "TROIS T" 

Les communicants politiques ont une équation pour évaluer l'efficacité d'une action gouvernementale : celle des "Trois T". Référence est faite ici aux thèmes, au tempo et au temps. Les thèmes ? L'on sera fixé avec le programme de ce nouveau gouvernement devant le Parlement. Il faudra voir de près comment y seront traitées les promesses des partis aujourd'hui au gouvernement, surtout pour ce qui est du RNI avec des chiffres bien optimistes : un million d'emplois, une indemnité mensuelle de 1.000 DH à , des salaires minimum de 7.500 DH pour les enseignants ou de 12.000 DH pour les médecins du secteur public…

Pour ce qui est du tempo, il intéresse les conditions dans lesquelles une nouvelle politique sera mise en œuvre. Tout faire dès le départ ce n'est guère envisageable.  Prendre un premier lot de mesures à forte visibilité : voilà qui reste plaidable et même souhaitable. Les faire suivre dans une perspective quinquennale ne pourrait qu'en optimiser l'effet. 

Le temps ? Comment vont se décliner tant de mesures économiques, financières, fiscales et sociales au cours de cette législature? Quelles priorités ? Quelles séquences ? Ce qui va poser le problème de la capacité à tenir et à pouvoir face aux attentes et aux besoins des citoyens. Il faudra en effet une bonne dose de persuasion, de pédagogie, de communication pour escompter de la patience et de l'espoir du côté des couches modestes et défavorisées de la population. 

Plusieurs fronts…

Il faut dire que s'ouvre devant le gouvernement Akhannouch un grand boulevard. En remontant aux cinq précédents cabinets (El Youssoufi, Jettou, El Fassi, Benkirane et Otamani), aucun d'entre eux n'a eu les mêmes atouts : tant s'en faut. Le président du RNI n'a dans sa majorité que deux alliés (PAM, PI) avec lequel il peut espérer un respect des principes de la Charte qu'ils vont signer avec lui. Il a veillé aussi à faire nommer des membres relevant de sa proximité professionnelle (Fatima -Zahra Ammor, ex-Aqwa, ministre du tourisme ; Mohamed Sadiki, son ex-secrétaire général au département de l'agriculture, nommé à la tête de ce même ministère ; Mustapha Baitas, directeur du siège du RNI depuis la fin 2016, ministre des relations avec le parlement, porte- parole du gouvernement). Il a récusé d'autres noms, tant dans les rangs de son propre parti que chez ses deux alliés. 

Le voilà finalement sur plusieurs fronts en même temps : asseoir la crédibilité de son cabinet ; construire et conforter un leadership au sein de l'exécutif - la Constitution lui en donne les moyens -mais aussi politique comme étant celui qui porte le changement et les nouvelles politiques publiques qui l'articulent et le traduisent. Sa culture de manager est un précieux acquis, mais sera-t-elle doublée par un savoir-faire politique ? Une intelligence des opportunités aussi ; enfin, le courage d'arbitrer, de décider et d'assumer... 

Par Mustapha Sehimi sur https://quid.ma



Mardi 12 Octobre 2021


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