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Hydrogène vert : entre course à la décarbonation et réalité financière


Rédigé par le Mercredi 1 Novembre 2023

L'Afrique a récemment été au centre des discussions lors de la 13e édition des Tables Rondes de l'Arbois et de la Méditerranée, portant sur le thème de "L'hydrogène : mythes & réalités". Cet événement, organisé au début du mois de mai par l'Université d'Aix-Marseille en partenariat avec l'UM6P et le CNRS, a mis en lumière l'hydrogène vert, souvent présenté comme la solution de décarbonation de l'avenir. Cependant, de nombreux défis subsistent et divisent les experts.



L'hydrogène vert, souvent évoqué comme une solution prometteuse pour réduire les émissions de carbone, est soumis à des incertitudes majeures. Daniel Nahon, fondateur des Tables Rondes de l'Arbois et de la Méditerranée, a souligné lors de cet événement que la production d'hydrogène vert serait coûteuse et prendrait du temps. Il a ajouté que la capture du CO2 et la construction de réservoirs de stockage étaient des défis complexes. Cependant, malgré ces obstacles, l'hydrogène vert suscite un intérêt croissant de la part des industriels et des institutions internationales.

Selon le rapport "Africa's Extraordinary Green Hydrogen Potential," commandé par la Banque européenne d'investissement (BEI), l'Alliance solaire internationale, l'Union africaine (UA), avec le soutien de l'État mauritanien, d'HyDeal, et de CGLU Afrique, l'Afrique pourrait potentiellement produire jusqu'à 50 millions de tonnes d'hydrogène vert d'ici 2035, entraînant une réduction de 40 % des émissions de carbone sur le continent. L'Afrique pourrait même fournir jusqu'à 25 millions de tonnes d'hydrogène vert sur le marché mondial, équivalant à 15 % de la consommation totale de gaz de l'Union européenne (UE).

Malgré ces perspectives enthousiasmantes, l'hydrogène vert est encore principalement produit à partir d'énergies fossiles, à hauteur de 96 %, selon l'Agence internationale de l'Énergie (AIE). Néanmoins, il existe un optimisme chez certains observateurs quant à la possibilité que l'hydrogène devienne un vecteur d'électricité à faible émission de carbone, grâce aux énergies renouvelables.

Cette perspective alimente les débats parmi les experts, tandis que des opérations médiatiques, telles que l'éclairage de la Tour Eiffel avec de l'hydrogène décarboné en 2021, et les ambitions européennes dans le domaine de l'hydrogène vert continuent de stimuler l'engouement général. Cependant, il est essentiel de distinguer entre les mythes et les réalités de l'hydrogène vert. Après 48 heures de débats scientifiques, il est devenu clair que la production d'hydrogène vert demeure coûteuse et complexe.

La course africaine vers l'hydrogène vert :

L'hydrogène vert est de plus en plus prometteur en Afrique, où sa production est en hausse. En 2022, la production d'hydrogène vert en Afrique pourrait atteindre 4 millions de tonnes, contre seulement 10 000 tonnes en 2022, selon le cabinet Rystad Energy. De nombreux projets sont en cours sur le continent, notamment au Maroc, en Mauritanie, en Namibie, en Afrique du Sud, et au Nigéria.

Le gouvernement mauritanien a récemment annoncé un projet de production d'hydrogène renouvelable d'une capacité de 10 GW, tandis que l'opérateur australien CWP Global prévoit d'investir 40 milliards de dollars pour produire 1,7 million de tonnes d'hydrogène par an dans le nord de la Mauritanie. En Namibie, un projet de 9,4 milliards de dollars vise à générer 2 gigawatts d'électricité renouvelable pour les marchés régionaux et mondiaux. L'Afrique du Sud soutient également un pipeline de projets d'hydrogène vert d'une valeur de 17,8 milliards de dollars au cours des dix prochaines années.

Le Maroc, en particulier, se positionne comme un acteur clé dans la production d'hydrogène vert. Le groupe marocain OCP Group, un leader mondial dans le marché des engrais phosphatés, ambitionne de produire jusqu'à 3,2 millions de tonnes d'hydrogène vert d'ici 2032. Il a déjà signé un partenariat avec les Pays-Bas pour un projet-pilote de production d'ammoniac vert. Le Maroc vise à utiliser l'hydrogène vert pour décarboner ses industries et alimenter sa croissance économique.

L'Union Européenne dans la course à l'hydrogène :

L'Union européenne s'intéresse de près à l'hydrogène vert en tant que moyen de décarboner ses secteurs industriels et de transport. Elle a signé de nombreux accords sur l'hydrogène vert avec des pays africains. L'Allemagne, en particulier, a intensifié ses investissements pour réduire sa dépendance au gaz russe en développant la production d'hydrogène vert.

En mars dernier, un consortium dirigé par le groupe allemand Conjuncta a signé un protocole d'accord avec le gouvernement mauritanien, le fournisseur d'énergies égyptien Infinity, et le groupe Abu Dhabi Future Energy Company (Masdar) pour la construction d'une usine d'hydrogène vert de 32 milliards d'euros. Cette usine, opérationnelle d'ici 2028, devrait produire 8 millions de tonnes d'hydrogène vert par an.

L'UE a pour ambition de faire circuler 100 000 camions à l'hydrogène décarboné d'ici 2030. Cependant, la production d'hydrogène vert soulève des questions quant à la quantité d'électricité nécessaire. Il est essentiel de comprendre que la production d'hydrogène vert peut nécessiter d'importantes quantités d'électricité, ce qui peut créer des défis en matière d'approvisionnement et de coûts.

Distinguer les mythes de la réalité de l'hydrogène vert :

L'hydrogène vert, malgré son potentiel, soulève de nombreuses questions et défis. Sa production est coûteuse, elle nécessite des quantités considérables d'électricité, et elle comporte des risques liés à l'explosivité de l'hydrogène. De plus, la rentabilité de cette production reste incertaine, bien que certains prévoient des baisses de coûts significatives à l'avenir.

Alors que l'Afrique se positionne comme un acteur majeur dans la production d'hydrogène vert, il est essentiel de prendre en compte les besoins locaux en électricité et de veiller à ce que les projets d'hydrogène n'affectent pas négativement les populations locales. Les discussions autour de l'hydrogène vert doivent continuer à distinguer entre les mythes et les réalités économiques pour garantir un avenir énergétique durable.





Mohamed Ait Bellahcen
Un ingénieur passionné par la technique, mordu de mécanique et avide d'une liberté que seuls l'auto... En savoir plus sur cet auteur
Mercredi 1 Novembre 2023

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