Il arrive que la politique étrangère rattrape ses auteurs avec une ironie presque cruelle.
L’épisode kabyle en est une illustration saisissante. En moins de vingt-quatre heures, le régime algérien, habitué à donner des leçons universelles de « droit à l’autodétermination », s’est senti contraint de préciser ce qui, à ses yeux, ne devait surtout pas être précisé : ce droit ne vaut pas à l’intérieur de ses propres frontières. L’arroseur, cette fois, se retrouve copieusement arrosé.
Le communiqué précipité du ministère algérien des Affaires étrangères, publié dans l’urgence, sonne comme une mise au point défensive. Officiellement, il s’agissait de rappeler que l’article trente-deux de la Constitution algérienne, qui proclame la solidarité du pays avec « tous les peuples en lutte pour l’autodétermination », ne concernerait que des causes extérieures, soigneusement sélectionnées. Comprendre : l’autodétermination est une valeur noble, à condition qu’elle ne s’applique jamais aux Algériens eux-mêmes.
Ce raisonnement à géométrie variable n’est pas nouveau. Mais rarement il aura été formulé avec une telle fébrilité. L’histoire se venge ici du politique belliqueux : en absolutisant un principe à l’international, on finit par le voir se retourner contre soi.
Le communiqué précipité du ministère algérien des Affaires étrangères, publié dans l’urgence, sonne comme une mise au point défensive. Officiellement, il s’agissait de rappeler que l’article trente-deux de la Constitution algérienne, qui proclame la solidarité du pays avec « tous les peuples en lutte pour l’autodétermination », ne concernerait que des causes extérieures, soigneusement sélectionnées. Comprendre : l’autodétermination est une valeur noble, à condition qu’elle ne s’applique jamais aux Algériens eux-mêmes.
Ce raisonnement à géométrie variable n’est pas nouveau. Mais rarement il aura été formulé avec une telle fébrilité. L’histoire se venge ici du politique belliqueux : en absolutisant un principe à l’international, on finit par le voir se retourner contre soi.
Autodétermination sélective et contradictions constitutionnelles
L’argument central d’Alger tient en une phrase : la solidarité constitutionnelle serait « fondamentalement orientée » vers le soutien du peuple sahraoui, et ne saurait, en aucun cas, s’appliquer à une situation intérieure. Dit autrement, l’autodétermination, oui, mais à l’export. À usage strictement externe. Une interprétation qui ferait sourire n’importe quel étudiant en droit constitutionnel, si l’enjeu n’était pas aussi lourd.
Dans toute démocratie apaisée, ce type de débat relèverait du Parlement, des juristes, voire d’un débat public contradictoire. Ici, c’est le ministère des Affaires étrangères qui tranche, explique, verrouille. Comme si la diplomatie se substituait au droit, et la communication politique à la réflexion institutionnelle. Ce glissement est révélateur d’un malaise plus profond : le régime ne gouverne plus sereinement, il colmate dans l’urgence.
La référence obsessionnelle au Maroc dans le communiqué n’est pas anodine. Le mot revient comme une litanie : « occupation marocaine », « territoires occupés », « lutte contre l’occupation ». À force d’invoquer le voisin, Alger semble chercher un exutoire commode pour éviter de regarder les fissures internes. Une vieille recette politique : désigner un adversaire extérieur pour maintenir la cohésion intérieure. Sauf que, cette fois, la manœuvre apparaît usée.
Dans toute démocratie apaisée, ce type de débat relèverait du Parlement, des juristes, voire d’un débat public contradictoire. Ici, c’est le ministère des Affaires étrangères qui tranche, explique, verrouille. Comme si la diplomatie se substituait au droit, et la communication politique à la réflexion institutionnelle. Ce glissement est révélateur d’un malaise plus profond : le régime ne gouverne plus sereinement, il colmate dans l’urgence.
La référence obsessionnelle au Maroc dans le communiqué n’est pas anodine. Le mot revient comme une litanie : « occupation marocaine », « territoires occupés », « lutte contre l’occupation ». À force d’invoquer le voisin, Alger semble chercher un exutoire commode pour éviter de regarder les fissures internes. Une vieille recette politique : désigner un adversaire extérieur pour maintenir la cohésion intérieure. Sauf que, cette fois, la manœuvre apparaît usée.
Kabylie indépendante : symbole politique et choc diplomatique
La proclamation de l’indépendance de la Kabylie, organisée à Paris le quatorze décembre deux mille vingt-cinq, n’a évidemment aucune reconnaissance juridique internationale à ce stade. Mais la réduire à un simple geste folklorique serait une erreur d’analyse. En diplomatie, le symbole précède souvent le droit. Et le symbole, ici, est puissant.
Le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie a su orchestrer l’événement avec un sens aigu de la mise en scène politique. Annoncer Versailles, accepter une interdiction préfectorale, puis déplacer la cérémonie au cœur de Paris, à proximité immédiate de lieux hautement symboliques, relevait d’une stratégie maîtrisée. Le message était clair : internationaliser la question kabyle, l’arracher au seul cadre algérien.
Face à cela, la réaction d’Alger a paru désordonnée. Le régime a couru derrière l’événement sans jamais en reprendre le contrôle narratif. En diplomatie, perdre la maîtrise du récit est souvent plus grave que perdre un bras de fer juridique. Comme le disait un ancien diplomate maghrébin, lors d’un échange informel : « La politique étrangère, c’est d’abord une affaire de récit crédible. Quand il se fissure, tout le reste suit. »
Le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie a su orchestrer l’événement avec un sens aigu de la mise en scène politique. Annoncer Versailles, accepter une interdiction préfectorale, puis déplacer la cérémonie au cœur de Paris, à proximité immédiate de lieux hautement symboliques, relevait d’une stratégie maîtrisée. Le message était clair : internationaliser la question kabyle, l’arracher au seul cadre algérien.
Face à cela, la réaction d’Alger a paru désordonnée. Le régime a couru derrière l’événement sans jamais en reprendre le contrôle narratif. En diplomatie, perdre la maîtrise du récit est souvent plus grave que perdre un bras de fer juridique. Comme le disait un ancien diplomate maghrébin, lors d’un échange informel : « La politique étrangère, c’est d’abord une affaire de récit crédible. Quand il se fissure, tout le reste suit. »
Une diplomatie toujours prisonnière de son obsession
Le constat est sévère. La diplomatie algérienne donne le sentiment d’être enfermée dans une obsession anti-marocaine qui structure désormais jusqu’à l’interprétation de sa propre Constitution. Tout se pense en miroir de Rabat, parfois au détriment d’une vision stratégique autonome.
Cette posture finit par affaiblir le message algérien sur la scène internationale. Comment défendre, avec crédibilité, un principe universel lorsqu’on en limite l’application de manière aussi explicite ? Comment convaincre que l’on soutient les peuples, et non des causes instrumentalisées ? L’histoire récente montre que les discours trop rigides finissent toujours par se retourner contre leurs auteurs.
Une crainte réelle de fragmentation
Il serait intellectuellement et objectivement malhonnête de nier les inquiétudes légitimes d’un État face au risque de fragmentation territoriale. L’Algérie, comme beaucoup de pays postcoloniaux, s’est construite dans la douleur, autour d’un récit unitaire forgé par la guerre d’indépendance. Toute remise en cause de ce récit est vécue comme une menace existentielle.
De ce point de vue, la réaction algérienne s’inscrit dans une logique classique de défense de la souveraineté. Peu d’États accepteraient sereinement une proclamation unilatérale d’indépendance, même symbolique. Le réflexe de fermeture n’est donc pas propre à Alger. La différence réside dans la cohérence du discours : on ne peut durablement défendre l’autodétermination partout, sauf chez soi, sans s’exposer à des contradictions majeures.
Cette posture finit par affaiblir le message algérien sur la scène internationale. Comment défendre, avec crédibilité, un principe universel lorsqu’on en limite l’application de manière aussi explicite ? Comment convaincre que l’on soutient les peuples, et non des causes instrumentalisées ? L’histoire récente montre que les discours trop rigides finissent toujours par se retourner contre leurs auteurs.
Une crainte réelle de fragmentation
Il serait intellectuellement et objectivement malhonnête de nier les inquiétudes légitimes d’un État face au risque de fragmentation territoriale. L’Algérie, comme beaucoup de pays postcoloniaux, s’est construite dans la douleur, autour d’un récit unitaire forgé par la guerre d’indépendance. Toute remise en cause de ce récit est vécue comme une menace existentielle.
De ce point de vue, la réaction algérienne s’inscrit dans une logique classique de défense de la souveraineté. Peu d’États accepteraient sereinement une proclamation unilatérale d’indépendance, même symbolique. Le réflexe de fermeture n’est donc pas propre à Alger. La différence réside dans la cohérence du discours : on ne peut durablement défendre l’autodétermination partout, sauf chez soi, sans s’exposer à des contradictions majeures.
Pour le Maroc, observateur attentif de cette séquence, la leçon est double.
D’une part, elle confirme que la diplomatie moderne se joue autant sur le terrain symbolique que juridique. D’autre part, elle rappelle qu’une politique étrangère cohérente gagne toujours à être arrimée à des principes appliqués sans double standard.
Loin de toute jubilation stérile, cette situation invite à une réflexion régionale plus large. Le Maghreb ne pourra avancer que s’il accepte d’affronter ses propres contradictions internes avec lucidité, sans les projeter systématiquement sur le voisin. L’histoire, elle, continue d’avancer, indifférente aux slogans.
En tentant d’éteindre la question kabyle par une rhétorique défensive et obsessionnelle, la diplomatie algérienne n’a fait que mettre en lumière ses propres paradoxes. L’histoire se venge rarement dans le fracas ; elle préfère l’ironie. Et parfois, un simple communiqué suffit à révéler qu’un principe, trop longtemps instrumentalisé, finit toujours par réclamer sa cohérence.
Loin de toute jubilation stérile, cette situation invite à une réflexion régionale plus large. Le Maghreb ne pourra avancer que s’il accepte d’affronter ses propres contradictions internes avec lucidité, sans les projeter systématiquement sur le voisin. L’histoire, elle, continue d’avancer, indifférente aux slogans.
En tentant d’éteindre la question kabyle par une rhétorique défensive et obsessionnelle, la diplomatie algérienne n’a fait que mettre en lumière ses propres paradoxes. L’histoire se venge rarement dans le fracas ; elle préfère l’ironie. Et parfois, un simple communiqué suffit à révéler qu’un principe, trop longtemps instrumentalisé, finit toujours par réclamer sa cohérence.












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