Je vous remercie infiniment pour l'article du 8 Mai "8 et 9 mai : l’héritage divisé des Alliés de la Seconde Guerre mondiale" relatif à l'héritage divisé des Alliés de la Seconde Guerre mondiale et je me permettrai de commenter certains points sensibles qui, pour diverses raisons, restent négligés.

Je voudrais attirer l'attention de l'équipe éditoriale et des lecteurs sur les événements de l'histoire de l'Europe et de l'Ukraine, que la partie russe tente de déformer et d'ajouter des graines de haine sous le couvert d'une attitude juste envers la
guerre de la part du peuple marocain.

Je vais commencer par les chiffres et les dates.

Le 8 mai, l'Ukraine et l'Europe commémore le Jour du Souvenir et de la Victoire, en l'honneur de ceux qui sont morts pendant la Seconde Guerre mondiale de 1939- 1945. En ce jour nous exprimons notre respect et notre gratitude à tous les combattants contre le nazisme, perpétue la mémoire des soldats tombés au combat et des victimes de la guerre la plus sanglante et la plus cruelle de l'histoire de l'humanité.

Le Jour du Souvenir et de la Victoire rappelle que la Seconde Guerre mondiale a commencé à la suite d'accords entre deux régimes totalitaires: national-socialiste (nazi) en Allemagne et communiste en URSS, ainsi que de la réticence tacite des États les plus puissants du monde à résister aux agresseurs.

Nous nous souvenons que la guerre est une catastrophe, une tragédie, des millions de morts et de corps et d'âmes mutilés. Et nous comprenons également que l'héroïsation de la guerre conduit à l'escalade de nouveaux conflits.

La fin de la Seconde Guerre mondiale a apporté la paix, mais pas la liberté, à de nombreux pays européens. L'Union soviétique a occupé ou contrôlé l'Ukraine, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et d’autres pays d'Europe centrale. Un régime
totalitaire a succédé à un autre. L’expulsion des occupants nazis n'a pas apporté la liberté à l'Ukraine, mais a entraîné le retour de la terreur communiste. Ses manifestations furent la déportation des Tatars de Crimée et d’autres peuples de Crimée, la famine artificielle de masse de 1946-1947, le retour des répressions, la resoviétisation de l'Ukraine occidentale, les tentatives de destruction des Églises orthodoxe ukrainienne et gréco-catholique ukrainienne, etc.

L'Ukraine a été l'un des principaux théâtres de la Seconde Guerre mondiale. Le peuple ukrainien a subi d'énormes pertes et destructions. Dans cette lutte, nous avons perdu plus de 8 millions d’Ukrainiens et de représentants d’autres peuples qui vivaient sur la terre Ukrainienne, dont 5 millions de civils et 3 millions de soldats.

La Seconde Guerre mondiale a touché toutes les familles ukrainiennes. Chaque ville et chaque village ont été touchés. C'est pourquoi le peuple ukrainien est si indigné par la manipulation de cette mémoire. Nous rejetons catégoriquement les manipulations historiques russes, les tentatives de minimiser ou de manipuler le rôle de l'Ukraine et l'affirmation selon laquelle la Russie a le droit exclusif de vaincre le nazisme.

Aucun pays ne peut prétendre avoir joué un rôle exceptionnel dans la victoire sur le nazisme. La victoire est le résultat des efforts titanesques de dizaines d'États et de centaines de peuples. Les tentatives d'utiliser «l'autorité» morale du vainqueur de la Seconde Guerre mondiale comme couverture pour un revanchisme sont inacceptables.

Le souvenir de la guerre ne doit pas conduire à un culte de la victoire, mais plutôt à développer la capacité de valoriser la paix, de la défendre catégoriquement et sans compromis par tous les moyens raisonnables, et de cultiver le courage et le principe
dans la lutte contre l'ennemi.

Après le nazisme et le communisme, le monde a été confronté à une nouvelle idéologie criminelle et agressive: nous luttons désormais contre la version russe du nazisme. Cela constitue une menace non seulement pour l'indépendance et la souveraineté de notre État, mais aussi pour l'ordre juridique international et la sécurité de l'humanité tout entière, du monde moderne et de la démocratie. La base idéologique du nazisme russe était l'appropriation du statut de «principal vainqueur» et la transformation de la victoire sur le nazisme en culte et en propagande de guerre.

Aujourd'hui, les Ukrainiens, les armes à la main, défendent non seulement eux- mêmes, mais tous les pays européens contre l'expansion russe et offrent une chance de construire une paix juste et durable et de créer un nouveau système de sécurité mondiale. La condition pour cela est la restauration de l'intégrité territoriale de l'Ukraine et l'impossibilité d'une future agression russe contre quiconque sur notre planète.

La Russie présente sa guerre actuelle contre l'Ukraine comme une continuation de la Seconde Guerre mondiale. Dans la réalité parallèle de la Russie, les Russes sont des «libérateurs». De nombreux Russes croient à cette propagande folle. Ils pensent qu'ils font la bonne chose en envahissant un pays voisin et en tuant sa population.

La Russie tente d'utiliser le 80e anniversaire de la victoire sur le nazisme à des fins de propagande. D'énormes ressources sont investies dans la guerre contre l'Ukraine. Avec si peu de raisons de fierté nationale, l'événement du 9 mai suivi par une défilé militaire et sa propagande servent de substitut aux masses dont les participants avec le ruban de Saint-Georges portent un symbole du séparatisme. Dans de nombreux pays d'Europe et du monde ce ruban n'a rien à voir avec la victoire sur le nazisme.

Ukraine appelle tous ses partenaires et les organisations internationales à honorer la mémoire de toutes les victimes de la Seconde Guerre mondiale, tout en protégeant et en favorisant la vérité historique sur cette terrible guerre, fondée sur des faits.

Le 80e anniversaire de la victoire sur le nazisme est une commémoration des victimes de la guerre, et non une exploitation de la victoire à des fins politiques modernes. C'est un événement mémorable et non festif. Et aujourd’hui, la communauté
internationale a la possibilité de s'appuyer sur cette expérience amère et sur les leçons de l'histoire pour prendre des décisions de sécurité adéquates, notamment concernant la guerre non provoquée et injustifiée de la Russie contre l'Ukraine.

Bien sincèrement,
Serhii SAIENKO Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire d'Ukraine

Fidèle à notre charte éditoriale, nous publions la lettre de Monsieur Serhii Saienko, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire d’Ukraine, qui vient enrichir le débat autour du thème : « 8 et 9 mai : l’héritage divisé des Alliés de la Seconde Guerre mondiale ».

Nous le remercions chaleureusement pour sa contribution précieuse. Nous espérons avoir retranscrit ses propos avec la plus grande fidélité, bien que le document reçu ait nécessité une opération d’OCR (reconnaissance optique de caractères), celui-ci étant verrouillé.