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L’histoire du Roi Ibn Abbad et Itimad Roumaykia...




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Par Rachid Boufous

Il était une fois un Roi Poète, qui régnait sur le plus grand et le plus beau royaume des taïfas d'Al Andalus : le Royaume de Seville. 

Il s'appelait Al Mouatamid Ibn Abbad, était dur et intrépide, faisant continuellement la guerre pour préserver son royaume contre les attaques espagnoles.

Lors d’une promenade le long du Guadalquivir, le roi s’est senti d’humeur poétique, composa et chanta un poème : «... حاكت الريح من الماء زرد » qui voulait dire « que le vent faisait ressembler l’eau au manteau d’un zèbre » (utilisé pour couvrir les boucliers des soldats)...

Son Vizir, qui était poète  ne pût lui donner le change, surpris par la soudaine et imprévue tirade de son maître. Contre toute attente, c’est Itimad, une esclave qui lavait du linge au bord du fleuve, qui a répondu au poème du roi : «أي درع لقتال لو جمد» «Quel bouclier pour combattre si cette eau venait à geler ?»

Charmé par autant d’audace de la part d’une esclave, que par sa beauté et ses dons poétiques, le sultan l’acheta auprès de son maître, Roumayk Ibn Hajjaj.

Le Roi Ibn Abbad s'éprit tellement d'Itimad, qu'il en oublia son règne et les affaires de son royaume.

On raconte qu’un jour Itimad regardait par une fenêtre du palais de jeunes filles laver le linge au bord de l’oued tout en pataugeant dans l’eau et la glaise. Elle se souvint soudain de l’époque où elle était esclave et qu’elle en faisait de même.

Maintenant qu’elle était là favorite du Roi de Séville, elle avait tout, mais ne pouvait pas s’adonner à des plaisirs simples comme ceux des jeunes filles au bord du Guadalquivir. Elle en éprouva une grande amertume.

Quand Ibn Abbad sût l’objet de la tristesse d’Itimad, il demanda à ses esclaves de ramener des quantités impressionnantes de camphre, de musc et d’eau de roses et de les mélanger à la terre glaise, au bord du fleuve, afin qu’Itimad et ses esclaves puissent aller patauger dans cette glaise parfumée...

Et puis un jour, sans y prêter garde, Ibn Abbad vit les espagnols du roi Alphonse VI et du Cid (Rodrigue de Vivar) aux portes de son royaume, venus lui faire la guerre...

Il décida, avec d'autres rois de taïfas d'Al Andalus, d'aller quémander l'aide de Youssef Ibn Tachefine, Chef des Almoravides à Marrakech...

Celui-ci leur vint en aide une première fois et la grande bataille de Sagrajas ou Zalaca ( الزلاقة) eut lieu le 23 octobre 1086, fut remportée par les musulmans et permit de repousser le espagnols.

Mais malheureusement la vanité des hommes reprit vite le dessus, et Youssef repartit au maroc, dépité par tant d'ingratitude...Les Rois des Taifas reprirent leurs fêtes et oublièrent une fois de plus la conduite des affaires de leurs royaumes, plongés qu’ils étaient dans cette magnifique et enivrante douceur de vivre d’Al Andalus...

Un an après, les espagnols reprirent leurs attaques, Youssef Ibn Tachefine, Ibn Abbad partit lui-même quémander l’aide de l’empereur Almoravide à Marrakech, en disant aux autres rois des taifas qui craignaient le retour des Almoravides en Espagne : « je préfère encore conduire aux pâturages les dromadaires de Youssef que de donner à manger aux porcs d’Alphonse... » 

Youssef Ibn Tachefine se résolut à franchir le détroit une seconde fois, vainquit les espagnols, mais décida d'emprisonner les rois des taïfas y compris Al Moutamid, sa femme et ses filles, qu'il envoya en exil forcé à Aghmat, près de Marrakech.

Youssef intronisa son fils Ali sur l’ensemble des royaumes des taifas, tenant ainsi à distance les armées d’Alphonse...
Youssef fut intraitable quant au sort qu’il réserva à Ibn Abbad et n’accepta aucune grâce, car il estima que ce Roi, plus qu’aucun autre en Andalousie, avait succombé aux délices de la vie, au détriment des affaires du royaume de Séville qu’il faillit perdre par deux fois...

Pour survivre à Aghmat, Itimad et ses filles furent contraintes de laver le linge des gens du coin et travaillaient dans les champs, car Youssef refusait à Ibn Abbad toute forme d’aide. Ibn Abbad, lui, était continuellement enchaîné dans sa demeure et sévèrement gardé, de peur qu’il ne s’échappa pour rejoindre l’Espagne où il comptait toujours beaucoup d’appuis et d’alliés...
Cette terrible condition poussa , Al-Mouatamid à composer un poème qui resta célèbre sur les revers de fortune et les retournements du destin :

‎فيما مضى كنت بالأعياد مسرورا
‎وكان عيـدك باللـذات معمـورا
‎وكنت تحسب أن العيـد مسعـدةٌ
‎فساءك العيد في أغمات مأسورا
‎وكم حكمت على الأقوامِ في صلفٍ
‎فردّك الدهـر منهيـاً ومأمـورا
‎من بات بعدك في ملكٍ يسرّ بـه 
‎أو بات يهنأ باللـذات مسـرورا
‎ولم تعظه عوادي الدهر إذ وقعت
‎فإنما بات في الأحلام مغرورا


Itimad éreintée par ces terribles conditions de détentions vint à mourir en 1095 de notre ère. Ibn Abbad en éprouva un fort chagrin et ne tarda pas à mourir lui aussi, quelques jours après sa bien-aimée...

Il furent tous les deux enterrés côte à côte à Aghmat. Un mausolée, préservé, abrite leurs tombes au village d’Aghmat, ancienne capitale des Almoravides...

Ibn Abbad avait régné sur Seville de 1069 à 1091, et vécut de 1040 à 1095...

Si vous visitez un jour Seville, aller à l’Alcázar, visitez les salles et les jardins du palais, vous y sentirez sans doutes, cette indescriptible douceur de vivre qui fit perdre un jour sa couronne à un grand roi d’Al Andalus..

Rédigé par Rachid Boufous



Mardi 30 Août 2022


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