Le récit marocain des prochaines années ne se résume pas à une simple mutation territoriale : il s’agit d’une stratégie de mise en réseau. En annonçant l’Initiative Atlantique, Rabat a franchi une étape symbolique et opérationnelle l’ambition est de transformer l’espace atlantique africain en zone de partage et de coprospérité, en reliant davantage le Sahel aux façades maritimes marocaines. Cette feuille de route, portée depuis le palais, vise à faire du Royaume un point d’entrée pour des économies sahéliennes longtemps enclavées.
Sur le terrain, Dakhla Atlantique illustre ce basculement : pensé comme un port de grande échelle et un hub de desserte Sud–Sud, le projet bénéficie d’investissements massifs (des montants publics/privés à hauteur d’environ 1,2 milliard d’euros ont été évoqués par la presse). Si le chantier tient ses promesses, il offrira aux pays du Sahel un accès direct aux marchés mondiaux via des corridors logistiques nouveaux. Reste que la réussite dépendra d’une gouvernance transparente, de calendriers tenus et d’une synchronisation avec les acteurs régionaux.
Tanger Med n’est pas en reste : déjà présenté comme le premier complexe portuaire d’Afrique et de la Méditerranée, il sert de preuve de concept — une plateforme logistique, des zones industrielles et une densité d’opérateurs permettant au Maroc d’absorber et de relayer des flux entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques. C’est cet assemblage d’infrastructures portuaires et d’écosystèmes industriels qui fonde l’option « hub » du pays.
Énergie verte et industries bas-carbone : un atout stratégique
La transition énergétique est le deuxième pilier du projet. Le Maroc mise sur un trio solaire-éolien-hydrogène pour devenir exportateur d’énergies bas-carbone. Des partenariats internationaux notamment des études et accords autour de projets d’hydrogène vert confirment l’intérêt des grands acteurs étrangers pour des capacités marocaines dédiées à la production et à l’export. Ces initiatives (études de faisabilité, consortiums industriels) renforcent l’idée que l’énergie peut être autant un moteur économique qu’un instrument de souveraineté régionale.
Mais attention : la transformation industrielle exigera plus que des parcs solaires et des électrolyseurs. Il faudra des chaînes de valeur locales formation, industrie des composants, logistique d’exportation pour que la valeur créée reste majoritairement marocaine.
Mobilité et diplomatie : maillage intérieur et visibilité extérieure
La connexion intérieure est aussi critique. L’extension programmée de la LGV vers Agadir, puis l’ambition d’un maillage atlantique plus vaste, rendent tangibles les gains attendus en compétitivité territoriale : réduire les temps de trajet, rapprocher pôles productifs et ports, et faciliter l’accès aux marchés. Ces projets ferroviaires, s’ils sont menés à bonne vitesse, peuvent transformer le coût-pays du Maroc.
Sur le plan diplomatique, l’ouverture de consulats et la multiplication de partenariats africains traduisent une stratégie d’ancrage : le Maroc ne cherche pas la confrontation territoriale, mais la construction de réseaux d’affaires, de sécurité et d’influence culturelle. L’enjeu restera de rendre ces dynamiques bénéfiques socialement emplois locaux, inclusion, respect des équilibres territoriaux.
Le Maroc de 2035 n’est pas promis d’avance à figurer dans un « top 10 » des puissances géostratégiques : c’est un pari. Un pari sur la capacité à relier, produire et protéger. Réussir exigera de la cohérence entre diplomatie, investissements publics, attractivité privée et règles claires. Si ces pièces s’alignent, le Royaume aura bien plus qu’un rôle de passage : il deviendra un lieu où se tissent des proximités économiques, énergétiques et humaines qui redessineront, modestement mais durablement, la carte de l’Atlantique africain.












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