De la périphérie au cœur des villes
Longtemps cantonnées aux périphéries des grandes métropoles marocaines, les grandes et moyennes surfaces (GMS) opèrent aujourd’hui une offensive stratégique vers les villes moyennes. Supermarchés, hypermarchés, enseignes à bas coût ou centres commerciaux compacts apparaissent désormais à Meknès, Kénitra, Taza, Safi, Oujda, Tétouan, Errachidia, Guelmim…
Pour certains, cela marque un progrès : accès facilité à des produits diversifiés, hygiène maîtrisée, horaires étendus, prix parfois compétitifs. Pour d’autres, c’est une menace directe : concurrence déloyale pour le commerce de proximité, saturation foncière, désertification des centres historiques.
Dans son Avis A/1/25, le Conseil de la Concurrence consacre plusieurs pages à cette expansion incontrôlée des GMS dans les villes moyennes marocaines. Il y dénonce une absence totale de planification commerciale, avec des effets délétères à la fois économiques, sociaux et urbains.
Pour certains, cela marque un progrès : accès facilité à des produits diversifiés, hygiène maîtrisée, horaires étendus, prix parfois compétitifs. Pour d’autres, c’est une menace directe : concurrence déloyale pour le commerce de proximité, saturation foncière, désertification des centres historiques.
Dans son Avis A/1/25, le Conseil de la Concurrence consacre plusieurs pages à cette expansion incontrôlée des GMS dans les villes moyennes marocaines. Il y dénonce une absence totale de planification commerciale, avec des effets délétères à la fois économiques, sociaux et urbains.
L’explosion des GMS hors contrôle
Selon les données recueillies par le Conseil, le Maroc compte aujourd’hui plus de 650 GMS, toutes enseignes confondues. Si Casablanca, Rabat et Marrakech demeurent les épicentres, on observe une croissance annuelle à deux chiffres dans les villes de taille moyenne.
Problème : cette croissance s’opère sans coordination territoriale, ni vision d’ensemble. Les autorisations sont délivrées de manière opaque, au cas par cas, souvent sous la pression d’intérêts fonciers ou commerciaux.
Le Conseil signale par exemple que plusieurs projets de supermarchés ont été implantés à proximité immédiate de marchés traditionnels ou de quartiers historiques, provoquant une érosion rapide du commerce local.
Problème : cette croissance s’opère sans coordination territoriale, ni vision d’ensemble. Les autorisations sont délivrées de manière opaque, au cas par cas, souvent sous la pression d’intérêts fonciers ou commerciaux.
Le Conseil signale par exemple que plusieurs projets de supermarchés ont été implantés à proximité immédiate de marchés traditionnels ou de quartiers historiques, provoquant une érosion rapide du commerce local.
Une urbanisation commerciale déséquilibrée
L’essor rapide des grandes et moyennes surfaces pose un double problème, tant en matière d’aménagement urbain que de cohésion sociale.
D’un côté, un déséquilibre croissant affecte la planification urbaine. Les GMS s’implantent majoritairement en périphérie, dans des zones mal desservies par les transports publics. Cette dynamique favorise l’étalement urbain, encourage l’usage de la voiture individuelle et accentue les nuisances environnementales. En centre-ville, leur présence provoque une envolée des loyers commerciaux, excluant progressivement les petits commerçants et artisans. À cela s’ajoute une pression accrue sur la circulation, les livraisons et le stationnement, souvent mal anticipée, qui désorganise la vie des quartiers résidentiels.
De l’autre, on assiste à une désertification lente mais réelle des centres historiques. Les médinas et les marchés traditionnels perdent leur clientèle au profit d’enseignes modernes, climatisées et standardisées. Les commerçants traditionnels, souvent en situation précaire, peinent à rivaliser en termes de prix, d’horaires ou de marketing. Ce glissement ne se limite pas à l’économie locale : il affecte également la vie sociale de quartier, qui se déplace vers des espaces impersonnels, coupés de leur ancrage historique et culturel.
D’un côté, un déséquilibre croissant affecte la planification urbaine. Les GMS s’implantent majoritairement en périphérie, dans des zones mal desservies par les transports publics. Cette dynamique favorise l’étalement urbain, encourage l’usage de la voiture individuelle et accentue les nuisances environnementales. En centre-ville, leur présence provoque une envolée des loyers commerciaux, excluant progressivement les petits commerçants et artisans. À cela s’ajoute une pression accrue sur la circulation, les livraisons et le stationnement, souvent mal anticipée, qui désorganise la vie des quartiers résidentiels.
De l’autre, on assiste à une désertification lente mais réelle des centres historiques. Les médinas et les marchés traditionnels perdent leur clientèle au profit d’enseignes modernes, climatisées et standardisées. Les commerçants traditionnels, souvent en situation précaire, peinent à rivaliser en termes de prix, d’horaires ou de marketing. Ce glissement ne se limite pas à l’économie locale : il affecte également la vie sociale de quartier, qui se déplace vers des espaces impersonnels, coupés de leur ancrage historique et culturel.
Impact direct sur le commerce de proximité
Les conséquences sont visibles sur le terrain : dès l’implantation d’un supermarché ou d’un centre commercial, les petits commerces du voisinage enregistrent une baisse moyenne de chiffre d’affaires de 20 à 40 % dans les 18 premiers mois.
Dans plusieurs villes (Fès, Mohammedia, Béni Mellal), le Conseil a documenté la fermeture définitive de 25 à 30 % des épiceries et boucheries dans un rayon de 500 mètres autour d’une GMS nouvellement implantée.
Ce phénomène s’amplifie dans les quartiers populaires, où les commerçants n’ont ni les moyens de moderniser leur offre, ni la capacité de négocier avec les fournisseurs.
Dans plusieurs villes (Fès, Mohammedia, Béni Mellal), le Conseil a documenté la fermeture définitive de 25 à 30 % des épiceries et boucheries dans un rayon de 500 mètres autour d’une GMS nouvellement implantée.
Ce phénomène s’amplifie dans les quartiers populaires, où les commerçants n’ont ni les moyens de moderniser leur offre, ni la capacité de négocier avec les fournisseurs.
Une régulation locale quasi-inexistante
Contrairement à plusieurs pays, le Maroc ne dispose pas de règles urbanistiques spécifiques pour encadrer l’implantation des grandes et moyennes surfaces. Ainsi, aucune évaluation d’impact économique n’est systématiquement exigée avant toute nouvelle implantation. Les autorisations sont souvent délivrées sans étude préalable sur la saturation commerciale locale.
Par ailleurs, les schémas directeurs d’aménagement urbain (SDAU) ne comportent généralement pas de volet dédié au commerce, ce qui limite leur capacité à anticiper et réguler le développement des équipements marchands.
Enfin, les élus locaux, faute d’outils juridiques adaptés et de formation suffisante, peinent à orienter efficacement les décisions d’implantation sur leur territoire.
Le Conseil de la Concurrence déplore cette absence de politique nationale d’urbanisme commercial, qui priverait le pays d’un instrument stratégique essentiel pour planifier de façon équilibrée la répartition des infrastructures commerciales à l’échelle territoriale.
Par ailleurs, les schémas directeurs d’aménagement urbain (SDAU) ne comportent généralement pas de volet dédié au commerce, ce qui limite leur capacité à anticiper et réguler le développement des équipements marchands.
Enfin, les élus locaux, faute d’outils juridiques adaptés et de formation suffisante, peinent à orienter efficacement les décisions d’implantation sur leur territoire.
Le Conseil de la Concurrence déplore cette absence de politique nationale d’urbanisme commercial, qui priverait le pays d’un instrument stratégique essentiel pour planifier de façon équilibrée la répartition des infrastructures commerciales à l’échelle territoriale.
Que faire ? Les recommandations du Conseil
Face à l’absence de cadre clair, le Conseil préconise d’abord l’adoption d’une loi dédiée à l’urbanisme commercial, inspirée des modèles français et tunisien. Cette législation instituerait des autorisations spécifiques pour toute grande ou moyenne surface dépassant une certaine superficie, en intégrant systématiquement une analyse d’impact sur l’emploi, la mobilité et les commerces existants.
Par ailleurs, la création d’un observatoire territorial du commerce permettrait de suivre de près l’évolution du tissu commercial local. En cartographiant les zones saturées, sous-dotées ou en mutation, cet outil offrirait un appui précieux aux communes pour mieux orienter leurs décisions en matière d’implantation commerciale.
Le Conseil recommande également de rendre les communes pleinement décisionnaires dans l’approbation des projets de GMS, en concertation avec les chambres de commerce et les représentants des commerçants. Ces décisions reposeraient sur des critères objectifs, tels que la distance minimale entre enseignes, leur intégration dans le tissu urbain et la complémentarité de l’offre.
Enfin, pour encourager la diversité et la mixité commerciale, il propose d’imposer dans les centres commerciaux un quota réservé aux commerces locaux ou artisanaux. Cette mesure serait accompagnée de subventions pour alléger les loyers des petits commerçants dans les projets mixtes. Une autre innovation envisagée est la création de “marchés connectés”, qui mêleraient tradition et digital en associant souks traditionnels et drives modernes.
Par ailleurs, la création d’un observatoire territorial du commerce permettrait de suivre de près l’évolution du tissu commercial local. En cartographiant les zones saturées, sous-dotées ou en mutation, cet outil offrirait un appui précieux aux communes pour mieux orienter leurs décisions en matière d’implantation commerciale.
Le Conseil recommande également de rendre les communes pleinement décisionnaires dans l’approbation des projets de GMS, en concertation avec les chambres de commerce et les représentants des commerçants. Ces décisions reposeraient sur des critères objectifs, tels que la distance minimale entre enseignes, leur intégration dans le tissu urbain et la complémentarité de l’offre.
Enfin, pour encourager la diversité et la mixité commerciale, il propose d’imposer dans les centres commerciaux un quota réservé aux commerces locaux ou artisanaux. Cette mesure serait accompagnée de subventions pour alléger les loyers des petits commerçants dans les projets mixtes. Une autre innovation envisagée est la création de “marchés connectés”, qui mêleraient tradition et digital en associant souks traditionnels et drives modernes.
Penser la complémentarité, pas la substitution
Plutôt que de les opposer frontalement, le Conseil de la Concurrence propose d’encourager une complémentarité intelligente entre grande distribution et commerce de proximité.
Les grandes et moyennes surfaces pourraient s’approvisionner davantage en produits locaux, artisanaux ou frais, directement auprès des producteurs et commerçants régionaux. Par ailleurs, des espaces de vente partagés ou des corners dédiés au « terroir marocain » pourraient être réservés aux petits producteurs au sein même des grandes surfaces.
En outre, les commerces de quartier pourraient jouer un rôle logistique crucial en devenant des points relais pour les commandes en ligne des GMS.
Cette approche permettrait de concilier efficacité logistique et justice territoriale, évitant ainsi la création de zones de rente d’un côté et de désertification commerciale de l’autre.
Les grandes et moyennes surfaces pourraient s’approvisionner davantage en produits locaux, artisanaux ou frais, directement auprès des producteurs et commerçants régionaux. Par ailleurs, des espaces de vente partagés ou des corners dédiés au « terroir marocain » pourraient être réservés aux petits producteurs au sein même des grandes surfaces.
En outre, les commerces de quartier pourraient jouer un rôle logistique crucial en devenant des points relais pour les commandes en ligne des GMS.
Cette approche permettrait de concilier efficacité logistique et justice territoriale, évitant ainsi la création de zones de rente d’un côté et de désertification commerciale de l’autre.
De la stratégie foncière à la stratégie sociale
L’urbanisme commercial n’est pas qu’une affaire de permis de construire ou de mètres carrés. Il dessine les relations économiques, sociales et symboliques entre les habitants, les producteurs et les commerçants d’un territoire.
En laissant les grandes surfaces proliférer sans boussole, le Maroc prend le risque d’un déséquilibre durable, au détriment de la diversité économique, de l’équité territoriale et de la qualité de vie.
Il est temps d’inverser la logique : planifier d’abord, autoriser ensuite. Pour que l’urbanisme ne devienne pas le fossoyeur du commerce local, mais son allié éclairé.
En laissant les grandes surfaces proliférer sans boussole, le Maroc prend le risque d’un déséquilibre durable, au détriment de la diversité économique, de l’équité territoriale et de la qualité de vie.
Il est temps d’inverser la logique : planifier d’abord, autoriser ensuite. Pour que l’urbanisme ne devienne pas le fossoyeur du commerce local, mais son allié éclairé.












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