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La Russie selon Washington : un rival à contenir, mais aussi un voisin à réintégrer dans un ordre stable

Dossier : Le Grand Réalignement : comment États-Unis, Chine, Russie et Inde redessinent le XXIᵉ siècle


Rédigé par le Lundi 8 Décembre 2025

Dans la Stratégie de sécurité nationale publiée par l’administration Trump en 2025, la Russie occupe une place singulière. Moins omniprésente que la Chine, moins stratégique que l’hémisphère occidental, mais plus dangereuse que n’importe quel autre acteur militaire, Moscou apparaît comme un adversaire historique, certes affaibli, mais toujours capable de bouleverser l’équilibre mondial.



Une Russie affaiblie mais dangereuse : l'héritage du post-soviétisme

La lecture américaine du Kremlin, dans ce document, est à la fois réaliste, inquiète et parfois surprenamment nuancée. Elle reflète une conviction simple : la Russie n’est pas le principal défi systémique du siècle — cet honneur revient à la Chine — mais elle reste la menace géopolitique la plus explosive, celle qui peut déclencher un conflit majeur en Europe ou perturber durablement les intérêts occidentaux.

Le rapport dresse un diagnostic sans complaisance : la Russie, après trente ans de transitions ratées, a vu son économie s’éroder, sa démographie s’effondrer et son appareil productif se contracter. Un État « affaibli », mais doté d’un arsenal nucléaire gigantesque, d’un secteur militaire encore performant, et surtout, d’une volonté politique souvent imprévisible.

Washington considère que la faiblesse structurelle de la Russie n’est pas une garantie de stabilité. Au contraire : un pouvoir fragilisé peut être plus agressif, plus tenté par la projection militaire ou l’escalade tactique, notamment dans son « étranger proche ».

Le rapport rappelle que Moscou continue de percevoir le monde selon une grille de lecture post-impériale :

obsession pour les zones tampons,
méfiance absolue envers l’expansion de l’OTAN,
volonté de maintenir son statut de grande puissance malgré une économie trop petite pour soutenir ses ambitions.

La Russie est donc dépeinte comme une puissance révisionniste, pas par idéologie, mais par instinct de survie.

L’Europe face à la Russie : une relation mal gérée selon Washington

Le document est sévère envers les Européens. Washington estime que l’Union européenne n’a jamais réussi à définir une stratégie cohérente vis-à-vis de Moscou. Tantôt naïve, tantôt excessive, l’approche européenne serait le résultat d’une faiblesse interne, d’un manque de confiance et d’une dépendance historique au parapluie américain.

Le rapport insiste :

l’Europe n’a pas su « s’affirmer » face à la Russie,
elle a laissé ses divisions internes affaiblir sa crédibilité,
elle n’a pas su moderniser ses armées,
elle a laissé sa dépendance énergétique devenir un levier politique pour Moscou.

Washington juge donc que l’Europe doit « se ressaisir », non pour affronter la Russie frontalement, mais pour cesser d’en être la variable d’ajustement.

La vision américaine se veut ici plus exigeante que belliqueuse : les États-Unis demandent une Europe mature, stratégiquement autonome, capable de résister à la pression russe sans dépendre systématiquement de Washington.

Mais un paradoxe demeure : l’Amérique veut une Europe plus forte… dans un cadre transatlantique qu’elle continue de piloter.

La Russie et le spectre d’un conflit majeur en Europe

Le rapport identifie la Russie comme l’unique acteur capable de déclencher une guerre de haute intensité sur le continent européen. Cette capacité repose sur trois atouts :

Un arsenal nucléaire massif, le plus important du monde.
Une armée encore redoutable, malgré les sanctions et les pertes.
Une géographie stratégique, qui lui donne une profondeur territoriale incomparable.

Washington ne cache pas son inquiétude. Le document reconnaît que l’OTAN doit être prête à contenir tout scénario d’escalade, y compris celui d’un conflit hybride prolongé. Mais il ne s’agit pas d’annoncer une confrontation inévitable.

Au contraire : la stratégie américaine vise surtout à éviter l’escalade, à travers une dissuasion robuste, combinée à un dialogue minimal mais constant.

Le texte affirme en effet qu’un conflit avec la Russie serait catastrophique non seulement pour l’Europe, mais pour l’ordre mondial tout entier.

Autrement dit, la Russie est jugée trop dangereuse pour être ignorée, mais trop faible pour être traitée comme une superpuissance.

La Russie, puissance perturbatrice plutôt que puissance dominante

Ce qui ressort du rapport, c’est que la Russie n’est plus considérée comme un acteur global capable de remodeler l’économie mondiale ou de rivaliser technologiquement avec les États-Unis. Ce rôle est désormais attribué à la Chine.

Moscou est plutôt vue comme une puissance perturbatrice, capable de :

déstabiliser son voisinage,
influencer l’opinion publique occidentale,
mener des opérations hybrides,
manipuler les flux énergétiques,
soutenir des régimes hostiles à l’Occident,
recourir au mercenariat (Wagner et autres structures).

Washington considère que la Russie utilise ses forces résiduelles — diplomatie, énergie, armée, renseignement — pour compenser ses faiblesses économiques.

L’objectif du Kremlin n’est pas de dominer le monde, mais d’empêcher les autres de le faire sans lui.

Cette posture, dans l’analyse américaine, fait de la Russie un acteur imprévisible, constamment en quête d’opportunités, prêt à exploiter les crises globales comme des leviers de puissance relative.

Une stratégie américaine à deux niveaux : contenir et stabiliser

La vision américaine de la Russie n’est pas uniquement punitive. Elle repose sur une double mécanique :

1. Contenir la Russie militairement
Washington exige que les Européens portent leurs budgets de défense à un niveau inédit — 5 % du PIB — afin de rendre l’OTAN dissuasive, crédible et autonome.
L’objectif est clair : empêcher la Russie de tester la frontière orientale de l’alliance.

2. Maintenir une stabilité minimale
Contrairement à la Chine, que Washington veut concurrencer dans tous les domaines, la Russie doit être prévisible. L’Amérique ne cherche pas à provoquer une chute du régime ni à encourager une déstabilisation interne majeure, car un chaos russe serait pire que Poutine lui-même.

Le rapport affirme donc que les États-Unis doivent :

maintenir une ligne de communication ouverte,
éviter les provocations inutiles,
encourager l’Europe à être ferme mais pas belliqueuse,
limiter la militarisation excessive des frontières,
se préparer à négocier des accords de long terme.

Cette approche témoigne d’un réalisme assumé : la Russie ne disparaîtra pas, ne deviendra pas une démocratie libérale, et ne cessera pas d’exister comme puissance militaire. Il faut donc composer avec elle.

La Russie face à la Chine : un partenaire fragile et opportuniste

Le rapport ne considère pas la Russie isolément. Moscou est analysée dans son rapport à Pékin. Washington voit dans l’axe sino-russe une alliance de circonstance, asymétrique, dans laquelle la Chine utilise la Russie comme :

un fournisseur d’énergie,
un partenaire militaire dérangeant pour l'Occident,
un espace stratégique utile mais non essentiel.

Les États-Unis estiment que la Chine ne voit pas la Russie comme un allié égal, mais comme un satellite stratégique.

Cette lecture a un objectif : renforcer l’idée que la Russie pourrait un jour être « récupérée » dans un dispositif de stabilité si elle cesse de s’aligner sur Pékin.
Un scénario improbable aujourd’hui, mais que Washington préfère garder ouvert.

Le futur de la relation américano-russe : entre confrontation et gestion du risque

Le rapport dessine un avenir fait de tensions durables, mais pas de guerre imminente.
La Russie restera un défi militaire, un casse-tête diplomatique, un acteur toxique dans l’espace informationnel. Mais elle n’est plus perçue comme une superpuissance structurelle.

Le Kremlin continuera de défendre ses zones d’influence traditionnelles.
L’OTAN continuera de renforcer son flanc Est.
Et Washington continuera d’exiger que l’Europe prenne enfin sa part de responsabilité.

La Russie est donc placée dans une catégorie propre :
trop forte pour être ignorée, trop faible pour être respectée comme une superpuissance, trop instable pour être laissée à elle-même.

La Russie, défi de l’imprévisible

Au fond, la vision américaine de la Russie est marquée par une idée dominante :
le danger ne vient pas de sa force, mais de sa faiblesse.

La Chine est une puissance ascendante.
La Russie est une puissance réactive.


Et dans ce rapport, Washington indique clairement que la gestion de Moscou reposera sur l’art du compromis, du rapport de force mesuré, et d’une vigilance permanente.

La Russie, dans l’esprit américain, n’est pas un ennemi civilisationnel.
Elle n’est pas non plus un partenaire.
Elle est une variable de risque : une force capable de briser l’ordre européen, mais aussi de participer à un équilibre futur si ses ambitions deviennent moins agressives.


C’est ce réalisme, froid et dépouillé, qui structure toute l’analyse.
La Russie n’est plus un empire.
Elle n’est plus une superpuissance.
Elle est un défi à gérer — et surtout, un risque à empêcher de devenir un désastre.

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